Vaudeville politique à gauche
A gauche et chez les écologistes aussi on aime le suspens, les rebondissements et les (mauvaises) surprises. Dernière en date, le 7 mai, à dix jours du dépôt des listes : pendant que l’écolo Jean-Laurent Felizia présente à la presse son « Rassemblement écologique et social » pour les régionales en compagnie de responsables d’EELV, du PS, du PCF et de Génération.s, Jean-Marc Governatori, président de Génération écologie et candidat de l’union dans les Alpes-Maritimes, prépare sa sortie de la liste pour présenter la sienne, plus au centre !
Explications au Ravi de l’homme d’affaires, qui a réuni sur son nom 4 % des votes en 2015 : « Si la France Insoumise a été écartée comme je le demandais, pour moi la liste est de gauche. Au lieu de 2/3 des places éligibles, les écolos n’en ont que 40 %. » Selon le sénateur EELV Guy Benarroche, le PS et le PCF s’en partagent 40 %, le reste allant aux amis de Samia Ghali, Génération.s et quelques autres. « C’est à se demander [si Governatori] ne l’a pas fait exprès, il a réussi à faire éclater la gauche », pestait dans la foulée Alain Barlatier, de la Gauche républicaine et socialiste (GRS). La petite formation pousse en vain, depuis décembre, avec une dizaine d’autres mouvements, des dissidents d’EELV, de collectifs et de citoyens à une large union de la FI aux écolos dès le premier tour à travers l’appel « Il est temps ». Et le Niçois était un des points de crispation (Cf le Ravi n°194).
LFI insoumise
Il y a cependant peu de chances que son départ du « Rassemblement écologique et social » change la donne. « EELV logo », comme l’appellent ses dissidents, s’est toujours refusé à la présence des insoumis dans l’union, au risque de recréer le scénario de 2015 où une gauche divisée s’était désistée au second tour au profit de Christian Estrosi. « Personne ne veut l’entendre, mais depuis le départ je dis qu’on ne peut pas les inclure au premier tour pour une question de stratégie. L’électorat de Paca est plus à droite que dans les Hauts-de-France où il y a une large alliance », explique Guy Benarroche. Et d’insister : « La liste est encore ouverte pour les petites formations, mais pas sur les places éligibles. »
Avec le Pôle écologique, les alliances sont cependant à géométrie très variable, y compris en Paca. Indésirables pour les régionales, les Insoumis discutaient avec les formations de gauche et les écolos dans les Bouches-du-Rhône jusqu’à un clash final avec EELV. Mieux, ils font partie d’un large rassemblement qualifié « d’inédit » dans le Vaucluse. Les écolos n’y seraient pas non plus hostiles dans le Var, mais cette fois c’est le PS qui bloque. « Il n’y a plus de conseillers départementaux de gauche, pourtant on a été incapable de s’entendre, même sur La Seyne-sur-Mer où elle a une chance », regrette un militant varois LFI. Résultat, au moment du bouclage du Ravi, les insoumis envisageaient de participer à une liste citoyenne issue d’« Il est temps » aux régionales. Ils présenteront des candidats aux départementales dans les Bouches-du-Rhône face à des candidats de gauche. La mère des batailles pour le PS, qui y a mis toutes ses forces, comptant sur les moyens financiers de la collectivité gérée par la LR Martine Vassal pour appliquer le programme du Printemps marseillais… à Marseille.
« On a passé des heures de discussion, on a eu des visios tous les jours, il y a eu un gros travail de 200 à 300 militants des partis, membres de collectifs et citoyens sur un projet et un contenu qui font consensus mais dès qu’on parle des listes, il y a des problèmes de confiance, de positionnement », constate dépité Rémy Jean, d’Ensemble !, composante de LFI. « Il reste qu’une quarantaine de personnes s’est réunie huit fois pour construire une liste unique dépassant les partis », positive un artisan du Printemps marseillais. Avant de râler : « Mais dès que les gros partis ont commencé à tricoter sur les départementales dans les Bouches-du-Rhône, ils ont délaissé les régionales et n’ont plus envoyé que des seconds couteaux. » Et de regretter la superposition des ces scrutins.
Hallucinations collectives
Les deux, qui ont plus d’une élection au compteur, partagent le même constat : « On n’a jamais vu un bordel comme ça à gauche ! » « Il y avait des réunions globales auxquelles tout le monde était invité, d’autres où tout le monde n’était pas invité, il y avait aussi des réunions bilatérales… Parfois en même temps », hallucine aussi Jean-Luc Bennahmias, désormais chez Place Publique.
Si au PS et à Génération.s on tente de réécrire l’histoire en expliquant désormais que le « Rassemblement écologique et social » est finalement l’aboutissement de l’appel « Il est temps », d’autres assument le choix d’une « union restreinte ». « C’est la plus large possible pour proposer une alternative au second tour », explique le communiste Anthony Gonçalves. Qui respire : en guerre avec l’entrepreneur depuis les municipales de Nice, le PCF 06 avait refusé l’accord négocié avec le Pôle écolo et menaçait de rejoindre le dernier noyau d’« Il est temps ».
« On est en train de se compter, c’est tout », se désole in fine notre insoumis Varois, inquiet de voir la gauche ne pas finir de se recomposer. Dernier projet en date : Vert l’avenir, un nouveau mouvement écolo qui veut changer de culture à gauche en mettant les partis au service des citoyens. En attendant, Alain Barlatier avertit : « C’est moins visible que la droite, mais nous aussi on se ridiculise. Et c’est le RN qui va ramasser les voix. »