« La Canebière doit devenir une route de culture »
le Ravi : Christian Estrosi (UMP) est-il le bon choix pour mener campagne face à Christophe Castaner (PS) et Marion Maréchal-Le Pen (FN), choisie par l’extrême droite comme tête de liste aux régionales ?
Sabine Bernasconi : La famille Le Pen ne passe jamais inaperçue et je m’inquiète que les propos de Jean-Marie Le Pen soient toujours aussi terrifiants ! La candidature de Christian Estrosi place l’UMP à un bon niveau car il a une carrure et est très ancré dans son territoire. Mais la candidature de Renaud Muselier, avec qui je suis rentrée en politique, aurait été aussi un très bon choix pour gagner la Paca.
Comment allez-vous vous démarquer des Le Pen ?
Est-ce bien sérieux ce qu’ils proposent ? On va fermer les frontières de la France, sortir de l’euro ? C’est impensable et pas crédible ! J’en ai marre d’être comparée à ces propositions d’extrême droite qui sont… incroyables !
L’UMP incarnée par Estrosi n’hésite pourtant pas pour séduire l’électorat FN à aller sur le terrain de l’extrême droite. La droite a-t-elle raison de montrer ses muscles en parlant sans cesse d’immigration et de sécurité ?
Le sujet de l’immigration n’appartient pas à l’extrême droite. Et on devrait pouvoir débattre des questions de sécurité sans être taxé d’extrémisme !
A Marseille, Jean-Claude Gaudin, hostile durant vingt ans à l’armement de la police municipale, vient de se laisser convaincre… Est-ce un nouveau symptôme du durcissement de la droite républicaine ?
Non, ce sont simplement les temps qui changent, c’est une adaptation face aux problèmes de sécurité qui sont différents, notamment avec des risques d’attentats. Ce sont les policiers qui ont demandé ces armes pour mieux se défendre et être mieux respectés.
N’avez-vous pas peur d’une bavure qui mettrait le feu aux poudres ?
Il y a un an de formation avant le port d’arme. Une bavure peut arriver partout. Si on ne fait rien en ayant peur de ce qu’il va se passer, alors on ne fait pas de politique.
Qu’a donné l’audit que vous avez demandé pour diagnostiquer le bilan de votre prédécesseur, Patrick Mennucci, à la mairie de secteur ?
Il a confirmé ce que je savais déjà après avoir mené l’opposition face à Patrick Mennucci. Il a fait des choix politiques que je n’aurais pas faits. Et puis une mairie de secteur ne devrait pas servir de tremplin pour faire une carrière nationale. Or des sommes colossales ont été investies plus pour la gloire du personnage que dans l’intérêt des habitants.
Vous voilà à votre tour en charge de la Canebière, toujours aussi sale et paupérisée. Quelle est votre vision pour cette artère emblématique ?
Je trouve la Canebière beaucoup mieux que l’idée qu’on s’en fait à Marseille. Elle doit devenir une route de culture, dans l’axe du Mucem et des musées du palais Longchamp. Il s’en dégage déjà une identité très forte !
Implanter un hôtel de luxe à Noailles, aux Feuillants, est-il pertinent et réaliste ?
Oui c’est une bonne idée. Ce sont des investisseurs privés qui s’y engagent et s’ils le font c’est que le projet leur semble rentable. L’emplacement est un endroit mythique qui attire autant qu’il peut repousser avec certaines images négatives… Mais ça va mieux !
Qu’avez-vous donc fait, depuis un an, pour améliorer ce quartier ?
Nous avons travaillé sur les questions de sécurité et du social en créant une première en France : un conseil local de prévention et de sécurité de la délinquance territoriale. Il y a une visite hebdomadaire de tous les services de police car il persiste des problèmes liés aux clandestins, à l’hygiène… Aujourd’hui, à Noailles, il n’y a plus de « marché de la misère ».
Il y en a au moins toujours un le dimanche matin !
