Prime de campagne

La candidate, le professeur et les photographes. La première sortie publique de la présidente de la Métropole Aix-Marseille et du département des Bouches-du-Rhône Martine Vassal, candidate Les Républicains (LR) à la mairie et héritière du gaudinisme, s’est faite dans le bureau du plus célèbre des professeurs, Didier Raoult, chez lequel elle a été soignée du Covid-19 avec la fameuse chloroquine. Elle, comme d’autres élus locaux de droite (Christian Estrosi, Renaud Muselier, Valérie Boyer…), n’a pas hésité à prendre parti pour le scientifique qui dispose d’une popularité hors norme dans la région. La candidate marseillaise a également fait de la « protection des Marseillais » son axe de campagne pour le deuxième tour de l’élection malgré une gestion de crise plus que hasardeuse par Jean-Claude Gaudin.
Au front pour gérer l’épidémie du Covid-19, les maires sortants se sont retroussé les manches pour faire face. Et si certains d’entre eux n’ont pas spécialement cherché la lumière, d’autres en ont aussi profité pour rassurer et faire campagne. « Les premiers magistrats ont des compétences très larges et ils ont été obligés de se saisir de la question car ils sont les relais locaux de l’État, à travers les préfectures. Leur rôle en a fait des acteurs de premier plan pendant le confinement, rappelle Philippe Aldrin, maître de conférences en science politique et directeur de l’unité de recherches à Sciences Po Aix. Maintenant, il est vrai que certains ont fait un peu de zèle pour tirer la couverture médiatique sur eux. Certains de leurs adversaires en ont aussi profité pour critiquer leur manière de faire. C’est difficile de dissocier ces deux aspects et, finalement, ce n’est que de la politique ! »
Vidéos et chocolats
À Briançon, le maire Gérard Fromm, élu en 2008 sous l’étiquette socialiste, connaît cette année une dissidence. Son ancienne adjointe et binôme au conseil départemental s’est présenté face à lui avec le soutien des partis de gauche : « Nous ne voulions plus de sa manière de faire, peu démocratique », explique Aurélie Poyau, la tête de liste. Avec vingt voix d’écart au premier tour, le maire a finalement décidé de s’allier avec Romain Gryzka, un candidat… venu de la droite et contre qui il a été élu ! « Gérard Fromm, qui a refusé de nous associer avec d’autres élus pendant la crise, s’est rapproché de Gryzka pour s’afficher ensemble avec les masques etc., poursuit l’élue. Ils ont clairement fait campagne avec l’argent public et cela a servi la stratégie du maire. » Depuis, elle et ses soutiens à la mairie ont perdu leur délégation…
À Trets, près d’Aix-en-Provence, le maire Jean-Claude Féraud (LR), dans le viseur de la justice (1), est arrivé en troisième position le soir du premier tour. Il n’a donc pas lésiné : « Il a fait distribuer des chocolats à Pâques, avec un petit mot personnalisé, aux personnes âgées. Il ne l’avait jamais fait en 12 ans ! », s’indigne Stéphanie Fayolle, opposante et candidate Europe-Ecologie les Verts. Vidéos hebdomadaires, tel un youtubeur, sur Facebook, mise en scène lors de distributions de colis alimentaires… Sa police municipale a également fait annuler pendant le confinement la distribution, sur un parking, de masques obtenus par Pascal Chauvin, le candidat divers droite arrivé en tête, auprès de son employeur ST Microelectronics. S’il n’était pas présent sur place, deux de ses colistières ont été verbalisées…
À Bollène, les deux candidats arrivés en tête ont la particularité d’être tous deux des sortants : Anthony Zilio, président de l’intercommunalité, à la tête d’une liste de centre droit, est arrivé derrière la maire d’extrême droite Marie-Claude Bompard (Ligue du sud) pour trois voix d’écart, devant le candidat communiste Daniel Barrière (10,58 %), qui s’est retiré pour le second tour. « Nous étions clairement en difficulté pendant ce confinement puisque pendant que les deux sortants s’activaient, faisaient preuve de bienveillance avec les Bollénois, nous devions rester chez nous », regrette le communiste, invoquant une rupture d’égalité devant l’élection.
Maman protectrice
Avant l’annonce de la tenue du second tour des élections le 28 juin, des élus de toute la France ont signé une tribune pour la tenue le plus tôt possible du scrutin. Parmi eux, la maire socialiste d’Avignon, Cécile Helle. « Signer la même pétition qu’Estrosi pour une soi-disant élue de gauche ! Et puis à l’époque on ne savait pas si c’était très responsable, s’étonne Farid Faryssy, candidat de la France Insoumise, éliminé au premier tour. Elle s’est tue pendant le début du confinement, elle préparait en fait sa communication. Elle s’est mise en scène, comme la protectrice, la maman. Elle a même fait faire des quatre par trois avec un petit mot du maire… »
Chacun sa gestion de crise selon son prisme politique. À Nice, Christian Estrosi (LR), pratiquement déjà élu, a fait du… Estrosi : port du masque obligatoire (retoqué par la justice), drones, couvre-feu… Mais le communiste Robert Injey, fidèle opposant au maire, reconnaît que « même s’il a suivi les méthodes chinoises, il faut avouer que la gestion de crise il sait faire. Certains maires de gauche m’ont même appelé pour savoir comment il faisait ! » Une ébauche du monde d’après !