"La réislamisation est un désastre !"
18:00
L’ambiance est encore estivale sur le port de la Seyne-sur-Mer. le Ravi vient de perdre son masque dans la rue mais l’accueil de la mairie lui en fournit gentiment un avec des cordons à nouer, pas très pratique. Au premier étage, comité d’accueil par la police municipale, munie elle d’un magnifique masque bleu marine griffé « Police ».
18:02
La salle du conseil municipal ressemble à un amphithéâtre en enfilade. Moderne, bois apparent, écrans et énorme retroprojection derrière le siège du maire pour connaître les résultats des votes électroniques. L’unique bastion de la gauche dans le Var est tombé : l’ancien maire socialiste (puis membre de la Gauche républicaine et socialiste) Marc Vuillemot, qui a laissé sa place au conseil, a perdu son siège après 12 ans de mandat. C’est une opposante de longue date, Nathalie Bicais (Les Républicains) qui a pris la suite.
18:05
Plus de places à la table des journalistes, surélevée pour toiser l’assistance. À l’écart et sur le plancher des vaches, la visibilité est médiocre. Il faut se lever pour apercevoir la maire qui s’installe à sa place, cheveux blonds bouclés, et masquée. La séance débute par une minute de silence en hommage à André Castillo, conseiller municipal de la majorité, décédé il y a peu.
18:13
La première délibération concerne le remboursement de frais pour le déplacement du maire et de son premier adjoint Jean-Pierre Colin. En juillet dernier, ils sont allés plaider auprès d’un conseiller du président de la République le dossier du chantier naval CNIM où 1000 emplois sont menacés. Les offres de reprises du site se clôturent le lendemain de la séance.
18:16
Alors que l’adjoint à la communication et au numérique Ali Gharbi, masque taille basse, présente une convention de partenariat avec une association pour de la médiation numérique, une opposante demande le coût de l’opération. Mutique, Ali Gharbi laisse la parole au maire : « Nous ne pouvons chiffrer le coût pour le moment mais nous vous le fournirons. » Olivier Andrau, jeune élu sur la liste de Marc Vuillemot et membre de la majorité lors de la précédente mandature, vient à la rescousse : « Cela ne coûtera pas un centime à la municipalité puisque cela est couvert par une subvention de la CAF. » Nathalie Bicais, un poil gênée : « Merci, c’est très bien de l’apprendre et merci pour votre participation à l’éveil de ce conseil. »
18:38
À la suite d’une délibération concernant les ressources humaines, Hakim Bouaksa, fraîchement élu d’opposition et issu de la liste écologiste, demande, presque trois mois après l’élection, à connaître les noms des agents du cabinet du maire qui n’a pas officiellement été formé, s’étonnant que celui du chef de cabinet ait été officieusement lâché dans certains services. « Nos effectifs ne sont pas encore installés et nous travaillons depuis un petit moment d’arrache-pied avec un cabinet qui n’est absolument pas constitué. Il est donc difficile pour moi de vous donner ces noms mais vous aurez toutes les informations dans le courant du mois voire en octobre. » « Merci pour votre réponse », conclut Hakim Bouaksa.
18:41
Olivier Andrau en rajoute une couche : « Je me fais le porte-parole de notre groupe pour demander l’organigramme de la mairie, cela fait deux mois… » Nathalie Bicais cache son agacement : « Je n’aurai aucun problème à vous le communiquer dès que nous aurons travaillé sur sa rénovation car vous avez compris que nous avons lancé un audit pour faire le point sur cette machine administrative occupée par 1500 agents… »
18:44
L’adjointe au personnel Sophie Montbarbon expose le recrutement d’un vacataire (à 117 euros brut les quatre heures) pour « une mission d’accompagnement en matière de police et de sécurité ». Sandra Torres, opposante divers droite, demande quel est le profil du vacataire et ses missions exactes. « Quelqu’un qui vient du monde la police nationale, répond la maire, et qui va nous procurer une vision stratégique sur le territoire. Nous avons d’ailleurs un nouveau dispositif QRR, pour Quartier de reconquête territoriale, en partenariat avec le nouveau commissaire de la Seyne justement, afin de mener des actions sur cette reconquête : opérations chocs, nettoiement, encombrants… » Le kärcher seynois. 47 pour, une abstention.
18:51
Au détour d’une convention relative à une participation régionale pour l’utilisation d’équipements sportifs, Dorian Munoz (Rassemblement national, extrême droite) interpelle la maire : certaines associations sportives ne peuvent utiliser les locaux municipaux le week-end faute de désinfection des lieux… et lui demande de faire « un effort ». D’une voix très grave, l’opposant de gauche Anthony Civettini renchérit : « Cela ne pose pas de soucis dans d’autres communes. Et ça passe un peu mal de dire que c’est une problématique des services municipaux… » Nathalie Bicais noie le poisson : le protocole demandé est trop lourd mais une réunion se tiendra prochainement avec les associations.
19:03
Séquence finances. Une délibération annonce une modification du budget suite à la crise sanitaire. Olivier Andrau s’inquiète de l’impact financier de l’audit municipal (45 000 euros) et de l’annulation d’un permis de construire pour un programme de 145 logements sur des terres agricoles. Un boulevard pour la maire qui a fait une partie de sa campagne contre la bétonisation de la ville : « Il est impensable de consommer une terre nourricière comme il en est de rare dans le Var. La politique, c’est faire des choix et je les assume ! », ajoutant que les terrains auront une vocation agricole. La droite écolo ! Mais elle reste encore incapable de chiffrer le coût des pénalités d’annulation.
19:25
Les délibérations s’enchaînent. La grande majorité des élus porte encore son masque correctement sauf deux ou trois d’entre eux qui ne le supportent visiblement plus !
19:28
C’est le clou du spectacle. Vient une délibération sur le changement de nom d’une esplanade qui sera désormais baptisée colonel Arnaud Beltrame dont le rapporteur est le premier adjoint Jean-Pierre Colin. L’élu du Nouveau centre se lance dans une diatribe contre l’islamisation du pays et la fameuse « cinquième colonne, dont tout le monde se moquait quand Christian Estrosi prononçait le mot pour la première fois. […] Un désastre, résultat d’une réislamisation laissée en paix par les adeptes de la politique de l’autruche ». Puis il s’en prend au « maire battu » qui « a fait preuve de lâcheté en laissant s’installer un véritable maillage qui, d’associations en débit de boissons, couvre aujourd’hui quelques pans de notre cité ». Jean-Pierre Colin, l’élu idéal pour ambiancer vos soirées. La maire, elle ne bronche pas.
19:35
L’opposition de gauche s’indigne tour à tour, pointant un discours stigmatisant, antirépublicain et indigne d’un conseil municipal tout en soulignant le peu de problèmes intercommunautaires à la Seyne-sur-Mer. Le RN trouve pourtant « que ça commençait bien » mais que ce discours n’était jamais appliqué au niveau national.
19:54
La séance est levée. Nathalie Bicais s’enorgueillit : « Deux heures, record battu ! »
De haut en bas, dessinés par Trax : Nathalie Bicais, la maire LR ; Olivier Andrau, conseiller d’opposition (divers gauche) ; Jean-Pierre Colin, premier adjoint Nouveau centre.