Car le dimanche nous n’avons pas les mêmes forces ! Nous manquons de moyens le week-end…
A Noailles, il manque surtout un centre social ! L’association Mille Pattes qui faisait un beau travail a fermé…
Je regrette que cette association ait disparu mais Noailles n’est pas un désert social non plus ! Il y a encore des associations qui travaillent avec les familles et les enfants. Nous travaillons avec la Soleam sur la possibilité d’aménager le domaine Ventre qui paraît bien placé pour recevoir des activités liées au social. L’Ifac au cours Julien étend ses activités dans le quartier…
En haut de la Canebière, vous reparlez d’un projet de cinéma après avoir combattu celui de Mennucci !
Le projet MK2 défendu par Mennucci, avec 14 salles, ne semblait pas rentable et a été retoqué par l’architecte des bâtiments de France. Oui nous avons perdu du temps. Mais maintenant nous défendons la réalisation d’un pôle culturel : un cinéma à la fois « d’art et d’essai » et grand public, un lieu de vie doté d’une salle d’exposition… Le projet qui se dessine est une grande verrière avec des coursives qui doivent être vues de l’extérieur. C’est aussi ça la culture, aller chercher tous les publics.
Quelle sera l’échéance pour inaugurer ce cinéma ?
J’espère moins de 5 ans mais sans pouvoir encore le garantir !
La construction d’une mosquée dans le 1er arrondissement semble par contre repoussée…
Où la verriez-vous ? L’arrondissement est dense et il faut trouver un espace de respiration pour les jeunes, donc on va plutôt faire un stade. On a trouvé, en stoppant un projet immobilier, un site pour construire un city stade à l’îlot Korsec-Velten en ayant fait arrêter un projet immobilier. Il sera ouvert en septembre 2015.
Vous dites donc qu’il vaut mieux construire un stade qu’une mosquée, même si des gens prient dans la rue ?
Parfaitement, je suis laïque et je ne m’occupe pas des religions.
Que pensez-vous, en tant que vice présidente du Conseil général chargée de la culture, des difficultés de nombreux acteurs culturels dans l’après capitale européenne ?
Le monde de la culture regrette de ne pas avoir été assez associé à l’événement capitale de la culture. Si c’est ressenti comme ça, alors c’est la vérité qui s’impose ! Pour autant, ce secteur est devenu depuis des années une filière de création d’activité dont la Friche de la Belle de Mai est une illustration exemplaire. Les choses vont dans le bon sens même s’il y a de moins en moins d’argent public. Martine Vassal a assuré que la culture ne serait pas un secteur sacrifié : je peux vous garantir que le département ne baissera pas le budget de la culture !
Est-ce que le fait que la mairie, l’agglomération et le département sont dans le même camp politique va faciliter l’avancée des dossiers ?
Je pense que oui, mais ça ne me satisfait pas. Il ne faut pas fermer les yeux sur la nécessité de refonder les territoires sur le plan administratif. Sans être pour la suppression du département, je crois que le bon échelon est celui qui créera le plus d’emplois : il doit être plus grand qu’une ville, donc proche de celui de la métropole qui aurait vocation à s’agrandir…
Un mot sur Dominique Tian, dont vous avez été la colistière, qui aurait dissimulé des comptes en Suisse ?
Je connais très bien Dominique Tian et ce qui me chagrine c’est qu’il a toujours tenu à gérer une vie professionnelle et un engagement politique très fort car c’est un député très actif à l’assemblée.
Il y est surtout connu pour ses attaques contre les fraudes supposées des bénéficiaires des minima sociaux et voilà que l’on découvre qu’il a dissimulé 1,5 millions d’euros !
Ce n’est pas comme ça qu’il faut dire les choses : il s’est adapté aux règles en se montrant plutôt transparent. J’ai entièrement confiance en lui…
Propos recueillis par Michel Gairaud et Rafi Hamal, mis en forme par Alexandre Verne