Selon le fauteuil, Martine Vassal se fait cigale ou fourmi
Fermer les vannes dans un bureau. Et les ouvrir dans celui d’à côté. Entre la métropole Aix-Marseille Provence (AMP) et le département des Bouches-du-Rhône, la majorité LR a adopté deux stratégies financières diamétralement opposées pour leurs orientations budgétaires 2021. À la métropole, la pilule est amère : 25 % d’investissements en moins. La dette déjà très importante, alourdie par le véritable pillage organisé par les anciennes intercommunalités forcées d’intégrer la métropole (lire notre article sur leravi.org), et les dépenses de soutien à l’économie locale frappée par le Covid (près de 150 millions pour la métropole en 2020), ont fini de déséquilibrer la balance budgétaire. Le début d’une crise ? Pas de panique ! « L’agence de notation Fitch Ratings a confirmé la note A+ de la métropole Aix-Marseille-Provence », rappelle fièrement la collectivité. À y regarder de plus près, la réalité est plus contrastée. Dans sa note datée du 16 novembre, Fitch estime effectivement, comme la majorité LR, que la métropole n’a plus que ses investissements comme levier pour réduire ses dépenses. Mais vu « les besoins importants dans le territoire, notamment en matière de transports », Fitch évalue la marge de manœuvre en investissements entre 10 % et 30 %. Martine Vassal, la présidente LR d’AMP, a donc taillé dans le haut de la fourchette.
TVA à la rescousse
Le reste de la note est tout aussi inquiétant : avec la réforme de la fiscalité locale, particulièrement la disparition totale de la taxe d’habitation (TH) en 2021, la métropole va encore perdre en autonomie financière. La TH étant remplacée par un versement d’État sur une part de la TVA, « 30 % des recettes [de la métropole] vont dépendre de la situation économique, avec une volatilité potentielle plus élevée », calcule Fitch. Un argument supplémentaire pour écouter les milieux économiques qui, patronat et chambre de commerce en tête, réclament depuis des années des investissements massifs dans le logement et les transports ? Car les marges de manœuvre sur les impôts, restant à la métropole, ne sont pas énormes. Ainsi, si elle voulait être sûre de pouvoir compenser les dépenses supplémentaires liées au Covid en 2021, la métropole « devrait augmenter les taux de la cotisation foncière des entreprises et la taxe foncière de 17 % au dessus de leur niveau actuel », affirme Fitch. De quoi casser ou freiner la dynamique d’une reprise post-Covid à partir de 2022.
Au département, la situation est inverse, mais pas différente dans le fond. Le budget investissement est préservé, mais au prix d’un endettement de plus en plus important. « Notre épargne nette a baissé de 30 %, mais c’est majoritairement dû à la situation sanitaire », assure Didier Réault, vice-président (LR) délégué aux finances, lors du débat budgétaire. En plus de maintenir ses investissements, le département a vu ses charges de fonctionnement augmenter de 5 %, près des deux tiers dus au Covid, notamment avec l’augmentation des bénéficiaires du RSA. Pour basculer ses marges vers le fonctionnement tout en continuant à investir, le CD 13 a dû s’endetter fortement. « Vous avez passé l’endettement de 698 € par habitant à 1 296 € aujourd’hui, tacle Gérard Frau (PC). En un mandat vous aurez multiplié la dette par cinq. » Fitch Ratings, qui avait révisé en juillet la note du département, évalue pour sa part la hausse à un quasi doublement en cinq ans, pour passer de 1 milliard d’euros fin 2019 à 1,9 milliard fin 2024.
Communes très aidées
Pour l’ancien maire de Fos-sur-Mer, René Raimondi (PS), la crise sanitaire a bon dos : « L’épargne nette se dégrade par paliers depuis 2017. Et les fonds sont allés essentiellement à Marseille et à la métropole, qui ne s’en sortent quand même pas… » « Nous avons propulsé l’investissement à des niveaux jamais atteints, riposte Didier Réault. Quel élu, quelle commune pourrait s’en plaindre ? » Il est vrai qu’en un mandat, entre les projets dans la métropole avant les municipales et ceux dans les autres communes qui préparent les départementales, Martine Vassal a multiplié les plans d’investissements, contractualisés avec les mairies. En 2020, l’aide aux communes représentait 25 % du budget d’investissement, premier poste avec 180 millions d’euros. Et dans les investissements de soutien liés au Covid, l’aide aux communes frôlait même les 70 %, avec 30 millions. Pas de quoi inquiéter l’agence de notation, qui conserve au CD1 3 sa note AA-, un rang au dessus de la métropole.
Pour l’agence comme pour l’opposition, la menace d’une perte d’autonomie financière plane cependant aussi sur le département. Celui-ci a beau avoir refusé de signer avec l’État les pactes de modération de dépenses, abrogés entre-temps pour combattre la récession économique liée au Covid, la réforme de la fiscalité locale va produire ici aussi les mêmes effets, cette fois via les taxes sur les droits de mutation immobilières. « En raison du remplacement des recettes de taxe foncière par une fraction de TVA, le département perdra presque l’intégralité de son pouvoir de taux et de sa flexibilité fiscale à partir de 2021, comme les autres départements français », prévient Fitch. Sur le robinet, la main de l’État prend de plus en plus de place, quel que soit le bureau.