Police partout
C’est bien la peine de vouloir multiplier les caméras de vidéosurveillance comme d’autres les petits pains. Pourtant, pas plus à Marseille, après la mort de Zineb Redouane le 2 décembre 2018 des suites d’un tir de grenade lacrymogène par la police, qu’à Nice lors des attentats du 14 juillet 2016, elles n’ont été utiles. Que ce soit pour aider à l’enquête ou pour prévenir l’attaque.
Les municipales vont pourtant relancer la mode des caméras, même si aujourd’hui, en matière sécuritaire, la dernière tendance semble être de promettre la hausse des effectifs des polices municipales. A Marseille, Martine Vassal, la candidate LR et la présidente de la métropole et du Département, s’engage à faire bondir le nombre de policiers municipaux de 400 à 1500 sur la prochaine mandature. « Le virage sécuritaire aux municipales s’opère au niveau national en 2001, sous l’impulsion de la droite, rappelle le sociologue Laurent Mucchielli, spécialiste des questions de sécurité. Avec l’élection de Sarkozy en 2007, c’est encore plus facile d’appuyer parce qu’il finance la vidéosurveillance. Ne reste plus qu’à faire bouger les choses sur la police municipale, d’abord son principe, puis son armement. Ce qui s’est accéléré après les attentats de 2015. » Et de souligner : « Le discours officiel insiste sur la complémentarité entre police nationale et municipale, mais quand il y a armement, travail de nuit et le weekend, on est dans la substitution. » Résultat, alors que la sécurité publique n’est pas une compétence communale, le thème est devenu central dans les élections municipales.
Salades niçoises
Le totem de ce virage sécuritaire, en Paca comme au niveau national, est l’inénarrable Christian Estrosi, le maire LR de Nice. Depuis sa première élection en 2008, le nombre de caméras de vidéosurveillance a été multiplié par plus de dix, passant de 250 à 2 666 et la police municipale a atteint 550 agents, plus qu’à Marseille ! Désormais, le « bébé Médecin » élargit ses prérogatives (transports en commun, écoles) et appui sur l’innovation. Il a lancé l’application « Reporty » de dénonciation de délits et expérimenté la reconnaissance faciale. Deux initiatives qui ont fait s’étouffer la Cnil (commission nationale informatique et liberté), qui les a retoquées.
Cette surenchère sécuritaire, n’est pourtant plus suffisante face au RN. A l’image du sénateur d’extrême droite Stéphane Ravier, lors de la visite d’une copropriété dégradée en partie squattée des 13e et 14e arrondissement de Marseille, beaucoup de LR font désormais l’amalgame entre délinquance et immigration. C’était par exemple le cas de Martine Vassal lors de son meeting de lancement de campagne, début juillet. « C’est moins consensuel à droite, mais c’est quand même une tendance [notamment] chez les sarkozystes, pour qui résister au FN nécessite d’aller sur ses thèmes », reconnaît Laurent Mucchielli.
« Pour résister au FN, on va sur ses thèmes »
Dans une région qui a basculé à droite dès la années 90, et qui flirte de plus en plus avec l’extrême-droite, difficile alors pour la gauche d’exister. A Nice, Xavier Garcia, le secrétaire fédéral du PS 06, préfère donc taper sur les résultats d’Estrosi plutôt que sur sa politique. « Je ne suis pas contre une politique volontariste en matière de sécurité, mais c’est sa façon de s’en saisir qui me gêne. Il y a beaucoup de com. et peu d’efficience », juge le socialiste. Lui, même s’il ne se présente pas, prône non une rupture mais « une nouvelle réflexion, plus de cohérence » et une politique qui mêle « la répression et la prévention » : « Je suis rocardien et je crois en l’intelligence et en une bonne explication. »
Angélique
Un discours qui est finalement assez partagé dans son camp. Y compris chez les écolos. Ancien vice-président EELV de la région, le Toulonnais Philippe Chesneau ne dis pas autre chose. « A gauche on parle d’insécurité sociale, environnementale, etc., mais on est un peu à la ramasse sur la sécurité urbaine. On a été angélique en privilégiant l’éducation et la prévention sur la dissuasion et la répression », rappelle cet ancien prof investi dans la campagne toulonnaise. Avant d’insister… sur les deux premiers piliers et de parler « police de proximité », « médiateurs de nuit », « maison de la justice et du droit », « conseils citoyens ». En résumé, appuyer « sur ce que peuvent faire les pouvoirs publics au niveau municipal » et « les habitants ».
Un « en même temps » qui ne déplairait pas du côté de la République en marche. Mais au même titre que ses soutiens aux municipales, la philosophie du parti présidentiel en matière de sécurité publique est fonction des territoires. A Marseille, le député des quartiers Nord Saïd Ahamada passerait presque pour un dangereux gauchiste. S’il défend un dispositif police-justice-éducation nationale pour lutter contre les trafics de drogue, l’ancien du modem et d’EELV plaide surtout pour une « ville apaisée » (environnement, espaces publics…) et un retour du droit commun et des politiques publiques dans les quartiers populaires. Pour lui, « il faut baisser la pression sur les quartiers. Renforcer les moyens de la police, c’est presque un aveu d’échec ».
C’est surtout peu efficace et très coûteux. Selon les données du gouvernement (Ville-data.com), en 2019 Nice est toujours dans le top 10 des villes les plus dangereuses de France malgré un budget sécurité qui a encore bondit de 65,5 à 76,8 millions d’euros entre 2018 et 2020 (selon les prévisionnels de la ville de Nice). Au niveau du budget de la culture qui, lui, a perdu plus de 3,5 millions d’euros en trois ans.