Les Marcheurs surveillent leur jambe droite

Dans un déluge de flashes, de « Gabriel ! Gabriel ! » et de sons technos, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal fend la foule en liesse de plus de 800 personnes (selon les organisateurs) pour se frayer un chemin vers la scène du Dock des Suds, à Marseille. Un quart d’heure plus tard, quand on appelle à monter sur scène les ex-LR Martine Vassal, Hubert Falco et Renaud Muselier, une petite moitié de la salle seulement résonne d’applaudissements polis. Le ralliement à Emmanuel Macron des dernières grandes figures de la droite de Paca est accueilli par les Marcheurs avec circonspection. Certes, il y avait eu la grande union dès le premier tour aux régionales, sous la houlette de Muselier, Falco et Estrosi. Mais avant aux municipales, LREM et LR avaient fait chemins séparés, les macronistes précipitant même la chute de Martine Vassal à Marseille en se maintenant au second tour dans son secteur. Et comme l’avait relaté mi-mars Le Canard Enchaîné, les macronistes « de gauche » avaient peu goûté de voir les ralliés de Paca truster les premières places pour accueillir Emmanuel Macron à sa première visite de son QG de campagne.
Le monde d’après
A la tribune, on est donc partagé entre volonté de regarder de l’avant, et rappel d’où on vient. La productrice de cinéma et de télévision Sabrina Roubache, dont le mari Jean-Philippe Agresti avait été tête de liste pour Martine Vassal aux dernières municipales, fait partie de la première équipe : « Je ne crois pas à l’ancien monde contre le nouveau monde. Je crois au monde d’après. Si on a les mêmes désirs pour son territoire, on peut travailler ensemble. Hubert, Renaud, Martine… Eux aussi ont besoin d’être largement applaudis. Le président a besoin de tout le monde pour gagner. » Bertrand Mas-Fraissinet, membre du bureau exécutif d’En Marche et élu aux régionales sur les listes de Renaud Muselier, penche vers la seconde équipe : « Si on doit rendre hommage à des élus ce soir, ce sont avant tout à nos députés ! », qui donc viennent de passer cinq ans à ferrailler contre… leurs homologues LR. Mais l’élu temporise : « Je suis le représentant de toute la majorité présidentielle. »
« On se connait par cœur »
« La majorité présidentielle dans sa grande diversité ! », sourit in petto un marcheur marseillais de la première heure, venu de la gauche. « Il y a clairement un sauve-qui-peut à droite quand ils voient dégringoler Pécresse. Est-ce que derrière ces grands élus il y a des militants qui arrivent avec, ça va se voir avec le temps. » Christophe Madrolle, président de l’Union des centristes et écologistes, candidat sur les listes LREM aux municipales puis sur celles de Renaud Muselier aux régionales, prend la chose avec philosophie : « Sur le terrain, je retrouve les vieilles équipes de Bruno Gilles [ex-LR, désormais membre du parti Horizons, composante de la majorité présidentielle] contre qui j’ai été aux municipales. Mais ça se passe bien, on arrive à oublier. Et puis on se connaît par cœur. »
Bourbon serré
Il faut dire qu’en Paca, LREM n’a pas attendu Vassal ou Falco pour rallier des soutiens extrêmement variés. Au micro, le maire de la Roque d’Anthéron Jean-Pierre Serrus en fait sans le vouloir la démonstration en égrenant les noms de tous les élus du coin qui ont parrainé Emmanuel Macron : François Bernardini, maire d’Istres, ex-PS, condamné pour détournement de fonds publics, Patrick de Carolis, maire d’Arles, divers-droite tendance dure, condamné pour favoritisme, Michel Amiel, maire des Pennes-Mirabeau, ancien guériniste au sein de Force du 13, Caroline Pozmentier, ancienne adjointe à la sécurité de Jean-Claude Gaudin… Le secrétaire général du Modem prend la suite à la tribune pour incarner, selon les journalistes politiques, « l’aile gauche » du macronisme.
Au vu du programme que défend le candidat Macron, la passerelle avec la droite de Paca, qui a de tous temps prôné une ligne dure sur le social et libérale sur l’économie, est toute tracée. Plus encore quand la majorité présidentielle permet à certains grands élus de se dépêtrer de leur propre incurie : « Si demain vos enfants vont avoir accès à de bons logements, à de bons transports, c’est parce qu’il y a eu un président qui a dit qu’il fallait faire quelque chose pour que cette métropole [d’Aix-Marseille] et ce département entrent dans le 21e siècle », ose Martine Vassal au micro. « Avec vous », comme disent les affiches du candidat-président ! Mais la bonne entente de façade risque de se fissurer dès le second tour clôturé. Quand on évoque les législatives, les Marcheurs lèvent les yeux au ciel en soupirant. En 2017, en effet, la République en marche a raflé plus de la moitié des sièges en Paca en envoyant au Palais Bourbon 22 députés sur 42. Dans les circonscriptions des sortants LREM, comment gérer les candidats LR, dont plusieurs vont être soutenus par les ex-barons LR fraîchement ralliés ? Entre la droite et les Marcheurs, ce sera « Avec vous », mais peut-être pas jusqu’au bout.