"Je ne comprends pas qu'il n'y ait pas eu de "warning"."
Que pensez-vous du bras de fer entre le gouvernement et le mouvement social au sujet des retraites ?
Il y a des tensions dans le pays. Le premier ministre a précisé son projet, après avoir discuté de longs mois avec les organisations syndicales. Il faut continuer à discuter. Quand une très grande majorité du pays ne comprend pas, demandons-nous ce qu’il est nécessaire de modifier de façon significative pour obtenir une adhésion supérieure.
Vous êtes cependant candidat de La République en Marche, le parti du président…
Vous avez bien vu que ce n’était pas une investiture de LREM mais un soutien.
Soutien, investiture, le distinguo est important pour vous ?
Très important. Je veux être société civile et surtout rassembler le maximum de citoyens au-delà des étiquettes et des logos.
Souhaitez-vous incarner une véritable alternative à Jean-Claude Gaudin et son bilan ?
Des sujets n’ont pas été correctement traités. Dans les classements des villes, on est en queue de peloton s’agissant de l’air : le sujet écologique n’a pas été pris au niveau où il aurait dû. Sur les écoles, qui me tiennent énormément à cœur, la réaction a été très tardive. Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas eu de warning. Il n’est pas possible de demander à des enfants qui vont devenir adultes de respecter la République si, à un moment donné, ils ont le sentiment qu’ils n’ont pas été eux-mêmes respectés.
La ville de Marseille souhaitait rénover 34 de ces écoles avec un partenariat public-privé. Et vous ?
Le partenariat public-privé a des avantages et des inconvénients. Il permet d’aller plus vite qu’avec des processus différents, mais souvent coûte cher, et fait travailler les grosses entreprises plutôt que les petites sur le territoire. Ceci étant, si je suis maire de Marseille, il y aura un audit financier, et un des choix qui ne se discutera pas, c’est celui du financement pour mettre en état les écoles. Et ce ne sera pas un PPP. On trouvera l’argent. Il faut aller le chercher, notamment, et c’est ce que j’ai fait à Aix-Marseille Université, à l’Europe.
Après les effondrements de la rue d’Aubagne et leurs 8 morts, après les milliers de délogés, comment comptez-vous répondre aux besoins de logements ?
L’habitat est une urgence. L’État est venu à plusieurs reprises, a décliné un plan qui doit être mis en œuvre. L’argent débloqué doit être utilisé en temps et en heure. Il y a de l’argent qui, malheureusement, n’a pas été utilisé assez rapidement…
Le Conseil régional a voulu nommer Xavier Cachard, propriétaire d’un des logements au 65 rue d’Aubagne qui s’est effondré, comme son représentant au conseil d’administration de l’université d’Aix-Marseille. Votre réaction ?
Ce n’est sans doute pas le meilleur choix qu’ait pu faire la Région.
Comment comptez-vous améliorer la transparence de la gouvernance municipale ?
Je suis nouveau dans le monde politique, mais j’ai exercé des fonctions importantes, qui m’ont appris des choses. D’abord à dialoguer avec les organisations syndicales. Trois à quatre fois par an, je les rencontrais toutes. Et tous les mois, j’envoyais une note pour que toute l’université soit informée de ce qui était fait et de ce qui se préparait. De la même manière, je pense que l’évaluation est très importante en ayant recours à des organes externes.
La chambre régionale est très sévère, entre autre, sur la gestion des 12 000 fonctionnaires de la mairie de Marseille. Comment rétablir avec eux de la confiance ?
Il y a une nécessité de mettre de réelles compétences là où il faut qu’elles soient. Et je suis convaincu qu’en donnant aux 12 000 employés de nouveau un sens à leur engagement, à leur métier, on va arriver à les remotiver.
Pourquoi vouloir donner plus d’importance aux maires de secteur ?
Ce n’est pas possible de traiter du bureau du maire, sur le Vieux Port, tous les sujets de proximité. Mon intention est d’avoir un contrat d’objectifs, qu’on définisse les moyens que doit avoir tel ou tel secteur, et qu’on mette des financements à disposition. Je compte voir tous les maires de secteur toutes les semaines, quelle que soit leur étiquette politique.
La station du métro Gèze a ouvert le 16 décembre avec cinq ans de retard. Que comptez-vous faire pour les transports ?
Avec les retards qu’a pris Marseille, il y a deux options : soit on se compare à d’autres villes, et on tente de les rattraper, soit au contraire on essaie d’être imaginatifs, de trouver d’autres solutions. C’est la deuxième solution qu’il faut prendre. Les Marseillais et Marseillaises doivent comprendre que si on veut améliorer la qualité de l’air, il faut se demander si tout le monde peut continuer à prendre sa voiture quand il veut, comme il veut et où il veut. Il y aura des vrais choix.
Que répondez-vous à ceux, nombreux, qui pensent que vous allez faire une candidature de témoignage, avant de vous rallier, au second tour, à Martine Vassal, la candidate LR ?
