Muselier, la victoire en râlant
L’endroit est toujours aussi riant. Coincé entre le Silo et le théâtre de la Joliette, c’est à nouveau au Golden Tulip que le président sortant de la Région, Renaud Muselier, organise sa soirée électorale pour le second tour des régionales, ce dimanche 28 juin.
Il n’est pas encore 20 heures et les premières estimations le donnent largement réélu. Alors, Ludovic Perney, benjamin de la majorité régionale sortante et jeune pousse LR s’entend dire : « Toi, t’as pas fini de picoler, ce soir ! » Le général Galtier affiche un sourire jusqu’aux oreilles et le définitivement tout-terrain Christophe Madrolle (Union des démocrates et écologistes) commence déjà à remercier les électeurs de gauche, dont le chef de file écolo Jean-Laurent Felizia (EELV) a accepté de se retirer. « J’ai envoyé 1 3000 mails et plus de 700 SMS cette nuit pour que les gens aillent voter. Et j’ai reçu des trucs comme ça », dit-il en brandissant son téléphone. Un texto où l’on peut lire : « On a voté pour toi, social-traître ! » Ça commence déjà à refaire le match : Felizia vs Dubuquoy, la place de la gauche, de l’écologie… et de Thierry Mariani, la tête de liste du RN ! « Mariani comme opposant à la Région ? Est-ce qu’il sera là ou est-ce qu’il sera déjà parti ailleurs, pour un autre coup politique ? », ricane le patron des PME et co-listier Alain Gargani.
Photos en cascade
20 heures approchent et il faut bien nourrir la meute. Alors on rassemble les militants autour d’un écran plat branché sur France 3 pour qu’à l’heure dite, ils exultent. Les minutes durent des plombes. Ca scrute les téléphones : « Y a un sondage qui l’annonce à 53 % » Réponse d’un proche du président sortant : « Là, sur la 3, ils vont l’annoncer à 56% » A l’autre bout de la pièce, un p’tit vieux, scotché sur son smartphone, tente une contre-soirée en grillant le suspense : « C’est bon, ils annoncent Muselier réélu. » Sans déclencher le moindre enthousiasme.
Le résultat tombe, les militants s’enflamment, Galtier peut se dire « ravi », Sabrina Roubache, « candidate d’ouverture » proche du couple Macron, « soulagée ». Dans la pièce, un jeune homme ne participe pas à la liesse. On lui demande pourquoi : « J’étais à LR. Mais je n’y suis plus. Je passais dans le coin et j’ai vu que le siège de campagne était là. Je me suis dit que c’était intéressant de venir voir ce qui se passait. Mais je n’ai pas voté Muselier… »
Celui-ci se fait attendre . Alors, au bout de l’allée « Philippe Seguin » (« homme d’Etat » peut-on lire sur la plaque), c’est-à-dire dans l’arrière cour anomique du Golden Tulip, ceux qui attendent l’arrivée de Renaud en Citroën trompent leur ennui comme ils peuvent. Et les militants de photographier les photographes qui photographient les militants qui…
« Les sondeurs de sont trompés. Les commentateurs aussi. »
Muselier arrive et se fait un remake de la soirée du premier tour. Remontée triomphale de l’allée Philippe Seguin entourée par la meute de journalistes et les militants. Direction la salle des « évènements ». Et discours de circonstance : « Le résultat de ce second tour a démenti tous les sondages et déjoué tous les pronostics. Ce soir, j’ai gagné. Nous avons gagné. Cette victoire, c’est la victoire de toutes celles et tous ceux qui sont allés voter aujourd’hui, souvent au- delà de leurs différences, de leurs appartenances politiques, philosophiques, sociales ou religieuses. Vous avez décidé de faire cause commune face au péril de l’extrême-droite. » Et de remercier Felizia, l’écolo « centriste » Jean-Marc Governatori. Mais aussi Bernard Tapie, Nicolas Sarkozy… Et, après avoir expliqué que « rien ne nous aura été épargné », de promettre, dans une « logique de rassemblement » : « J’ai pris un engagement : faire entendre la voix de toutes les forces politiques au sein de l’hémicycle du conseil régional. C’est un engagement formel – sur l’honneur, je confirme cet engagement. »
Muselier serre les mains, fait des selfies… Mais renâcle à répondre aux journalistes. Quand l’un d’eux lui lance « alors, c’était inespéré », il le fusille du regard : « C’était inespéré pour vous. Parce que vous vous êtes trompé ! » On lui demande s’il a un mot pour son ex- « bon copain », le Ravi se fait rabrouer. Face à la meute qui insiste, il lance aux militants : « Maintenant, on peut boire, chanter et danser. Loin des commérages et des commentaires.» Re-belotte face aux micros : « Vous essayez d’interpréter en permanence. Or, ma stratégie a payé. Alors que ce soir, certains ne vont pas dormir sur leurs deux oreilles. Parce qu’ils ont eu faux de A à Z. Les sondeurs se sont trompés. Les commentateurs aussi. Les électeurs, non. »
Une petite main, plus prudente : « Je craignais que l’électorat de Félizia ne se déplace pas. Il va falloir qu’on fasse preuve d’humilité. Et qu’on laisse de la place à la gauche comme à la société civile. Surtout au regard du niveau d’abstention. » Galtier se sert un « jaune », Madrolle demande « où est le champagne ? » Et surgit, tout de blanc vêtu, celui qui n’a plus de responsabilité à la Région mais quelques-unes rues d’Aubagne, l’insubmersible avocat Xavier Cachard. Dehors, ils sont moins d’une dizaine à tenter de se trémousser sur de la mauvaise techno : « Allez, on fait une flash-mob ? » Encore une « manif de droite » un dimanche soir du coté d’Euroméditerranée…