« Je me pose la même question... »
08:45
Renaud Muselier traverse au pas de charge le grand hall du Conseil régional avec Benoît Payan à ses côtés. Le maire (PS) de Marseille est venu saluer le président (LR) sortant, large vainqueur d’un duel contre son ancien camarade des Républicains Thierry Mariani. Dans le patio attenant, le candidat de l’extrême droite (RN) fume une cigarette. Selon la rumeur, il avait arrêté la veille…
09:00
Troisième sonnerie de lycée. Thierry Mariani s’installe au deuxième rang du groupe RN, à gauche de l’hémicycle. A ses côtés, de nombreux élus de 2015 et quelques nouvelles têtes, comme l’ex LR Alexandra Masson, Niçoise et femme d’Olivier Bettati, qui a lui siégé pendant le dernier mandat. Renaud Muselier fait une entrée de rock star, sous les applaudissements, les flashs et les caméras. Après une accolade à Christian Estrosi, il s’installe à côté du maire (ex-LR) de Nice. Installée dans la tribune du public, sa famille le couve d’un regard enamouré. Parmi les quelques 120 invités, dont une partie est parquée dans le grand hall, les proches des élus mais aussi des personnalités, dont Didier Raoult en chair et en os.
09:07
Doyen de l’assemblée, le varois et LR André Garron prend la présidence le temps du vote. La droite a retenu la leçon : en 2015, le RN avait eu le bénéficie de l’âge et Jean-Pierre Daugreilh en avait profité pour rappeler à Christian Estrosi son passé. Notamment ses négociations en 1998 avec Le Pen père pour garder la région à droite, alors que la gauche n’avait qu’une majorité relative.
09:21
On frôle l’incident diplomatique ! Le responsable du protocole se rue sur André Garron, qui veut passer au vote alors que le maire de Nice se prépare à une allocution. De sa voix mielleuse de curé, « motodidacte » annonce finalement : « Au nom de la liste Notre région d’abord !, j’ai le plaisir, l’honneur, de présenter la candidature de Renaud Muselier. » Après cet adoubement en bonne et due forme, le vote peut commencer.
09:32
Thierry Mariani ne décolle pas de son portable. Le médecin et directeur de clinique, lui, fait une nouvelle fois coucou à sa famille. Sylviane, sa mère, dans une robe rose qui tient plus de la tunique que du tailleur Chanel, lève les poings serrés. Ça vire École des fans.
09:41
Costard noir et chemise blanche ouverte, le chef de file du RN remonte son pantalon en se dirigeant vers les isoloirs. Une minute plus tard, Renaud Muselier a la même élégance en allant voter. Entre les deux, comme un symbole, s’est faufilé Bertrand Mas-Fraissinet, élu sur la liste de Muselier et référent LREM des Bouches-du-Rhône.
09:45
Le président sortant a de curieuses fréquentations. Le médecin donne une accolade chaleureuse à Philippe Korcia, le patron du Medef 13, qui traîne dans l’hémicycle. Un entrepreneur qui a eu les honneurs du Ravi, de Marsactu et de La Marseillaise (lire notre article) pour avoir cogéré pendant des années des taudis dans le quartier de Belsunce à Marseille pour le compte de sa famille.
10:03
Sans attendre le décompte final, Renaud Muselier lève les bras en signe de victoire. Nouvelle séance photos, les caméras tournent et énième ovation. Sa famille est en transe. Le RN Frédéric Boccaletti descend deux rangs pour aller consoler Thierry Mariani.
10:19
Après avoir reçu des mains de René Garron son écharpe de président du Conseil régional, l’ancien secrétaire d’État s’installe dans son fauteuil en marmonnant : « Je vais bien sûr m’exprimer. » Mais avant, il fait monter à sa tribune ses soutiens, Christian Estrosi et Hubert Falco, le maire (ex-LR) de Toulon, en tête. Plus curieux : parmi ses spéciales dédicaces, François Bernardini, le maire très divers d’Istres et un des élus préférés du parquet national financier que Renaud Muselier « tient à remercier tout particulièrement ». On aimerait savoir pourquoi…
10:25
Début du discours d’investiture du nouveau président de Paca, qui commence par une ode à la région et à lui-même. Thierry Mariani regarde le plafond.
