Municipales suspendues : trois villes à enjeu dans le Vaucluse
A Avignon, Cécile Helle bien assise sur son trône
Élue socialiste en 2014, Cécile Helle (1) est repartie pour les municipales en 2020, sous l’étiquette « divers gauche » cette fois, avec une liste largement remodelée. Et au soir du premier tour, le 15 mars dernier, elle a réussi son pari en raflant près de 35 % des voix. Avec tout de même 62 % d’abstention (contre 35 % en 2014). Le RN, emmené par Anne-Sophie Rigault, arrive en deuxième position (21 %) suivi par la liste écologiste conduite par Jean-Pierre Cervantès, un ancien adjoint au maire. La droite se maintient tout juste (11 %), tandis qu’En marche ! Et Les Insoumis s’effondrent (6 et 5 %).
L’incertitude plane toujours sur la date de la tenue d’un second tour, voire sur l’annulation du premier tour en cas de report à l’automne. Mais pour l’écolo Jean-Pierre Cervantès : « Les gens n’auront pas la tête à aller voter pour un second tour en juin, ce serait incohérent. » Son objectif est de créer un rapport de force avec le maire dans l’hypothèse d’un second tour : « Elle prendrait un risque de ne pas s’allier avec nous au deuxième tour, elle a besoin de nous. Nous avons eu un contact plutôt positif avec elle le soir du premier tour… Mais une alliance ne pourra pas se faire sans accord programmatique notamment sur le projet de l’île de la Barthelasse qui prévoit l’abattage de 7 000 arbres. »
À l’instar du candidat écologiste, Farid Faryssy, la tête de liste de la France insoumise, estime que la maire en place « fait campagne sur le dos de la pandémie, personnalise sa communication, ce n’est pas à mettre à son crédit ». Déçu du score de sa liste (5,37 %), il met en avant l’abstention massive dans certains bureaux de vote des quartiers populaires. Mais il sera remboursé. Les Insoumis visent un groupe d’opposition à la mairie « pour peser ». Même si les thèmes de campagne peuvent parfois se rapprocher des écologistes, et dans une moindre mesure de la maire sortante, les rapprochements pour une future élection leurs semblent impossibles : « Notre projet va dans le sens de ce que nous enseigne cette crise : la biodiversité en danger sur l’île de la Barthelasse, la fermeture de l’aéroport dans lequel la Région veut investir… des projets soutenus par Cécile Helle. Et les écologistes sont des libéraux : un ancien responsable local du Medef sur la liste, la volonté de faire « du centre-ville un centre commercial à ciel ouvert…« C’est incompatible. » La gauche s’écharpe mais a tout de même toutes les chances de l’emporter.
1. Sollicitée, Cécile Helle n’a pas souhaité répondre à nos questions.
C. C.
Carpentras, LR et RN en chien de faïence
« Il est très délicat de tirer un enseignement du premier tour, personne ne s’y retrouve ! » Avec un record d’abstention (61 %), difficile en effet d’analyser la victoire au premier tour du maire sortant PS Serge Andrieu (35,85 %). Mais le général à la retraite Bertrand de la Chesnais a perdu son pari : passer en tête au premier tour avec sa liste « d’union des droites » qui inclut quelques membres du Rassemblement national (RN). Avec 30 %, il fait tout de même beaucoup mieux que son concurrent soutenu par Les Républicains (LR), Claude Melquior (17,39 %). « Melquior refuse l’union des droites avec le RN. Il croit représenter quelque chose mais cela fait longtemps que LR ne pèse plus, tacle le général. On ne peut faire une large union sans le RN. Il fait le jeu d’Andrieu… »
« C’est clair depuis le début, l’union des droites c’est sans le RN, je n’ai pas changé d’avis. Le RN c’est l’extrême droite, pas la droite extrême, lui répond le candidat de droite, Claude Melquior. Notre score ne résume pas l’adhésion de la campagne. L’abstention nous a coûté : la gauche est arrivée première dans certains bureaux de vote où la droite arrive normalement en tête. » Grâce à ces dissidences, la gauche est bien repartie pour garder la mairie, dans une ville sociologiquement de droite.
Mais comment refaire campagne dans plusieurs mois, comme cela se profile ? « Si on maintient le premier tour, la campagne sera rapide, on remobilisera nos troupes, pense Bertrand de la Chesnais. Si on repart pour une longue campagne, ce ne sera pas pareil. La pauvreté à Carpentras va encore s’alourdir et il faudra se concentrer sur quelques thèmes simples. » Pour Melquior, « notre stratégie est établie mais on va travailler de manière différente : mobiliser davantage sur l’abstention, savoir si le virus est seul responsable ou s’il y a un vrai dégoût de la politique. Faire campagne également auprès des personnes âgées : 40% des habitants sont retraités. » Les vieux… la clé de la politique.
C. C.
À Bollène, les fachos talonnés
Le 15 mars au soir, trois voix seulement séparaient la maire sortante Marie-Claude Bompard (la femme de Jacques Bompard, maire d’Orange et à la tête du microparti d’extrême droite la Ligue du sud) de l’ancien socialiste Anthony Zilio, tête de liste divers gauche et président de l’intercommunalité, la CCPRO (44,74 % contre 44,68 %). Pour le candidat communiste Daniel Barrière, arrivé en troisième position avec 10 % des voix (il n’y avait pas d’autres candidats), « 2 000 votants de moins se sont déplacés par rapport à 2014. Je pense que c’est plutôt l’électorat de Marie-Claude Bompard, qui a peur de tout. Sans le coronavirus, elle aurait été élue au premier tour. »
Peut-on imaginer une alliance lors du prochain scrutin pour se débarrasser de la maire, élue en 2008 ? « Éjecter Bompard, ok. Mais ce n’est pas un objectif en soi, il faut proposer quelque chose, estime Daniel Barrière. On a essayé de s’allier mais Antony Zilio a mis les gens avant le programme et n’a jamais voulu se positionner à gauche. Il a essayé de racler des voix à droite mais mon analyse c’est que cela n’a pas marché. Même s’il est officiellement sans étiquette, il est ″Macron compatible″. Est-ce qu’il changera ? »
Le jeune élu de 34 ans confirme : « Je ne me rapprocherai pas des communistes, sinon nous perdons l’électorat de droite. Ma liste est celle du rassemblement : il y a des LR, des soutiens du Président, d’autres qui le détestent et même des communistes. J’ai tendu la main par le passé. Mais nous avons créé la surprise, nous faisons jeu égal, les Bollénois ont montré qu’ils souhaitaient du renouveau. » Mais il ne s’étend pas sur les élections : « Ce n’est pas ma priorité et les gens n’ont pas la tête à cela. Je suis très occupé avec la CCPRO à gérer la crise, organiser le portage des repas, l’aide aux entreprises, etc. » Il met en avant sa gestion de crise avec notamment la mise en place d’un centre ambulatoire Covid à Bollène, « le seul du département ». La campagne par l’action. À la seule différence que son adversaire, Marie-Claude Bompard « est confinée à Orange. On ne la voit jamais ! » A-t-elle seulement besoin de faire campagne dans ce territoire acquis à l’extrême droite depuis des années ?
En illustration, par Trax, Marie-Claude Bompard, maire d’extrême droite de Bollène (84)
C. C.