Félizia : surprise sur surprise !
Seulement une vingtaine de candidats et militants, sur le coup de 20 heures, patientent dans les locaux marseillais de campagne du Rassemblement écologique et social, pour cette soirée de premier tour des élections régionales, au 2 rue Friedland, l’ancien quartier général où le Printemps marseillais a fêté ses victoires lors des municipales. L’ambiance est un peu tendue, les premiers résultats ne sont pas ceux que prévoyaient les sondages, le RN ne fait pas les scores astronomiques attendus. In fine, Thierry Mariani obtient 36,38 % au lieu de la quarantaine annoncés par de nombreux sondages, Renaud Muselier suit « seulement » quatre points derrière (31,91 %) puis vient l’écologiste Jean-Laurent Félizia (EELV), à la tête du rassemblement fédérant en grande partie la gauche (16,89 %) [Chiffres actualisés le lundi 21 matin]. Dimanche soir, si les relatifs mauvais scores du RN réjouissent les membres présents du local sur-climatisé, qui voient l’extrême droite comme étant leur « principale ennemie », cela modifie aussi la décision à prendre concernant le second tour.
Et personne ici ne sait vraiment ce qui va être décidé ! Tout se joue dans une autre pièce du local, fermée à la presse, à l’intérieur de laquelle se trouve Félizia, ainsi que les principales têtes de liste des départements, à l’image de Capucine Edou (Génération.s), qui conduit celle des Bouches-du-Rhône. L’allocution initialement prévue à 20h30 est finalement reportée vers 22 heures. Le temps pour les candidats d’essayer de se mettre d’accord sur la nouvelle stratégie à adopter. Julien Soret (Génération.s), en troisième position sur la liste du Vaucluse prévient : « Ça risque d’être long cette soirée électorale, pour le moment les estimations sont trop floues. »
« Les citoyens de gauche attendent autre chose que l’effacement de leurs valeurs et de leurs idées. »
Tout le monde se rue devant la télévision, installée dans un coin du local, pour suivre les prises de parole respectives de Renaud Muselier et Thierry Mariani. A 22 heures passées, vient enfin le tour de Jean-Laurent Félizia, accompagné notamment par Capucine Edou et Jean-Pierre Cervantes (EELV), tête de liste du Vaucluse. Les visages sont graves, et ils peuvent l’être, car ils savent que la décision qu’ils viennent de prendre n’est pas acceptée à Paris. Alors que Félizia avait laissé entendre lors de la fin de la campagne qu’il se retirerait au second tour pour faire barrage au RN, il opte ce soir pour une toute autre stratégie au regard des résultats qui annoncent RN et LR au coude à coude : « La vérité, c’est que les citoyens de gauche attendent autre chose que l’effacement de leurs valeurs et de leurs idées, comme ils l’ont vécu depuis 2015, comme nous l’avons dit tout au long de cette campagne. Nous avons eu un débat collectif, car c’est notre façon de fonctionner, et nous avons décidé, si les résultats définitifs confirment les tendances, de maintenir la voix de la gauche et de l’écologie au second tour de cette élection. » Éclats de joie dans la pièce ! Les militants crient leur bonheur de poursuivre la campagne électorale.
« Les résultats nous permettent le maintien, sans avoir un risque d’avoir le RN à la région. On avait une équation difficile à résoudre, à la fois ne pas avoir le RN et être présents dans l’hémicycle, et visiblement le résultat à la sortie des urnes nous le permet ! » se réjouit Marianne Demouzel, candidate sur la liste du Vaucluse. Personne ici n’avait en tête un tel scénario, tant les sondages donnaient la victoire de Mariani écrasante au soir du premier tour. « On n’était pas du tout préparés à ça. Face aux résultats on a du discuter, et arriver à la conclusion qu’il fallait que nous nous maintenions. Compte tenu des chiffres actuels si ils se maintenaient, compte tenu du fait que Jean-Marc Governatori (« Écologie au centre », 5,28 %] a dit qu’il appuierait Muselier, le risque RN semble écarté, se félicite Jean-Pierre Cervantes. D’ailleurs, quand on écoute Mariani, on voit bien que c’est un discours de défaite. Je crois qu’il a fait le plein de ses voix mais que Muselier a encore une réserve. On va pouvoir avoir un second tour avec un vote par conviction, ce qui n’est pas souvent le cas ! »
Pressions de Paris
Mais tout le monde n’est pas de cet avis. Yannick Jadot et Eric Piolle, pour EELV qui étaient venus soutenir Félizia, ont désavoué cette décision, Julien Bayou a évoqué une exclusion si elle se confirme. Même son de cloche du côté du PS avec son président Olivier Faure, qui avait fait lui aussi un déplacement en Paca aux côtés de Félizia et « appelle solennellement au retrait de la liste. Aucun risque ne peut être pris face à l’extrême droite ». La fédération des Bouches du-Rhône du PCF, composante du Rassemblement écologique et social, appelle à un front républicain en faveur de Renaud Muselier. Comme d’autres colistiers de Félizia, à l’image de Laurent Tramoni, candidat dans les Bouches-du-Rhône…
Lundi soir rue Friedland, peu importe, les militants ont déjà la tête à la suite de la campagne, qu’ils savent compliquée. « On est ravis de la décision de maintien qui va nous permettre de porter nos valeurs et nos idées dans la semaine qui arrive, s’exclame Emmanuel. Ça va être une campagne très active et intense. On est aussi assez contents de voir la chute de l’influence du RN en Paca. Sans être une victoire, c’est une bonne nouvelle ! » A condition que Félizia et ses colistiers ne cèdent pas à la pression croissante et à l’injonction de retirer leur liste qui doit être déposée ce mardi, avant le second tour. Mais dès lundi en début d’après-midi, La Marseillaise annonçait que Félizia allait très vite renoncer à maintenir sa candidature. Décision aussitôt confirmée par plusieurs sources, démentant les déclarations de la veille, et validant le scénario d’un duel, dimanche 27 juin, entre Muselier et Mariani…