Brouillage sur les ondes
Les sondages sur la confiance envers les médias se suivent et se ressemblent, confirmant la défiance. Mais la radio s’en tire un peu moins mal que les autres. Peut-être est-ce pour ça que les canulars sur les ondes sont saisissants, un genre sur lequel la revue Syntone s’est penchée. Le pionnier, c’est Orson Welles avec « La guerre des mondes ». Et, avant Les furtifs, Alain Damasio avait imaginé une pièce radiophonique, Fragments hackés d’un futur qui résiste, une dystopie commençant par un drame – la mort d’une femme enceinte – et qui débouche sur une insurrection dans une société façon 1984.
Quinze ans avant, sur Fréquence Paris Plurielle, surgissait Chaos de Noël. Et ça commence, là aussi, par un drame : la mort d’une fillette dans le métro suite à un contrôle. Et qui débouche, là aussi, sur des émeutes. Une fiction que l’on suit sur les ondes de Fréquence Paris Info. Entre deux vraies-fausses pubs, nous avons droit, notamment au micro de « Camille De La Haute », à l’usager « pris en otage », le syndicaliste réclamant « plus de sécurité » sans oublier les « experts » fustigeant les « casseurs », comme « Bernard-Henri Glucksenkraut ».
À l’origine, un militant, David : « L’idée m’est venue en écoutant un morceau de la Mano Negra qui était entrecoupé d’extraits de JT. J’avais envie de jouer avec cette matière et d’aborder un certain nombre de problématiques : les lois sécuritaires, les contrôles dans les transports. Et puis Chaos de Noël, c’est un peu un rêve de militant : des émeutes qui réussissent ! Mais si ça sonne aussi juste, c’est parce que ceux qu’on entend, ce sont des journalistes qui venaient, à l’époque, de sortir d’école et qui ont été emballés par le projet. »
De jeunes professionnels qui n’ont pas eu à trop forcer le trait : « Ils ont mis un soin tout particulier au texte mais aussi à la diction et on a enregistré dans les conditions du direct », se souvient David. Certes, la fiction est un peu datée : « C’est une cassette vidéo qui arrive dans les rédactions. Aujourd’hui, la scène dans le métro aurait été filmée par smartphone et aurait tourné sur les réseaux sociaux », note-t-il. Sans oublier le discours d’un certain Jacques Chirac.
Mais, aujourd’hui, Chaos de Noël, sorti quelques mois avant les émeutes de 2005, résonne étonnamment. Sourire de David : « Il y a eu plusieurs diffusions sur FPP et d’autres radios associatives. Et, à chaque fois, il y a eu des anecdotes. Une diffusion, à l’époque du mouvement contre le CPE, a même dû être interrompue parce que FPP ne voulait pas créer la confusion. Car, comme dans la fiction, des manifestants avaient envahi la gare du Nord ! » Et un collègue de David de se souvenir, lui, que la diffusion de la fiction sur une web radio avait eu un petit retentissement jusqu’à Berlin : « Des auditeurs francophones ont appelé leurs proches pour savoir ce qui se passait à Paris ! »
Autant dire que Chaos de Noël pourrait servir de support pour faire de l’éducation aux médias. Aujourd’hui, dixit David, les journalistes qui l’avaient épaulé sont toujours en poste, certains dans des médias nationaux. Et l’un d’eux semble avoir gardé un regard acerbe puisqu’il a imaginé un « micro-trottoir universel ». Vous êtes journaliste et on vous demande un micro-trottoir mais vous n’avez pas le temps de le faire ? Pas de souci avec ce podcast prêt à diffuser qui fonctionne avec n’importe quel sujet…
À écouter sur archive.org/details/chaosdenoel ou… sur K7 (éditée par Bus Stop Press)