La désunion fait la faiblesse
Y aura-t-il seulement un second tour à Nice ? Voilà finalement le suspens principal du scrutin de mars prochain après la défection d’Éric Ciotti, le meilleur ennemi du maire sortant Les Républicains Christian Estrosi. Face au « motodidacte », la force de frappe du Rassemblement national emmené par l’ex identitaire Philippe Vardon semble limitée. Officieusement acquis à la cause d’Estrosi, En Marche ! et son candidat, le député Cédric Roussel, ne jouera a priori pas un rôle déterminant dans l’équation. Reste la gauche, qui ne pèse pas beaucoup plus de 20 % dans cette ville historique de droite.
Sauf qu’elle partira une fois encore désunie. En 2014, socialistes, écolos et radicaux avaient trouvé un accord, emmené par le « Poulidor » niçois, le très centriste Patrick Allemand, raflant 5 sièges. Tandis que les communistes, emmenés par Robert « Bob » Injey, échouaient dès le premier tour. En pleine « crise des étiquettes », une tentative d’union plus large a bien été tentée cette année. Mais les inimitiés et les stratégies de chaque camp en ont eu raison.
D’abord parce que les socialistes locaux ont constitué un repoussoir pour les autres formations de gauche : « Lorsqu’on a entamé les discussions et débattu du périmètre de ce rassemblement, une incompatibilité est apparue, explique Robert Injey. Patrick Allemand a appelé à voter Macron au 1er tour en 2017 et l’autre personnalité du PS, Xavier Garcia, était Vallsiste… » Patrick Allemand sera finalement tête de liste « d’une plateforme citoyenne soutenue par le PS et un tissu associatif. Une démarche qui a quatre ans », souligne-t-il. Face à cela, le groupe local Europe écologie – les verts (EELV), suivant la stratégie nationale autonomiste, en a profité pour s’allier avec Génération écologie et surtout l’Alliance écologique indépendante, représentée localement par son vice-président national, Jean-Michel Governatori, qui sera tête de liste.
Un sulfureux écologiste
Un personnage iconoclaste et sulfureux, souvent classé à droite. Son pedigree serait long à décrire, mais cet ancien chef d’entreprise fortuné, référent « vegan » lors des dernières élections européennes pour EELV, est à l’origine d’une myriade de partis politiques, s’est battu juridiquement avec… EELV pour la propriété de cette « marque », a poussé Brigitte Bardot, déjà proche de l’extrême droite, à se présenter à l’élection présidentielle en 2012…
Il confirme au Ravi qu’il a payé de sa poche un sondage commandé à Opinionway 10 000 euros. Publié en octobre, il est crédité de 13% des voix. « C’est peu ! Les prochains seront plus hauts, je dispose d’une grande légitimité auprès des Niçois. L’objectif c’est 20 % au 1er tour et 40 % au second pour l’emporter », pérore-t-il. L’autonomie avec Governatori n’a pas fait l’unanimité : « Certains ont grincé des dents, c’est vrai mais j’assume, confie Juliette Chesnel, la référente EELV locale. C’est une personnalité à part avec un mode de fonctionnement différent. Et il attire la sympathie de gilets jaunes, d’habitants des quartiers… »
Isolée, la « gauche alternative » vient de présenter « un large rassemblement » agrégeant Parti communiste, la France Insoumise, GénérationS, Ensemble et des militants associatifs. Nom de code : Viva !. Si le deuxième de cette liste sera probablement le communiste Robert Injey, c’est l’avocate très investie, notamment dans la défense des réfugiés, Mireille Damiano, qui a pris les rênes du mouvement. « Le programme sera co-construit avec les citoyens lors d’assemblées populaires. C’est ambitieux mais le seul moyen de faire émerger une démocratie réelle », estime-t-elle.
« Ce qui est important c’est la dynamique qu’on va mettre en place, pas les sièges à la mairie, assure Mireille Damiano. Bien sûr que c’est important pour s’opposer mais il faut renouer avec la confiance, donner envie aux gens qui ne votent pas ou plus, notre ambition est forte. » Pour Robert Injey, il est important de porter une voix importante face à Estrosi « pour empêcher que le pire se fasse. Il y a 15/20 ans, parler du logement social, de la gratuité des transports ou encore de la pollution de l’air, c’était impossible. C’est maintenant acté grâce à notre combat ». Il n’est par contre pas d’actualité d’avoir des listes Viva ! sur les 49 communes de la métropole, acquises pour la plupart à Christian Estrosi. Et c’est là que se concentre réellement le pouvoir. En attendant, Estrosi inaugure une rue à la gloire de feu Jacques Médecin, ancien maire de la ville corrompu et xénophobe. Show must go on.