10:37
Après avoir réglé ses comptes avec ses camarades Les Républicains qui avaient douté de ses alliances, Renaud Muselier reprend sa liste de remerciements. Bernard Tapie et Nicolas Sarkozy sont à l’honneur, mais aussi Jean-Laurent Félizia, le candidat du Rassemblement écologique et social s’étant sacrifié pour faire barrage à l’extrême droite. Ce dernier a refusé l’invitation à venir célébrer l’investiture de son adversaire. L’écolo attend « les engagements qui feront exister [sa] liste ». A la tribune, le médecin jure la main sur le cœur : « Je fais le serment solennel, qu’avec Jean-Marc Goverantori [centre écolo] ils seront associés à la gouvernance. » Applaudissements à droite et exclamation ironique du RN. On est loin de l’ambiance à couteaux tirés de 2015 avec Marion Maréchal (nous voilà !) Le Pen.
10:45
Petit rappel final et amical : « Avec 57,3 %, je suis le deuxième président le mieux élu, derrière Carole Delga (PS) en Occitanie, et le premier à droite. » A croire que Muselier a des ambitions présidentielles. Thierry Mariani regarde toujours les mouches voler.
10:52
C’est parti pour les promesses, enfin le programme : « 10 milliards de fonds européens », « ne pas augmenter les impôts », « faire reculer l’abstention grâce à une vice-présidence dédiée », « une région plus sûre », « la région la plus verte de France en 2030 grâce au rattachement de la délégation à la présidence » ou encore « 10 % d’augmentation pour la culture ». Tout le monde en profitera-t-il ? Des structures culturelles, qui avaient refusé de signer en avril la tribune de soutien au candidat Muselier à l’initiative de son cabinet comme l’avait révélé le Ravi, s’inquiètent toujours pour leurs financements…
11:05
Conclusion de l’allocution et installation des nouveaux vice-présidents. En 13e position (sur 15), le marcheur Jean-Pierre Serrus, maire (LREM) de La Roque-d’Anthéron, récupère les transports. A noter que le renouveau de la vie démocratique arrive au 14e rang. L’abstention n’a qu’à bien se tenir !
11:12
La parole à l’opposition. Plutôt beau joueur, le candidat RN prévient quand même : « Il ne faudrait pas que l’opposition élue ait moins de droits que l’opposition non élue ! »
11:26
Suspension de séance, le temps que le RN désigne ses représentants à la commission permanente et que Renaud Muselier rejoigne le plateau de France 3 installé pour l’occasion dans la salle des pas perdus.
12:09
Pendant que la nouvelle majorité se fait tirer le portrait, Thierry Mariani retrouve les feux des projecteurs en s’offrant un petit selfie avec un admirateur devant l’hémicycle. Surprise de ses troupes : « C’est bien rare ça ! »
12:30
Le président de la région fait distribuer la charte de l’élu local et suspend la séance dix minutes pour la prise de connaissance du texte. Impatience du RN : « Ce n’est pas sérieux, si on prend à chaque fois du temps pour lire les rapports ! » Muselier acquiesce : « Je me pose la même question que vous. » Déjà un point d’accord entre les deux camps !
12:45
Composition de la commission d’appels d’offres et de délégation de l’espace public. Nouveau bouchon devant l’urne et nouvelle interruption de séance. Sourires dans les rangs du RN.
12:59
Thierry Mariani profite d’un temps mort pour répondre à un appel visio. Le député européen montre l’hémicycle et le siège du président Muselier. Une place qu’il devra contempler de loin pendant plus de six ans…
13:16
La nouvelle majorité remporte la commission avec 85 voix contre 38. Le RN, qui a vu son groupe fondre d’un tiers sous la précédente mandature, perd déjà une voix. Mauvais présage ou étourderie ? Une certitude, personne ne veut de la troisième place dans la commission des finances. La défaite n’est toujours pas digérée ?
13:31
« Pas de question monsieur Mariani ? Et chez nous ? » Après quelques 3h30, le nouveau président de la région lève la séance. Et laisse place au buffet.
De haut en bas, illustrés par Trax : Renaud Muselier, le président (LR) de la région Paca ; Thierry Mariani, chef de l’opposition (extrême droite, RN) ; Bertrand Mas-Fraissinet, référent LREM des Bouches-du-Rhône.