« Je cherche à raccrocher le wagon »
MARSEILLE
Assises citoyennes de l’habitat
26/03/2019
08:58
Deuxième sonnerie de lycée dans l’amphi du palais du Pharo, siège marseillais de la métropole Aix-Marseille-Provence (AMP). Les invités à la restitution des assises citoyennes de l’habitat lancées par Martine Vassal, la présidente LR de la collectivité et du Conseil départemental des Bouches-d-Rhône (CD 13), au lendemain du drame de la rue d’Aubagne, s’installent par grappes. On y trouve en très grand nombre les « experts » consultés pour l’occasion, en majorité des professionnels de l’immobilier, des insitutionnels du secteur (HLM, chambre de commerce, etc), des élus et les services de la ville et de la métropole. La société civile, même organisée, a largement boycotté, dénonçant dans la presse du jour un « coup de com ».
09:08
Après avoir serré quelques mains du bout des doigts, Marine Vassal s’installe au pupitre placé à gauche de son habituelle tribune. Peau matte, crinière, chemisier et manteau noir de circonstance, la « belle Martine », comme l’appelle Jean-Claude Gaudin, qui lui a laissé le siège d’AMP en septembre dernier, attaque en se poussant du col : « Ces assises sont innovantes, c’est une première sur le territoire de reccueillir l’avis des habitants. » 117 malheureux participants ont été recensés sur le site dédié à la consultation…
09:16
Coude sur le pupitre comme sur le comptoir d’un bar de quartier, Martine Vassal poursuit en vantant sa « démarche inédite ». « Nous voulons travailler avec la société civile, parce que vous avez une expertise que nous n’avons pas », avance la présidente du CD 13. Et de citer en exemple… les très décriés et clientélistes comités d’intérêt de quartier ! Les ambitions de la « belle Martine » pour la succession de Jean-Claude Gaudin se précisent.
09:20
La « présidente » s’installe au deuxième rang, à côté de la secrétaire générale de la préfecture arrivée en retard sous le regard mi-inquisiteur mi-amusé de son hôte. Costard noir et cheveux blancs, le physique bonhomme, Jacques Ansquer, le coordinateur des assises et grand ordonateur de la matinée, l’a remplacée au pupitre et s’emballe un peu : « Les solutions que nous allons proposer doivent être applicables à la métropole mais aussi transposables, un modèle dont on reparlera ! » En matière d’urbanisme, ce serait une vraie première pour Marseille !
09:36
« Traiter efficacement et durablement les logements dégradés », « loger dignement les habitants », « Bien vivre son quartier »… Vincent Fouchier, directeur général adjoint en charge du projet métropolitain aux lunettes qui lui mangent le visage, rappelle les trois « défis » proposés à la consultation citoyenne (sur quatre), qui feront l’objet d’une restitution dans la matinée. Rien qui n’annonce une révolution.
09:47
Chargée du diagnostic pour le premier défi, Peggy Rousselot, de l’Agam (1), jette un froid. « Un quart du parc immobilier de la métropole a plus de 100 ans, 9 % de ses 920 000 logements sont potentiellement dégradés », rappelle la cheffe du pôle habitat de ce satellite de la métropole. Soit 82 800 logements, largement plus que les 60 000 annoncés dans la com d’AMP.
09:50
Autoproclamé « référence de l’innovation ouverte et de l’intelligence collective massive en France », le cabinet Bluenove ramène un peu d’enthousiasme via la présentation des premières propositions par sa consultante Adina Tatar, une brune souriante qui a fait Paris-Lisbonne en stop, son « fun fact » dans le langage de sa boîte. Exemple : « Elaborer une véritable politique de lutte contre les marchands de sommeil ». Vincent Fouchier roule des yeux de plaisir : « Il y a une volonté de changement de braquet, de mobiliser toute la chaîne, jusqu’à la contrainte et la punition. » Ou jusqu’à l’application de la loi ?
