« Je vais vous faire les poches ! »
13:00
Retour dans la cité phocéenne pour le député « marseillais » Jean-Luc Mélenchon en campagne pour la présidentielle. Après le Vieux Port en 2017, il refait, comme en 2012, le coup du meeting sur la plage. Mais sans le Parti communiste…
13:10
Au départ du rond-point du Prado d’où doit partir la marche de ses soutiens, un membre du service d’ordre (SO) confie ne pas être au courant de grand-chose côté organisation. Mais ne veut pas que le Ravi en parle ! Le service presse est plus bavard et informé. Déception : Mélenchon ne participera pas à la marche.
13:41
Arrive l’équipe de choc chargée de vendre le Ravi. Méfi, il y a de la concurrence ! Le SO s’installe enfin sur la chaussée, avec une corde pour délimiter le carré de tête. Surgissent quelques figures : l’élu local Hendrik Davi, la députée européenne Manon Aubry aux origines varoises, le militant des quartiers nord marseillais Mohamed Bensaada mais aussi Alexis Corbière, député LFI de Seine-Saint-Denis.
13:52
Un vieux cycliste marmonne : « Vive Macron ! Mélenchon, c’est un couillon ! »
14:05
La manif démarre, avec, à sa tête, les élus, flanqués d’une fanfare. Arrivée prévue ? 15 heures. On remonte l’avenue du Prado pour arriver en avance.
14:30
Passé le vrai-faux David, les Insoumis ont installé leur scène, flanquée d’écrans géants, au bord de la plage. Un gosse, perspicace : « Y a plus de drapeaux que de gens ! » 35 000 personnes selon les organisateurs qui en revendiquaient 120 000, au même endroit, en 2012. Dans les deux cas, on est bien en deçà ! A l’espace presse, nous attendent jus de fruit et petits gâteaux.
14:45
Un rappeur marseillais est censé tromper notre ennui. Il nous fait surtout regretter Le Mia d’IAM diffusé auparavant. Le carré de tête arrive et se disloque devant l’espace presse. Alexis Corbière commence à enchaîner les interviews.
« Là, y a un espoir ! »
15:08
Comme Mélenchon a du retard, le duo Aurélie Trouvé, ex-porte-parole nationale d’Attac désormais présidente du parlement de l’Union populaire qui soutient le candidat, et Manuel Bompard, député européen LFI, est là pour meubler. Avec plus ou moins de bonheur. L’ancien porte-parole des Conti, Xavier Mathieu avoue qu’« en trente ans, je n’ai pas toujours cru aux élections. Mais là, y a un espoir ! » Et de faire comme Mélenchon en citant Gil Courtemanche (non, ce n’est pas le comique !) pour qui « l’homme révolté doit croire au bonheur et à la beauté des choses ».
15:18
Changement d’ambiance avec… deux comédiens de Plus belle la vie ! Même Corbière pouffe. La comédienne Sophie de la Rochefoucauld, elle aussi membre de l’Union populaire, s’émeut de la fin annoncée du feuilleton : « Ça représente 600 emplois ! » Mais promet : « Avec Mélenchon, la vie sera plus belle ! » Suivent le maire communiste de Stains (93) et un message vidéo de soutien d’un candidat à la présidentielle en Colombie.
15:35
Arrive Mélenchon. Qui loupe son entrée : « Vous m’entendez ? » Réponse : « Non ! » La sono a des ratés. Le tribun ne s’en fait pas moins lyrique : « Nous voici sur les lèvres fraîches de ce rivage. Sentez-vous ce souffle, cette brise qui est l’haleine de la bonne mer, notre mer commune, la Méditerranée » dont il rappelle qu’il y a 9 500 ans elle « perça le Bosphore et créa la mer Noire ». Le voilà à évoquer l’Ukraine, réclamant un « cessez-le-feu et la fin de l’invasion russe ». Aïe ! L’orateur se met à tousser. Mais tient la barre, passant de l’Ukraine à « l’approvisionnement en blé » puis aux « sécheresses » pour prédire « de sévères tensions alimentaires, humanitaires et sociales qui peuvent déchirer nos sociétés ».
