"Une gouvernance partagée, ce n’est pas mal"
François Bayrou était crédité, fin décembre, de 14 % d’intention de vote. Croyez-vous réellement en ses chances ?
Oui, je le crois. Il existe aujourd’hui un désaveu de la politique menée par Nicolas Sarkozy et les Français en ont marre du clivage droite/gauche qui n’apporte pas de résultats. Avec la crise, il faut des solutions. François Bayrou est le seul à en donner depuis cinq ans.
Qu’est-ce que le centre ?
Je suis et je reste un homme de gauche. Il m’est donc difficile de répondre à cette question. Aujourd’hui, François Bayrou est dans un système politique de rassemblement entre les écologistes, les hommes de droite et de gauche. Cela m’intéresse car il aborde des sujets auxquels je suis sensible comme la justice sociale, le combat contre le capital ou le thème de l’éducation.
Pourtant, François Bayrou affirme que, s’il n’est pas qualifié pour le second tour de la présidentielle, il ne sait pas pour qui il voterait. Suivrez-vous son choix s’il se prononce en faveur de Nicolas Sarkozy ?
La réponse est non s’il se prononce en faveur de Sarkozy car je suis à l’opposé de la politique que mène le président sortant. Mais croyez-vous à un tel ralliement de la part d’un homme qui a écrit un brûlot contre Nicolas Sarkozy il y a un an et demi et qui défend des valeurs à l’opposé de celles de l’UMP ? J’espère sincèrement pouvoir, en cas de disqualification, faire le même choix que Bayrou. Il n’est pas imaginable que je puisse rallier la droite populaire que nous combattons à Marseille. Nous verrons si les électeurs plébisciteront notre projet de société, et dans ce cas, nous créerons cet axe central. Nous voulons réunir de bonnes volontés et sortir, encore une fois, du dogme droite/gauche. Comme en sport ou en entreprise, nous voulons les meilleures personnes aux meilleures places pour avoir la meilleure équipe.
Les critiques majeures du Modem envers le programme du PS concernent les emplois jeunes, les allocations des étudiants, les dépenses publiques… Autant de mesures qui seraient « insoutenables » financièrement. En quoi la rigueur et l’orthodoxie financière prônées par François Bayrou se distinguent-elles de celles défendues par Nicolas Sarkozy ?
Quand je vois que la droite veut remplacer un fonctionnaire sur deux, je trouve cela scandaleux, car la France a besoin d’effectifs dans l’éducation, comme dans la santé notamment. La question est la suivante : comment finance-t-on la dette ? Le PS fait ses propositions mais elles ne sont pas chiffrées. On n’a pas le droit de mentir aux Français, il ne faut pas faire de vœux pieux comme peuvent le faire l’UMP et le PS.
Travailler moins pour travailler tous, la retraite à 60 ans, ne sont-ce donc finalement pas de bonnes idées ?
En 1974, ces idées étaient « nickel », mais aujourd’hui, dans cette période de crise, elles sont dépassées. Jusqu’en 1981, avec Les Verts, on pouvait imaginer cela, et même aller jusqu’à défendre la semaine de 28 heures. Aujourd’hui, on n’en a plus les moyens. Comment financerait-on les entreprises et l’heure de travail ? La retraite à 60 ans est un combat sur lequel il faut revenir. Mais aujourd’hui, il faut d’abord rééquilibrer les comptes de l’État…
Concernant une sortie du nucléaire, François Bayrou semble plus frileux encore que François Hollande, pourtant lui-même très prudent. Comment réagit l’ancien écologiste ?
L’accord entre le PS et Europe Écologie s’est fait sur un coin de table. Ceux qui l’ont écrit avaient plus d’intérêt pour la répartition des circonscriptions que pour le programme nucléaire. Hollande s’est rendu compte des problèmes qu’engendrait cette signature. Bayrou, lui, chemine. Il prend en compte ce que nous, les anciens Verts, apportons. Il n’est pas encore certain de son choix. Nous avons des réunions qui aboutiront, je l’espère, à ce qu’il comprenne que le nucléaire n’est pas la bonne source d’énergie.
À force d’accréditer l’idée que gauche et droite, c’est finalement la même chose, cela ne risque-t-il pas de favoriser l’émergence de Marine Le Pen ?
Même si je ne fais pas la campagne de Hollande et du PS, je les invite à faire une vraie campagne de gauche, à éviter d’essayer de convaincre les centristes pour gratter quelques points. Je demande à Hollande d’être un candidat de gauche et à Sarkozy un candidat de droite…
En fin de compte, le Modem est-il autre chose qu’une écurie de campagne au service de l’homme qui le préside ?
Effectivement, le Modem a été construit pour cela. Je l’ai personnellement rejoint pour le combat de la présidentielle et pour battre Nicolas Sarkozy. Son élection a été un traumatisme, tout comme l’arrivée au pouvoir de ses ministres fantoches. La récente déclaration de Claude Guéant a été honteuse pour la jeunesse de Marseille. Je souhaite voir émerger un nouveau projet de société. La présidentielle, c’est un homme qui s’adresse à un peuple.
Que pensez-vous de la co-gouvernance à la marseillaise entre une mairie UMP et une agglomération PS ? Est-ce que cela répond à votre souhait de dépasser le clivage droite contre gauche ?
Une gouvernance partagée, ce n’est pas mal. On arrive ainsi à gérer des communes de gauche et des communes de droite au sein d’une même communauté urbaine, avec des projets qui avancent comme celui du Vieux-Port.
Ne vous sentez-vous pas floué sur un dossier comme celui de l’incinérateur des déchets à Fos-sur-Mer, que vous avez combattu et que la majorité socialiste à laquelle vous appartenez a finalement réalisé ?
Il est clair que nous avons tous été baladés sur ce dossier. Mais s’il y a une personne qui s’est opposée à l’implantation d’un incinérateur, c’est bien moi, avec le groupe des Verts. L’incinération ne me convient pas, c’est une erreur, car avant de brûler, il faudrait méthaniser, passer par le tri sélectif…
Pensez-vous, comme l’exige en vain la direction nationale du PS, que Jean-Noël Guérini devrait démissionner de la présidence du conseil général compte tenu de sa mise en examen pour « association de malfaiteurs » ?
En tant que citoyen, je dis qu’il est difficile que Jean-Noël Guérini reste président. Je suis effaré de tout ce qui s’est passé. Mais quand j’entends qu’un ancien préfet des Bouches-du-Rhône [NDLR, Christian Frémont, aujourd’hui directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy] et un ancien grand patron du CAC 40 [NDLR, Henri Proglio, ancien PDG de Veolia, aujourd’hui président d’EDF] seraient mêlés à cette histoire, je demande à la justice d’aller plus vite et dans toutes les directions. Il faut une transparence globale. On ne peut pas se contenter de jeter l’anathème sur une personne.
Les affaires politico-judiciaires ne risquent-elles pas de bloquer Marseille et de favoriser la réélection de Jean-Claude Gaudin ?
On doit tourner la page des affaires et retrouver un climat serein à Marseille, pour que la politique propose de nouveaux projets et arrête de remplir la rubrique des faits divers. J’espère qu’on ne va pas traîner l’affaire Guérini pendant vingt ans ! Il faut aussi tourner la page Jean-Claude Gaudin. Il a fait ce qu’il pouvait en tant que maire, il faut maintenant renouveler l’équipe municipale et favoriser une nouvelle dynamique…