Qui perd gagne

Abstention à tous les étages
Un préalable à ne pas oublier qui relativise tous les chiffres qui suivent : l’abstention a battu un record pour une élection présidentielle. Il faut remonter en 1969, avec le match Pompidou-Poher, pour retrouver pareil niveau. 28,01 % en France au second tour, 27,51 % des inscrits en Paca, soit deux points de plus qu’en 2017. Et dans la région, parmi les électeurs qui se sont déplacés 5,84% ont voté blanc et 1,87 % nul. L’abstention culmine dans les Bouches-du-Rhône à 29,1 % avec des niveaux très élevés dans les quartiers populaires marseillais : 46,24 % dans le 2ème secteur (2 et 3ème arrondissements), 46,03 % dans le 8ème secteur (15 et 16ème), 40,18 % dans le 7ème secteur (13 et 14ème)… Au premier tour, malgré ou à cause d’un grand nombre de candidatures, l’abstention était à peine moins importante qu’au second en Paca : 26,19 %, soit deux points de plus qu’en 2017…
Facholand, le retour
En métropole, l’extrême droite a obtenu au premier tour ses meilleurs résultats en… Provence-Alpes-Côte d’Azur : 39,3 % en cumulant les suffrages de Le Pen et Zemmour. Au second tour, la candidate du RN bat ses records dans les Hauts-de-France (52,13%). Mais Paca (50,48 %), comme la Corse (58,08 %) sont les deux autres seules régions de France, sans compter l’Outre-Mer, a avoir élu « Marine » présidente de la République. La région est divisée en deux : le front Républicain a fonctionné dans les Hautes-Alpes, les Bouches-du-Rhône, et, de très peu, dans les Alpes-Maritimes (49,87 % pour Le Pen) ; l’extrême-droite triomphe dans le Var (55,10 %), le Vaucluse (52 %) et même les Alpes-de-Haute-Provence (51,45 %), terres longtemps restées hostiles au « F-haine ». Lorsqu’on zoome, la situation est plus contrastée. Nice, à l’image de son maire macroniste, Christian Estrosi (ex-LR), n’a donné à Le Pen « que » 44,61 % des suffrages. Toulon échappe à « Marine » de peu (49,57 % pour Le Pen). Dans le « 13 » deux villes « mélenchonistes » au premier tour ont voté Macron au 2ème : Marseille (59,84 %) et Arles (50,34 %). Tout comme Apt (53,46 %) et Avignon (62,31 %) dans le « 84 ». Aix-en-Provence, pro Macron dès le premier tour, le confirme également au second (67,40 %). Le RN cartonne partout ailleurs, y compris sur les dernières terres communistes comme à Martigues (59,93 % pour Le Pen).
Zemmour chez lui
A l’extrême droite, Eric Zemmour, le nouveau venu dans le paysage politique, réalise son meilleur score national en Paca (11,71 %), contre 7 % en France. Seule la Corse (12,80 %) fait mieux. Ou pire ! Zemmour atteint des sommets dans les Alpes-Maritimes (13,99 %), où Eric Ciotti (LR) n’a pas manqué de marteler son estime pour l’ex-chroniqueur de CNews, et dans le Var (13,25 %). A Marseille, grâce au soutien du sénateur (ex-RN) Stéphane Ravier, il obtient 10,77 %. Mais c’est dans les beaux quartiers phocéens, l’ex-fief de Jean-Claude Gaudin (LR), qu’il cartonne avec 14,35 % dans le 1er secteur (6ème et 8ème arrondissements).
L’effondrement de LR et du PS
Valérie Pécresse, la candidate de LR, parti pourtant jusqu’ici hégémonique en Paca, à la tête de toutes les institutions locales, du Conseil régional, des Conseils départementaux, des métropoles, des grandes municipalités, est balayée : 4,38 % au premier tour dans la région, seulement 3,5 % dans les Bouches-du-Rhône, son pire résultat. Le parti socialiste, qui a présidé durant 18 ans le Conseil régional, pointe à 1,11 % pour Anne Hidalgo. Et sa déroute est similaire à Marseille (1,17 %) ou à Avignon (1,49 %), malgré leurs maires socialistes, Benoit Payan et Cécile Helle. A gauche toujours, parmi les partis historiques, le PCF ne brille pas non plus : Fabien Roussel fait encore moins bien en Paca que son petit score national, 2,06 %. Et il atteint à peine 5,05 % à Martigues et 10,73 % à Port-de-Bouc, derniers fiefs communistes. Quand à l’écologiste Yannick Jadot, la région lui concède un médiocre 4,06 %…
Mélenchon sur le podium
C’est la surprise du premier tour. Déjouant les pronostics des sondeurs, l’Union populaire conduite par Jean-Luc Mélenchon, s’est hissée en troisième position avec 19,77 % des suffrages en Paca, deux points de moins que sa moyenne nationale mais un point de plus que son score en 2017. Il se hisse même en deuxième position dans les Bouches-du-Rhône (23,59 %) et dans les Alpes-de-Haute-Provence (22,61 %). Doublé de peu par Marine Le Pen à Marseille, il y cartonne dans sa circonscription (31,12 %) et plus encore dans les secteurs populaires : 53 % dans le 2ème, 49,09 % dans le 8ème, 37 % dans le 7ème… L’Insoumis arrive en tête à Arles (28,04 %) mais aussi, dans le Vaucluse, à Avignon (36,87 %), à Apt (26,27 %), ou dans les départements alpins à Digne-les-Bains (25,48 %) ou Briançon (27,58 %)…
3ème tour, Macron favori !
Par la magie d’un scrutin majoritaire à deux tours, les candidats qui seront investis par LREM, le parti du président, devraient mener très largement la course en tête aux législatives ! Macron n’a pourtant convaincu dans la région au 1er tour que 619 529 électeurs, soit 16,91 % des 3 663 891 personnes inscrites. Sur les 42 députés sortants, 23 sont affiliés à la majorité présidentielle, 15 à LR, 1 à l’extrême droite, 1 aux Insoumis, 1 au PCF et 1 aux radicaux de gauche. Qu’en sera-t-il en juin prochain ? Le RN, meurtri par la dissidence des pro Zemmour, sans réserve de voix, va peiner une fois de plus à emporter plus qu’une poignée de circonscriptions. Les marcheurs pourraient perdre de nombreuses plumes à Marseille et dans les villes où Mélenchon a cartonné, en faveur de la gauche si elle arrive à se fédérer, mais devraient imposer une fois encore partout ailleurs leur hégémonie avec le renfort des ex-cadres et des électeurs de la droite républicaine…