10:10
Place à l’innovation. Le créateur de « Pericolo » est appelé à la tribune. Jeune, en école d’ingénieur et en veste d’ouvrier bleue, il détaille son application d’estimation de la salubrité d’un logement imaginée à l’occasion du marathon du numérique pour lutter contre l’habitat indigne organisé par le Donut Infolab et La Marseillaise mi janvier. A la fin de sa présentation, sous des applaudissements nourris, le jeune homme est appelé par Martine Vassal. Le jeune s’agenouille devant la reine de la matinée.
10:23
Le jeune ingénieur est libéré-délivré par la présidente d’AMP, alors que les débats portent désormais sur la « question des logements vacants ». Gérard Chenoz est toujours aussi absorbé par son portable.
10:32
Fin du premier « défi ». Gérard Chenoz, Patrick Padovani, Sabine Bernasconi et Laure-Agnès Caradec s’offrent une petite pause.
10:36
Le diagnostic « loger dignement tous les habitants » (2ème défi) est aussi implacable que le premier : manque de logements sociaux, logements neufs pas adaptés aux besoins, parcours résidentiels bloqués, etc.
10:40
Cette fois, c’est Baptiste Millet qui s’y colle pour Bluenove. La trentaine, costard bleu cintré sur chemise blanche, c’est un fan de discours politiques remixés. Son dernier coup de coeur : le berger centriste Jean Lassale.
10:44
Jacques Anquers semble découvrir que le parc privé dégradé « joue le rôle de parc social de fait », Vincent Fouchier qu’il y a « une perte de confiance entre locataires et propriétaires ». La réalité est parfois terrible…
10:53
« Je cherche à raccrocher le wagon », s’excuse Florent Houdmon. Directeur de l’antenne régionale de la Fondation Abbé Pierre, le jeune quadra est appelé à témoigner sur les médiations. Il préfère finalement prendre un autre train, celui de rappeler les combats de la fondation : « Quelle que soit la politique mise en place, la participation des habitants est primordiale car elle permet de les sécuriser » ; « leur accompagnement au droit est très important, à l’amiable mais aussi la contestation judiciaire, parce qu’il redonne une vraie place aux personnes ». Et d’insister : « Ce n’est pas le manque d’entretien locatif, de ménage, qui fait de l’habitat indigne ou qu’un immeuble s’effondre ! » La pluie alors ?
11:00
Florent Houdmon tente de s’incruster, mais Frédéric Gili, l’animateur, est déjà passé à une autre thématique et à un autre interlocuteur. Pour ceux qui en doutaient, la matinée n’est pas à la discussion ni au débat.
11:07
Le temps est compté, les propositions « d’opportunités législatives » du 2ème défi sont sautées. Place au « Bien vivre dans son quartier » !
11:22
Le DGA délégué au projet métropolitain semble finalement découvrir l’ampleur du problème et relaie une proposition qui fait consensus : apporter « une réponse exceptionnelle et massive à une situation exceptionnelle ». Il conclut en ouvrant avec prudence le « débat de la démolition ou de la réhabilitation ».
11:38
Frédéric Gili s’impatiente : « Quelles sont vos principales conclusions ? » A ses côtés, deux représentants du conseil de développement de la métropole louvoient. Difficile d’être critique quand on doit sa nomination à la présidence.
11:49
Pour la photo, Jacques Ansquer remet officiellement à Martine Vassal les propositions issues des assises. Un document que la présidente d’AMP s’empresse de refourguer à Xavier Méry, l’élu délégué à l’habitat indigne.
11:58
D’une voix calme, travaillée, Martine Vassal se félicite sans enthousiasme « d’une matinée extrêmement riche ». Avant une pensée pour les propriétaires, « parce qu’il n’y a pas que des propriétaires voyous ou des syndics voyous. » Comme les quatre élus LR propriétaires à Marseille de taudis ?
12:12
La matinée s’achève sans sonnerie, ni proposition précise. Seules sont évoquées la création d’une école de la 2ème chance formant à la réhabilitation du bâti, la création d’un poste de médiateur, l’expérimentation du permis de louer et les 25 millions supplémentaires annoncés. Promesse de Martine Vassal : « Il faut qu’il y ait une suite, Xavier Méry s’y atèle. » Le conseiller métropolitain à l’habitat indigne n’a pas l’air très motivé : il tente dans un premier mouvement de se débarrasser du document !