Démocratie locale et transparence : Rubirola, t’es là ?
C’était le Printemps en plein été. Rubirola y était presque ! Avant que ne débute un conseil municipal hors norme, la foule autour de l’hôtel de ville scande : « On veut les clés ! » Quelques heures plus tard, la voilà maire de Marseille. Le slogan est tout trouvé : « On a les clés ! » Depuis, en matière de transparence, de démocratie locale, c’est un peu la douche froide. Ce n’est pourtant pas faute d’élus missionnés. Olivia Fortin (Mad Mars) est adjointe en charge de la « transparence ». Théo Challande (EELV) est à la « démocratie locale », Joël Canicave (PS) responsable des « budgets participatifs » et Christophe Hugon (Parti pirate) à la tête de « l’open data municipal » (1).
Le conseil d’octobre n’a guère bouleversé la donne. Rubirola étant absente pour cause de convalescence, son premier adjoint, Benoît Payan (PS), lance à l’opposition : « Vous savez comme moi comment fonctionne un conseil municipal. On va appliquer les règles que l’on a subi pendant des années. Vous allez voir, vous allez vous y faire. » Comme sous Gaudin, le nombre de rapports est tel que les débats sont réduits à la portion congrue, le conseil se résumant, au-delà de quelques passes d’armes, à l’énoncé au pas de charge du numéro de chaque délibération avant son adoption, donnant à l’exercice l’allure d’une vente à la criée.
« L’impression de se faire balader »
Sur les bancs de la presse, il faut insister pour avoir par écrit l’ordre du jour. Et c’est en passant par la bande que l’on récupére le détail des délibérations (2). Mais, comme le dit, sous couvert d’anonymat, un élu de secteur : « Ne vous plaignez pas. Même nous, en mairie de secteur, nous n’avons pas accès aux délibérations et à leurs annexes. Parce qu’on n’a pas le même logiciel qu’en mairie centrale. On est à deux doigts de saisir la Cada [Commission pour l’accès aux documents administratifs] pour avoir certains documents ! »
On est donc encore loin de l’appel « Exigeons la transparence » lancé par le Collectif des écoles de Marseille (CeM), la branche « culture » des États généraux de Marseille (EGM) ainsi que le Collectif du 5 novembre (C5N). Alors, à la veille du deuxième anniversaire du drame de la rue d’Aubagne, lors de la « réunion d’information et d’échanges » sur Noailles, un propriétaire explose, disant sa colère en entendant Patrick Amico (société civile), l’élu au logement indigne, expliquer que, du fait des « procédures judiciaires en cours », tous les documents ne sont pas communicables. Et un ange passe quand le monsieur « démocratie locale » de l’équipe, Théo Challande, lance, après deux heures de réunion, un timide « n’hésitez pas à nous envoyer un mail… » Un avant-goût du conseil municipal, fin novembre qui, du fait de « l’état d’urgence sanitaire », s’est tenu sans public ? Mais, l’honneur est sauf, avec la presse « en présentiel ».
Parmi les dossiers sensibles, l’urbanisme. Juste avant les deux ans des effondrements à Noailles, le C5N a interpellé la mairie sur la « non-application de la charte du relogement ». Et l’inter-associatif de pester en voyant la ville lancer « deux appels d’offre, l’un sur l’évaluation du dispositif mis en place pour le suivi des demandes de relogement et l’autre sur le renouvellement des opérateurs en charge de cet accompagnement. On devait être associé à ces démarches. Or tout s’est fait sans nous. C’est fou ! Contrairement à tous les engagements, on n’est absolument pas dans le renouvellement des pratiques ! »
Autre dossier brûlant : les écoles. Comme le dénonce le CeM, « avec la nouvelle majorité, rien n’a changé. On demande l’audit des écoles, le nombre de personnels mais, pour l’instant, on n’a rien. C’est comme du temps de Gaudin. L’adjoint aux écoles, Pierre-Marie Ganozzi, nous a affirmé qu’il ne pouvait communiquer l’audit parce qu’il serait protégé par le code de la propriété intellectuelle. Or, il n’en est rien ! Puis on nous a dit qu’il faisait 15 000 pages et que c’était illisible… » Alors certes, souffle-t-on en « off », les relations entre la nouvelle majorité et les services semblent encore compliquées. Mais, comme le confie un membre du CeM, « on veut bien comprendre qu’ils débutent et qu’ils viennent d’arriver mais on a quand même l’impression de se faire balader ». Le collectif, comme d’autres, n’exclue donc plus de dégainer l’arme ultime : saisir la Cada !
Attentes et frustrations
Voilà qui la fout mal. Comme voilà qui interroge l’annonce en grande pompe, lors du conseil municipal d’octobre, par l’écolo Sébastien Barles, du lancement de « l’Assemblée citoyenne du futur » aux contours encore flous… Une structure qui viendrait alors s’ajouter à un mille-feuilles déjà copieux puisqu’à Marseille, il y a, outre les fameux Comités d’intérêts de quartier (CIQ), les conseils citoyens, les tables de quartier… Olivia Fortin tempère : « Il n’y a jamais assez d’instances de participation. » Idem pour elle en ce qui concerne le nombre d’élus qui doivent penser participation et transparence : « C’est une question transversale et, il y a, au sein même du cabinet, une conseillère ad hoc. Il faut qu’on remette au centre le citoyen. Mais, après vingt-cinq ans de gestion Gaudin, on doit partir de zéro. Il n’y avait personne en charge de ces questions. Et on doit raisonner avec des moyens très contraints. Prenez les annexes des délibérations. Évidemment qu’on est favorable à leur diffusion. Mais, pour le faire, il faut les anonymiser… »
Si l’élue assure que le dialogue est « constant », elle dit « comprendre les attentes et les frustrations. On est les premiers frustrés ! Mais, même si c’est parfois compliqué, en interne, on a aussi des pépites. On va rendre le conseil municipal accessible aux sourds et malentendants. Quand on a fait part de cette volonté dans les services, une personne nous a dit qu’elle serait très heureuse de nous aider car cela fait cinq ans qu’un tel projet est prêt ». Autre dossier de taille : l’équilibre entre mairie centrale et celles de secteur. « Il y a un audit et il faut un rééquilibrage. Car, d’un secteur à un autre, il y a des différences de moyens. Et surtout, les mairies de secteur sont vues comme le premier interlocuteur de proximité alors qu’elles ont le moins de compétences. » Et l’adjointe de promettre, pour le conseil du 14 décembre, des « annonces fortes ».
En attendant, à Forcalquier, la nouvelle mairie de droite vient d’organiser un vote électronique pour que les habitants se prononcent sur l’extension d’un supermarché. Sur les 1 650 votants, le « contre » l’a emporté de quelques dizaines de voix. Une position que le maire s’est engagé de défendre à Paris à la commission de l’aménagement commercial. Depuis la cité phocéenne, cela a tout de la science-fiction. Alors que « Forca», c’est presque le 17ème arrondissement marseillais !
1. Ni Théo Challande ni Christophe Hugon n’ont répondu à nos sollicitations.
2. Forte amélioration lors du conseil du 23 novembre avec l’envoi à la presse de l’ordre du jour et du recueil des rapports !