Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

À Marignane, on ne manque pas d’air. En tout cas, pas dans le bureau du nouveau directeur général des services où, pour l’installation notamment de la clim, il y a eu pour 50 000 euros de travaux ! De quoi faire tousser la CGT, même si le DGS nous assure qu’il n’y a eu qu’ « un coup de peinture. Je ne suis pas là pour gaspiller l’argent public ! » Mais alors que le projet d’extension de l’aéroport défraye la chronique, juste à côté, à Saint-Victoret, ça s’agite aussi.
Quoique confortablement réélu, chez Claude Picirillo (LR), le climat politique est lourd (1). Exemple ? Fin 2020 relève La Provence, lors d’une passe d’armes avec l’opposition, un adjoint lance : « Les personnes comme vous, on les fusillait ! » Ambiance… Pour le personnel municipal aussi, le plafond est bas. Symbolique : le non-renouvellement fin décembre du CDD de Priscilla Guipet, directrice d’un centre aéré. Qui se demande, comme le relaye le quotidien, si le fait qu’elle soit tombée enceinte n’aurait pas joué en sa défaveur. Ce que nie la mairie. Dans la dernière ligne droite de sa grossesse, la jeune femme et son compagnon hésitent encore à donner des suites à cette affaire.
Turn-over turbo
En permanence survolée par des aéronefs, ce qui impressionne, à Saint-Victoret, c’est le taux de rotation… à la mairie ! Comme le liste un ancien responsable de la police municipale où, là aussi, le « turn-over » est conséquent, il y a eu, au cours des dernières années, le départ de « quatre DGS, deux directeurs de l’urbanisme, deux directeurs de la communication, trois directeurs et quatre adjoints des services techniques, quatre secrétaires de mairie, quatre directeurs de centre aéré, trois agents comptables, deux secrétaires des ressources humaines… » Un constat que partage, sous couvert d’anonymat, un ex-collaborateur du maire : « Lui qui vient d’Eurocopter n’aime guère les fonctionnaires. À la mairie, il y a donc beaucoup de contrats précaires. Et des personnes qui passent d’un service à un autre… »
En 2019 déjà, l’opposition avait alerté la chambre régionale des comptes (CRC), qui, d’après nos informations, enquête en ce moment sur la commune : le « nombre d’employés municipaux a été divisé par deux en une vingtaine d’années », alertent les opposants avec « un recours systématique aux contractuels ». Interrogé à ce sujet par la presse, le premier adjoint Éric Léotard reste droit dans ses bottes : « Il n’y a de gras dans aucun des services ».
Son secret minceur ? D’après les documents internes que le Ravi a pu consulter, la ville utilise toute la panoplie des contrats précaires : contractuel, vacataire, PEC (parcours emploi compétence), CEE (contrat d’engagement éducatif)… Exemple avec cet agent de surveillance de la voie public (ASVP) qui est déjà passé par deux contrats aidés et dont « le maire souhaite renouveler le contrat pour une durée de 3 ou 4 mois sur le fondement de l’accroissement temporaire d’activité ou besoin saisonnier ». La responsable des « affaires juridiques » est dans ses petits souliers : « Il s’agit d’une dernière transgression afin de [le] maintenir dans nos effectifs le temps de régulariser sa situation avec notre conseil juridique ». De quoi éveiller la curiosité de sa collègue de la « RH » : « Je suis intéressée par les conseils de notre avocat dans ce dossier qui pourrait éventuellement concerner d’autres agents. » Or, le rappelle le cabinet sollicité par la ville, « l’accroissement temporaire d’activité » ne peut être invoqué indéfiniment.
Litiges et transactions
Et le bricolage, ça ne fonctionne pas toujours. D’où un nombre non négligeable de litiges. En 2019, à l’issue de plusieurs années de procédures, la ville a dû verser plus de 10 000 euros à une ancienne policière municipale. Plus récemment, en novembre, le conseil municipal s’est vu soumettre un « protocole d’accord transactionnel » avec une architecte qui « a assisté le maire et les services de la commune deux jours par semaine durant trois mois », notamment pour un « état des conformités du patrimoine ». Sauf que cela s’est fait sans « contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage » ! D’où le versement de la coquette somme de 9 000 euros. De quoi faire s’étrangler l’opposant Pierre Gelsi. Qui alertera la sous-préfecture, la CRC et le procureur de la République. Contactée, l’architecte, qui, nous dit-on, aurait été pressentie un temps pour devenir DGS ou responsable des services techniques, ne veut « plus entendre parler de Saint-Victoret !»
Dans cette ville où niche un « musée de l’aviation » les retournements sont dignes d’un spectacle de voltige. Ainsi, comme l’a pointé en juin Marsactu, Hamoue Derdour, longtemps proche de l’opposition, est désormais adjoint aux travaux ! A contrario, l’opposant Pierre Gelsi, lui, doit faire face à plusieurs procédures. D’ailleurs, le maire a demandé il y a peu la « protection fonctionnelle ». En clair, la prise en charge par la ville de ses frais de justice. Mais il a dû s’y prendre à deux fois. Car, en novembre, Claude Piccirillo avait oublié qu’il ne devait pas prendre part au vote. Erreur corrigée lors du conseil municipal de janvier.
Autre looping ? Alors qu’en juillet, la ville se prononce à l’unanimité contre le projet d’extension de l’aéroport de Marignane, en novembre, le conseil municipal donne son aval à la première phase ! Interpellé par l’opposition, le premier adjoint Éric Léotard, qui vient d’être désigné « censeur » au sein du « conseil de surveillance » de l’aéroport, minimise : « Nous nuançons notre avis. » Mais après tout, en 2010, sur LCM, à propos de ce voisin bruyant qu’est Marignane, celui qui, dans le civil, est cadre à Airbus Helicopters assurait : « On s’habitue et ça crée même des vocations » !
1. Ni le maire ni son premier adjoint n’ont répondu aux sollicitations du Ravi.