C’est un truc qui traîne, ça, c’est incroyable ! Je suis candidat, par définition contre d’autres candidats dont Martine Vassal, autrement la vie aurait été plus simple.
Mais au second tour ?
La question des alliances va se poser secteur par secteur. Et aujourd’hui, je ne sais pas. Si vous avez le Rassemblement national en premier, Martine Vassal en deuxième, en difficulté, je ferai comme Christophe Castaner a fait à la Région.
Il s’est retiré…
Absolument.
D’autres candidats sans étiquette se disent ouverts à des rapprochements, au-delà des critères partisans, comme Samia Ghali (ex-PS). Un dialogue est-il engagé ?
Moi aussi, je suis ouvert. Tout le monde est ouvert. Mais on ne me fait parler que de personnes, jamais de programmes.
Elle a présenté 152 propositions, parmi lesquelles, comme vous, la réhabilitation des écoles, un plan d’éradication du logement indigne, la transition écologique…
Les grandes têtes de chapitre, tout le monde va les avoir. Après, il faut regarder le contenu et la méthode, c’est ça qui pourrait faire la différence. Maintenant, sur tous ces sujets, bien évidemment, avec Samia, je ne peux pas dire que je suis en désaccord.
Bruno Gilles, ex-Les Républicains, candidat dissident, est lui aussi en campagne ainsi que Sébastien Barles et les écologistes…
Est-ce qu’il y a des compatibilités ou des incompatibilités, majeures ou pas ? Si on est d’accord avec un tel ou un tel, sur les programmes, sur les sujets majeurs, pourquoi pas !
Le Rassemblement national est-il pour vous l’adversaire principal ?
Je pense qu’il est surévalué. Il nous faut convaincre les citoyens. Ça va être ma démarche. Parler uniquement des autres sans préciser ce qu’on veut faire laisse une ambiguïté, on est négatif uniquement. Je veux proposer quelque chose pour la ville de Marseille.
Avant vous, Robert Vigouroux, lui aussi médecin, a été un maire de Marseille issu de la société civile, élu sur une liste non-partisane. Est-ce un modèle ?
Il a laissé, avec le recul, une bonne image parce qu’il a lancé beaucoup de projets. Il a été un homme excessivement intelligent et un brillant neurochirurgien. Alors oui, pourquoi pas !
Propos recueillis par Michel Gairaud, Rafi Hamal et mis en forme par Julie le Mest
Portrait
Il a fallu à Yvon Berland patienter longtemps dans la salle d’attente. Mais c’est fait ! Les instances parisiennes d’En Marche, sous l’œil attentif d’Emmanuel Macron, ont finalement tranché. Le bon remède pour soigner Marseille, la belle meurtrie, l’éternelle convalescente, ce serait donc lui.
Médecin, toujours en exercice à l’hôpital public de la Conception, sa spécialité c’est la néphrologie. Il combat les affections des reins. De quoi peut-être séduire les électeurs – souvent abstentionnistes – qui en ont plein le dos. Même s’il faudra leur expliquer que le « mal aux reins » n’a rien à voir avec le dos. Comprenne qui peut !Mais revenons à nos moutons. Et à nos élections.
Soutenu par le parti du président, Yvon Berland n’en est pas adhérent. Et, alors que, d’ici les municipales, en mars prochain, il aura fêté son 69ème anniversaire, il n’a jamais été membre d’un parti politique ni candidat à la moindre élection politique. Pourtant l’exercice du pouvoir il connait. D’abord comme directeur de services hospitaliers à Sainte-Marguerite puis à la Conception. Ensuite, en temps que professeur des universités.
Jeune doyen, à 47 ans, de la fac de médecine de Marseille, il a, plus tard, préparé la fusion de trois universités de la métropole marseillaise. Et il a, dès la création en 2012 de ce nouveau mastodonte, présidé l’AMU, Aix-Marseille Université, autoproclamé première université francophone avec ses 8000 salariés et ses 78 000 étudiants.
Réputé proche de Valérie Pécresse, alors ministre de Nicolas Sarkozy, sa volonté de batailler pour vendre la marque « AMU » sur le marché mondial de l’éducation, n’a pas fait que des heureux parmi les défenseurs du service public. Et si tous le reconnaissent comme un « gros bosseur », il a aussi laissé le souvenir, chez certains syndicalistes, d’un homme parfois autoritaire.
Il préfère rappeler son goût pour le foot : lycéen, gardien de but, il aurait même pu prendre le chemin d’une carrière professionnelle. Le voilà finalement lancé dans le mercato électoral pour devenir maire de Marseille. De meetings en marathon médiatiques, de marchés en réunion, à deux mois de l’échéance, la pression va vite monter.
Au docteur de convaincre que, face aux urgences, sa prescription est bien la bonne. Et ne sera pas une nouvelle potion amère.
M. G.