Moi, Jean-Claude Gaudin, esclave de l'anneau

– Hâââ Jean-Claude, Jean-Claude, il est temps, tu dois le leur donner, le préécieux…
– Noooooon !!! Gaudum (1) ! Gaudum ne veut pas !! Gaudum n’est plus rien sans le précieux !! C’est mon trésor !! Je l’ai gagné ! Le maître m’en a fait don ! Ils vont détruire mon précieux !!
– Tu dois te rendre à l’évidence, Jean-Claude… Le précieux t’a donné une longévité exceptionnelle, il t’a permis de les gouverner tous, il t’a rendu longtemps invisible aux reproches de tes hobbits (2). Mais tes forces t’ont abandonné, Jean-Claude. Et maintenant le précieux cherche un nouveau porteur. Il t’a déjà échappé. Sans cela, tu aurais mieux géré ta succession…
– Gaudum n’a pas échoué !! Gaudum n’échoue pas ! J’avais désigné mon apprentie. Je lui avais donné un des mes trônes ! Tout était prêt !!
– Hi hi hi… Tu te trompes toi-même, Jean-Claude… Combien de fois avais-tu promis la couronne à un de tes dauphins, pour mieux le trahir ensuite ?? Avec Bruno (3), tu l’as fait une fois de trop, Jean-Claude. Tu as divisé tes hobbits, au point qu’ils vont perdre, et dans ton propre fief !! Au fond, tu rêves de finir comme le maître… Tu rêves de partir en laissant ton camp, orphelin de toi, et de pouvoir le contempler, en ruines !!
– Jamais !! Jamais !! Gaudum a surpassé le maître ! Sa ville était « sclérosée, moche, où le chômage explose et la population diminue ! » (4). J’ai créé la métropole ! J’ai changé l’image de la ville ! Est-ce la faute de Gaudum si mes apprentis « ne savent pas faire des procurations » (5) ??
– Le précieux a aussi altéré ta vue, Jean-Claude… Sans cela tu verrais combien ton action, pendant vingt-cinq ans, a été un paravent utile pour tes apprentis mais aussi pour ta ville. Écoute-les dire qu’ils n’ont « pas su faire la rupture avec Gaudin, l’héritière nous a collé à la peau » (6). Tu n’as même pas pris la parole pour leur interdire de flirter avec l’extrême droite. Parce que tu l’avais fait toi aussi, à la Région en 1986 ? Dix ans après, tu t’es emparé du précieux, à la mort du maître. Tu aurais pu tenter de le détruire… Tu as préféré l’utiliser à ton profit. Mais ce faisant, tu te condamnais à n’agir chaque fois que pour durer un peu plus longtemps, servant toujours plus d’intérêts particuliers plutôt que l’intérêt général. A négliger l’entretien des écoles, privatiser des services publics, gérer le logement comme un réservoir de voix, laissant le vieux centre se dégrader pour mieux le « reconquérir », comme s’il était envahi d’adversaires ou d’indésirables. Il a fallu huit morts sous des gravats (7) pour que tes concitoyens s’en aperçoivent, Jean-Claude… Et même à ce moment-là, toi, tu ne l’a pas perçu. Tu as vécu ce drame comme une des fatalités qui ponctuent la vie d’un maire. Alors qu’elle résumait tout de ta politique, la même que celle du maître : bâtir la ville contre une partie de sa population…
– Mensonge !! « On ne peut pas gouverner Marseille dans la division ! » (8) « Ça s’est joué à un an et demi près ! » (4) Gaudum aime ses Marseillais !! Gaudum a fait la métropole ! Gaudum a fait reculer le chômage ! Gaudum a rénové les quartiers populaires !! « Le monde a découvert Marseille sous Gaudin, il faut en convenir…« (9). « ….Et puisque vous ne votez pas pour moi je fais comme je veux !! » (10)
« Gaudum connaît bien le précieux ! »
– Ta propre parole te trahit, Jean-Claude… Cette parole qui t’a toujours protégé, ta bonhommie qui faisait que, quel soit le gouvernement « c’était toujours “N’embêtez pas Gaudin” » (11)… Mais les chiffres, eux, ne mentent pas. Il manque toujours 60 000 emplois à ta ville pour qu’elle soit au niveau des métropoles de même taille (12). Elle est une des villes les plus inégalitaires de France, avec 25 % de ses habitants sous le seuil de pauvreté (12)…. Et maintenant la justice a décidé d’enquêter sur des soupçons de fraude électorale, Jean-Claude. Plusieurs de tes proches sont menacés… Tu n’as pas été le maire de tous les hobbits, Jean-Claude, mais seulement des hobbits qui te permettraient de faire un mandat de plus. Avant de prendre son trône, tu critiquais le maître et le fait qu’il avait forgé le précieux… Tu dénonçais les dangers du précieux, son charme clientéliste et son système électoral qui tient la ville par beaucoup d’abstention et une petite clique de hobbits achetés. Mais le maître mort et son précieux laissé à terre, tu t’es empressé de l’utiliser à TON profit, au lieu de le jeter dans les flammes d’un volcan !!
– Ouiiiiii !!! Gaudum a été faible !! Gaudum était admiration pour le maître ! Gaudum s’est trahi !!…
– Et maintenant ils arrivent, Jean-Claude… Ils sont en colère, et ils sont nombreux. A leur tête, il y a ton exact contraire. Elle n’a pas fait de ses mandats un métier. Elle a soigné les plus pauvres. Et elle n’a jamais rêvé d’être maire de Marseille. Toi, tu as été élu de cette ville pendant presque soixante ans, tu as été candidat pour être maire pendant presque quarante ans. Tu as gouverné avec la droite, avec les socialistes, et même quelques années avec les frontistes. Que vas-tu bien pouvoir lui dire ??
– Gaudum ! Gaudum est un républicain !! Je ne ferai pas comme les miens, je l’accueillerai pour reconnaître sa victoire, je serai courtois (13) ! Maaaaaais… Gaudum n’a pas encore écrit le dernier chapitre de ses mémoires… Nooon. Le précieux se cherche des nouveaux maîtres… Et Gaudum peut l’aider à les lui trouver. Ils sont nombreux, oui, mais ils ne sont pas encore unis !! Et le précieux peut les transformer, eux aussi !!! Ils seront ses esclaves ! Toujours plus divisés, toujours plus petits… Le précieux est trop fort pour eux !! Ou alors ?? Gaudum connaît bien le précieux… Et si Gaudum les aidait à conserver le trône sans l’aide du précieux ?? Gaudum pourrait-il se racheter ?? Gaudum !! Gaudum !!