15:41
Autre danger ? « Le nucléaire » : il y a « 15 réacteurs en Ukraine » et Jean-Luc redoute un risque de pollution de la mer Noire et donc de la Méditerranée. Il réclame le déploiement de « casques bleus ». Et promet : « Nous serons une nation non alignée, indépendante, capable de se défendre seule ». En précisant : « On dit “si vis pacem, para bellum”. Non ! Si tu veux la paix, prépare la paix ! Réfléchissez au moment du vote. Nous sommes au bord d’une guerre nucléaire ! »
15:50
L’explosion qui l’inquiète, c’est les « prix ». Promet de les « bloquer » comme à « la Réunion ». Et lance : « Ce n’est pas une utopie. C’est à portée de bulletin de vote ! » Pour Mélenchon, « nous vivons en état d’urgence sociale ». Or, « les sociétés qui résistent le mieux, ce sont les plus solidaires ». Haro sur la « précarité, un mot savant pour parler de la trouille permanente des lendemains ». Alors, l’ex-ministre de l’Enseignement professionnel promet la « titularisation des 800 000 contractuels de la fonction publique ». Fustige les « CDD », les « radiations à Pôle Emploi ». Et se fait les crocs sur la proposition de Macron et « sa cour de playmobils robotiques » : les « 15 à 20 heures de travaux d’intérêt général pour les titulaires du RSA ». Et de décrypter : « Ça fait 7 euros de l’heure ! Et c’est 20 heures car au-delà, ça doit faire l’objet d’une requalification. Des travaux d’intérêt général… C’est pour les délinquants ! La pauvreté, c’est pas de la délinquance. Mais forcer quelqu’un à travailler, c’est interdit ! Une convention de 1937. Même moi, j’y étais pas ! » Et de lâcher : « On sait tout, on a tout compris ! »
« Le Pen c’est le programme économique de Macron avec le mépris de race »
16:06
Tandis qu’un photographe fait un malaise, Mélenchon passe du social à l’éducation, refusant cette « expérimentation de Macron à Marseille : celle de voir les écoles primaires gérées comme des établissements en concurrence. C’est trop ! Vous touchez pas à nos gosses ! », lance celui qui avoue : « Je dois tout à l’école publique ! » Lui veut la fin du contrôle continu, le retour du bac. Et à ceux qui disent « c’est tous les mêmes, on va pas aller voter, on n’a pas compris », Mélenchon rétorque : « Et bien réfléchissez, bon sang de bois ! »
16:16
Au tour de ceux qui, à voir l’Insoumis grimper dans les sondages, « font des cauchemars. Chacun son tour ! Et vous avez raison. Je vais vous faire les poches ! ». Enfonce le clou : « Ils rêvaient d’une élection bien tranquille. D’un côté Macron, de l’autre Le Pen. Avec un premier tour aux allures de formalité administrative et un second tour low cost. » Attention, rigole Mélenchon, « je confonds pas les deux. Macron, c’est le programme économique de Mme Le Pen avec le mépris de classe, Mme Le Pen, c’est le programme économique de Macron avec le mépris de race ». Et de lister leurs points communs : le gel du Smic, la retraite à 65 ans, le nucléaire… Un journaliste trompe son ennui en regardant sur son téléphone le meeting de Zemmour !
16:27
L’Insoumis philosophe : « Ce qui tue la société, c’est l’argent, la cupidité. Nous, nous voulons une rupture majeure. Il faut tout changer ! » A commencer par les pronostics. Mélenchon, qui se dépeint en « tortue, partie en campagne il y a seize mois », raille « le roi des castors qui appellera à faire barrage. Et le poulailler lui pardonnera de plumer la volaille pendant cinq ans ». Et assène : « Si, vraiment, vous avez l’intention de faire barrage au deuxième tour, j’ai une proposition. Faites barrage dès le premier tour ! » Pour mieux galvaniser les troupes : « Ne doutez pas. Nos idées sont majoritaires ! Alors, bon sang, votez pour vos idées ! »
16:31
Il reste quinze jours : « Ne me laissez pas tout seul ! » Ça flotte. Il encourage à constituer des groupes d’action « même tout seul ! ». Il annonce le retour des « hologrammes qui me permettront d’être présent dans 11 villes »… Pour lui, « la victoire est à portée de main ».
16:36
C’est l’heure de conclure : « Je vais vous lire quelques vers. Robert Desnos. Qui nous parle de cette petite voix qui dit qu’on va gagner » : « Une voix qui vient de si loin, qu’elle ne fait plus tinter les oreilles. Une voix, comme un tambour, voilée. Elle ne parle que d’été et de printemps. Elle emplit le corps de joie. Elle allume aux lèvres le sourire. Ne l’entendez-vous pas ? Elle dit « La peine sera de courte durée ». Elle dit « La belle saison est proche. »… » Et bim, La Marseillaise !
De haut, en bas, illustré par Trax : Jean-Luc Mélenchon, député LFI de Marseille ; Alexis Corbière, député LFi de Seine-Saint-Denis ; Sophie de la Rochefoucauld, actrice et membre de l’Union populaire ; et à nouveau Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidentielle pour l’Union populaire.