« L'Apocalypse est à vos portes »
14:58
Le conseil municipal d’Antibes est prévu, ce 12 juillet, à 15 heures, dans une ancienne chapelle, avec aux murs des tapisseries aux motifs Picasso. Le maire LR, Jean Leonetti, tient la place du curé. En ce moment, les valeurs c’est son sujet : à la barre des républicains, de façon temporaire, depuis la démission de Laurent Wauquiez, il cherche à refonder celles du parti de droite. Autour de lui, double rangée d’apôtres, les adjoints à ses côtés et l’administration derrière. Les conseillers municipaux sont à la place des fidèles avec l’opposition au fond.
14:59
Leonetti : « On va faire l’appel dans 40 secondes. » Ponctualité avant tout à Antibes.
15:08
Ça commence doucement. Michèle Muratore, PS, s’oppose à une délégation budgétaire récupérée par Jean Leonetti. « C’est une position de principe », rétorque ce dernier. Et d’ajouter : « La loi et la pratique de la ville d’Antibes, c’est d’être en totale transparence sur les décisions prises. » Vaudrait mieux ! L’un de ses cadres administratifs n’est autre que Jean-Christophe Picard, le président d’Anticor…
15:17
Cécile Dumas, opposante PCF, questionne le recrutement d’un contractuel au poste de DRH. Échange plutôt courtois. À Antibes, l’opposition doit signaler ses interventions 48 heures avant le conseil, dont le maire est à la fois maître de cérémonie et interprète principal.
15:18
On arrive dans le vif, avec les réponses de la ville d’Antibes au rapport remis par la Chambre régionale des comptes (CRC) en 2018. Le maire en est content : « Aucune anomalie et aucune infraction n’ont été soulevées, il y a tout simplement trois recommandations. » Pas de quoi pavoiser pourtant : le rapport pointe l’endettement d’Antibes, deux fois supérieur par habitant à celui des communes de même taille. Ces dernières années, la ville a dû se défaire à grands frais d’emprunts à risque. Avec sur ce point une « information incomplète » au conseil municipal. Mais l’important, c’est que la CRC n’a pas demandé à Antibes d’augmenter ses impôts. Leonetti nous tirerait presque une larmichette en évoquant les 24 millions d’euros versés chaque année par la communauté d’agglomération Sophia-Antipolis au titre des mécanismes de péréquation, le transfert aux villes pauvres d’argent des territoires « considérés comme riches. Ou bien gérés, c’est moi qui le dit ». Ah, si tous les Saint-Denis de France pouvaient prendre exemple sur Antibes !
15:25
Le groupe RN d’Antibes a un poids lourd, Lionel Tivoli, délégué départemental pour la fédération des Alpes-Maritimes. Qui laisse la parole à son confrère Tanguy Cornec, critique sur l’application d’une des recommandations de la CRC. Selon l’élu d’extrême droite, la délégation de service public sur les plages aurait abouti à rien de moins que la « destruction des plages de Juan » ! Cette année, « la fréquentation touristique s’écroule de 25 % en juillet », tonne le conseiller, qui, pharmacien à Juan-les-Pins, assume l’origine toute personnelle de ses chiffres. « Vous avez une capacité d’anticipation, répond le maire, vous dites 25 % pour le mois de juillet alors qu’on est à peine le 10. »
15:40
Après les plages, le port Vauban et son célèbre quai des milliardaires, avec les méga-yachts qui font tout le sel de l’Antibes populaire. Depuis 2016, il est géré par la CCI en délégation de service public, pour une redevance rondelette de 18 millions d’euros par an. Le périmètre en révision du territoire concédé soulève des questions de l’ensemble des oppositions. Jean Leonetti vire au prêche en répondant au RN : « L’avenir génère l’angoisse et l’espérance. Mettez un peu d’espérance, parce que j’ai l’impression qu’à chaque fois que vous parlez du futur, l’apocalypse est à vos portes. » Alleluia.
15:57
Antibes est un fief LR, mais le RN est arrivé en tête aux européennes, avec 26,86 % des voix. Ça se sent dans les échanges. Leonetti tacle Cornec sur ses discussions avec Tivoli, son « collègue qui n’est pas toujours là ». Cornec tente en retour une redéfinition du RN comme « extrême centre de gravité de la vie politique française » et va chercher le maire sur le palais des congrès construit en partenariat public-privé. Leonetti revient à la délibération en cours, « vous êtes pour ou contre le passage de la concession à huit mois ? C’est ça la question ». Cornec, pris de cours, bafouille, « pour l’instant on s’abstient ». La salle éclate de rire.
16:12
Ça fait deux fois que le maire invite Cécile Dumas à intervenir alors qu’elle ne l’a pas demandé. « Ne croyez pas que je vous cherche », commente-t-il.
16:13
La mairie investit dans des caméras individuelles pour les policiers nationaux et municipaux. Le RN en profite pour demander une augmentation de leur nombre, au vu des problèmes rencontrés à Antibes : chichas sur les plages, arrivée des Niçois à 15 heures en gare de Juan et, pire, jeux de ballon gênant les promeneurs en bord de mer. La grande délinquance !
16:27
À la faveur d’une délibération sur l’achat de vélos électriques pour les agents, Michèle Muratore, l’opposante PS, interroge sur la mise en place de pistes cyclables en bord de mer. Leonetti, ainsi qu’Éric Pauget, qui a pris sa suite à la députation en 2017, disent y être favorables, mais à Antibes, paraît-il, c’est plus compliqué qu’ailleurs. En plus, les « cyclistes plaisances » peuvent cohabiter sur les trottoirs parce qu’ils vont à la vitesse « d’un piéton qui marche très vite » et les « vélos sportifs » préfèrent la route. L’argumentaire paraît fumeux.
17:32
Le RN reprend du poil de la bête à l’occasion d’un projet de potagers pédagogiques soumis par le conseil citoyen des enfants. « La dispersion pédagogique est facteur de médiocrité », expose Cornec, qui évoque « tous ces élèves qui vont devenir de futurs chômeurs » sous les soupirs de la salle. Leonetti retourne en mode prêche : « Je crois qu’aujourd’hui les enfants des écoles ont effectivement une vision diversifiée. Ils sont même divers. C’est peut-être ça qui vous embête. »
18:08
La délégation sur la rénovation du stade nautique évoque un possible « marché de partenariat ». Michèle Muratore s’inquiète d’un possible partenariat public-privé. Il est exclu sur ce projet, répond le maire, mais comme pour les chasseurs, il estime qu’en matière de PPP « il y a des bons négociateurs et des mauvais négociateurs ». Parmi les bons, il y a lui bien sûr, et son palais des congrès à « 7 millions ». Il ne compte pas les 71 millions hors taxe à payer par la commune et son office de tourisme jusqu’à la fin du bail, selon la CRC, à peine compensés par 26 millions versés par le partenaire privé.
18:48
Fin du conseil, salutations républicaines de Leonetti : « Je vous souhaite un bon 14 juillet, un bon été, prochain conseil municipal le 4 août pour l’abolition des privilèges. » Commentaire dans le public : « Il n’y a jamais de conseils municipaux en été, ça doit être une blague… »
Dessins de Trax. En haut et en grand : Jean Leonetti, maire LR d’Antibes ; au milieu : Michèle Muratore (PS) ; en bas : Tanguy Cornec (RN).