« Le crime serait encore de rester au port »
Ces trente mille bonnes raisons sont faites de chair et de sang et chacune porte un nom et un prénom, ceux des hommes, des femmes et des enfants que l’Aquarius, affrété par SOS Méditerranée et son partenaire Médecins sans frontières Hollande, ont pu sauver de la noyade en Méditerranée centrale entre février 2016 et décembre 2018.
A ces raisons palpitantes et impérieuses s’ajoutent quelques autres excellents motifs de repartir et tout d’abord le respect du droit.
Les droits humains d’une part, énoncés par tous les grands textes internationaux et ratifiés par l’ensemble des pays européens. Ces textes prévoient entre autres le droit à la vie pour chacun, le droit à la mobilité pour tous et le droit de demander l’asile. Le droit maritime ensuite auquel SOS Méditerranée ne fait que se soumettre et qui commande aux capitaines de navire de porter assistance à toute embarcation qui, à proximité, se trouverait en situation de détresse.
Au-delà de ces raisons, il y a l’évidence qu’un drame se joue toujours en mer Méditerranée centrale. L’évidence aussi que face à cette hécatombe qui a fait plus de 2300 victimes en 2018 les gouvernements européens offrent le spectacle de la division et de la tergiversation autour de la question de l’accueil des rescapés alors que l’urgence commande d’agir.
Car si l’Aquarius a cessé de naviguer ce ne sont ni la disparition du problème ni le découragement des équipes, ni l’épuisement des ressources, ni la démobilisation des donateurs qui en sont la cause. Ce qui a mis un terme à l’odyssée de ce bateau c’est bel et bien un fatras nauséabond de « déraisons » d’Etats.
Après avoir été portée au pinacle dans les premiers mois de son existence et honorée de divers prix internationaux et même déclarée en France « grande cause nationale » en 2017, SOS Méditerranée et son bateau orange furent dès 2017 la cible d’attaques réglées de la part des autorités politiques européennes.
Il fallut d’abord se conformer au code de bonne conduite imposé par l’Italie. Ensuite ce fût l’interdiction de débarquer dans les ports italiens, puis vint le chantage aux pavillons qui, sous la pression italienne, nous fit perdre successivement le pavillon de Gibraltar puis celui de Panama. La criminalisation des ONG de secours en mer (comme si c’était un crime de porter secours !) finit de nous convaincre de nous séparer de l’Aquarius en fin d’année 2018 alors qu’il était sous la menace d’une saisie pour une sordide histoire inventée de mauvaise gestion des déchets à bord.
SOS Méditerranée