RN, Zemmour : je t’haine, moi non plus…
Il est des absences qui se remarquent. Fin février, gros meeting à Marseille de Reconquête. Sans Zemmour mais avec, pour « grand-remplacer » le candidat à la présidentielle, deux transfuges du RN, l’avocat Gilbert Collard et le sénateur Stéphane Ravier (cf le Ravi n°204).
Or, ce jour-là, pas trace de Valérie Laupies ! Figure historique du FN de Tarascon, virée du RN car plus proche de Jean-Marie que de Marine, la directrice d’école fait pourtant figure, avec la famille Bompard, de précurseur puisqu’avec la liste Zou ! aux régionales, elle faisait partie de celles et ceux qui, les premiers, avaient appelé de leurs vœux une candidature de Zemmour. Las ! Dans le « mercato » à l’extrême droite, elle s’est fait doubler par son adversaire frontiste aux municipales, Jean-Guillaume Remise, qui vient de rejoindre… Reconquête. Un journaliste trompant son ennui au meeting ricane : « En politique, faut jamais avoir raison trop tôt. »
Si le retrait d’un Florian Philippot ou le maintien d’un Nicolas Dupont-Aignan relève de l’anecdote, l’apparition de Reconquête n’est pas sans conséquences. Et ce n’est pas comme si notre belle région n’était pas habituée à cet état de recomposition permanent de l’extrême droite : c’est à Vitrolles que Bruno Mégret, avec le MNR, avait établi sa base arrière et du côté d’Orange que le clan Bompard cultive, avec la Ligue du sud, une certaine autonomie. Tout en roulant désormais pour le « Z ».
Et que dire de l’ancrage dans le Vaucluse de Marion Maréchal qui préfère le polémiste à sa tante, dans la pure tradition des psychodrames de la famille Le Pen ? Mais, sur ces anciennes terres d’élection, à la fédération du RN, « on ne fait aucun commentaire sur Marion Maréchal ».
« Zemmour veut dépecer le RN »
Au Front, on hésite entre l’autruche et le dos rond. Le patron de la « fédé » des Bouches-du-Rhône Franck Allisio est toujours aussi peu joignable. Mais celui qui avait succédé à Ravier à ce poste, Emmanuel Fouquart, est plus disert. Notamment quand on lui parle du ralliement à Zemmour de plusieurs proches du sénateur marseillais (Laure Chevallier, Nathalie Chevillard mais aussi la nièce de Ravier, Sandrine D’Angio et son collègue Cédric Dudieuzère) : « C’est insignifiant. Et ça n’a aucun impact ! Au contraire. Suite au départ de Ravier, certains se sont rapprochés de nous. Et dans les sondages, Zemmour ne cesse de baisser alors que Marine est stable. Et pour un rapprochement, c’est tout vu ! L’ambition de Zemmour est claire : il veut dépecer le RN. »
De fait, le responsable régional de Reconquête (et ex-RN) Patrick Isnard assure que « d’autres ralliements vont arriver et on a bon espoir, notamment à la Région, d’avoir un groupe en tant que tel ! » Toutefois, l’arrivée du « dictateur nord-phocéen » [surnom de Stéphane Ravier] chez Zemmour ne se fait pas sans remous. Ainsi, l’attaché parlementaire de Ravier, Antoine Baudino vient de prendre la place de coordinateur départemental dans le « 13 », poste occupé jusque-là par l’ex-frontiste Jeanne Marti.
Contactée par le Ravi, c’est du bout des lèvres – et juste par SMS – qu’elle répondra, se contentant de souhaiter à l’ancien identitaire « autant de succès » que ses prédécesseurs. Isnard, lui, minimise : « Il est logique que Stéphane Ravier vienne avec une partie de son entourage. Jeanne Marti n’a pas été écartée. On lui a proposé de rester sur l’opérationnel et sur sa circonscription mais elle a préféré décliner l’offre. C’est comme avec les gens venant de LR. Il faut faire de la place. Et ce n’est pas simple. Mais, en général, les gens sont compréhensifs. Ils savent qu’il y aura d’autres échéances. Et des responsabilités à prendre au sein du parti… »
Ancienne du RN et jusque-là à Reconquête, l’ancienne élue régionale Élisabeth Philippe n’a pas hésité : « Même si j’étais là depuis le début, notamment avec les « Amis d’Eric Zemmour », quand j’ai vu arriver Ravier, j’ai immédiatement décidé de partir. Pas question de subir ce que l’on a déjà supporté avec lui au RN. » Et d’être très pessimiste pour les législatives : « On va se retrouver partout avec, face à face, des candidats du RN et de Reconquête. Ceux qui vont tirer leur épingle du jeu ? La gauche et Macron… »
Commentaire acerbe d’un « historique » de l’extrême droite : « Le jeu des chaises musicales continue. On l’a vu avec des anciens du RN qui, ne supportant pas les orientations de Marine Le Pen et de Louis Alliot, sont passés par le Parti de la France avant de rejoindre Reconquête. Ce sont eux, les militants historiques, qui sont désormais écartés au profit de ceux qui viennent de LR ou de la frange identitaire. On les appelle les “harkis”de Reconquête ! » Même pataquès dans le 06 autour des rumeurs relatives au ralliement à Zemmour de l’ancien identitaire Philippe Vardon…
Autant dire que le ralliement de Marion Maréchal suscite la méfiance. Grimace d’un « ancien » : « Si Marion a rallié Zemmour, c’est parce qu’elle sait qu’il lui prépare le terrain pour 2027. » Et un frontiste de railler : « Paraît qu’elle voudrait présenter des proches dans une cinquantaine de circonscriptions ? Parce que c’est le seuil à partir duquel il y a des aides de l’État pour faire campagne. Et c’est clair que, du côté du RN, jamais on ne lui accorderait autant de place. » Soupir d’Isnard : « Pour l’heure, on n’a investi personne. On est en pleine négociation. Et dans ces moments-là, tout le monde veut être calife à la place du calife. » Zemmour, Iznogoud, même combat ?