La gratuité transporte les municipales
Il veut créer un « électrochoc » à Avignon (84), « un changement de mentalité ». Jean-Pierre Cervantès, tête de liste des écologistes à Avignon, a fait de la gratuité des transports en commun l’un de ses axes principaux. « Ce n’est pas une mesure sociale, il existe déjà différents tarifs pour certains seuils de revenus. Ici, les transports sont sous-utilisés, le but c’est de les remplir », explique-t-il. Entrée en campagne récemment, la liste Insoumis/NPA propose également cette gratuité.
Selon le candidat EELV, la part des déplacements effectués en transports en commun est de 5 % sur la ville, qui dispose depuis peu d’un tramway. À Aubagne (13), ville de taille comparable, la gratuité a été installée en 2009 par la gauche (et n’a pas été remise en cause depuis par la droite au pouvoir). En 10 ans, la fréquentation a augmenté de 230 % et a doublé la première année.
La question centrale demeure le financement. « Les transports ne sont jamais gratuits, il y a toujours quelqu’un qui paie, et c’est souvent le contribuable, souligne Philippe Cretin, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) en Paca. Notre crainte avec la gratuité, c’est qu’il n’y ait plus de moyens ni pour entretenir le réseau ni investir. » À Avignon, la billetterie représente 15 % des dépenses de transports, le reste étant pris en charge par le versement transport (VT), une taxe sur les entreprises. « On fera des économies car il n’y aura plus d’agences ni de contrôleurs et on ne versera plus de dividendes au délégataire, prévoit Jean-Pierre Cervantès. Il restera environ 2,5 millions d’euros à financer, à peine 1 % du budget du Grand Avignon. »
« Il y a toujours quelqu’un qui paie »
« La gratuité n’est pas forcément la bonne solution partout, nuance-t-il. Quand le réseau est déjà saturé comme il l’est dans les grandes villes, cela ne peut pas fonctionner. » Et puis faut-il encore pouvoir l’appliquer en prenant le contrôle de l’intercommunalité, qui gère la compétence. Mais à Nice (06), la liste Viva ! qui rassemble la gauche de la gauche, propose également cette mesure dans le but de « donner du pouvoir d’achat, d’éviter toute discrimination entre la ville et les quartiers périphériques et de faire reculer l’usage de la voiture » (1) dans la 5ème ville la plus embouteillée de France selon le fabricant de GPS TomTom.
Pour Philippe Cretin de la FNAUT, « il n’est pas démontré que la gratuité fasse baisser le nombre de voitures en circulation. Les gens qui ont des sous prendront toujours leur bagnole ! ». Un rapport du Sénat publié en septembre dernier a conclu à un impact faible sur le trafic automobile et la baisse de la pollution : la gratuité attirerait surtout les piétons et les cyclistes. Ce qui reste à vérifier dans une région où règne la bagnole ou des villes largement sous dotées comme à Marseille.
À Nice en tout cas, le maire Christian Estrosi ne veut pas en entendre parler. Lors d’un colloque organisé en juin dans sa ville, il insistait sur « la forme de populisme » que soulevait le débat en arguant qu’à Nice, la mesure profiterait surtout aux touristes… Il ne s’est pas gêné en tout cas de faire du transport et de l’inauguration de deux nouvelles lignes de tramway une belle vitrine pour sa campagne électorale.
À Toulon (83), la gratuité n’est pas au programme. Le débat s’articule plutôt autour du tramway, devenu un mirage. Voté en 2005, il n’est toujours pas sorti de terre. Le maire de Toulon et de la métropole, le Républicain Hubert Falco, préférant finalement un bus à haut niveau de service (BHNS) toujours au garage, est le seul candidat à ne pas promettre de tramway sur l’agglomération. « Hubert Falco a pris cela personnellement, en a fait de la politique politicienne, explique Valentin Gies, président de l’association Toulon @venir, qui suit ce dossier assidûment. Il ne veut pas avouer qu’il a tort car le problème n’est pas politique. Toulon aurait besoin d’un débit de 60 000 personnes par heure alors que le BHNS n’en apporterait que 45 000, largement insuffisant. Le dossier s’arrête là. En attendant, les Toulonnais vivent dans les embouteillages. »
À Marseille, des militants associatifs ont interpellé les candidats le mois dernier, du haut des escaliers de la gare Saint Charles, sur la pollution chronique de la ville, classée 12ème sur 12 des grandes agglomérations en matière de lutte contre la pollution par le Réseau action climat, et 2ème ville la plus embouteillée du pays. Sous équipée, avec « 30 ans de retard » comme sur d’autres sujets, la thématique est paradoxalement peu évoquée dans une campagne jusqu’ici très politicienne. Le candidat écologiste Sébastien Barles milite pour un « RER métropolitain » sans évoquer pour le moment ses pistes de financement. Martine Vassal (LR), présidente de la métropole et du département, souhaite développer le vélo et utiliser des « triporteurs électriques » pour les livraisons en centre-ville… Ce qui se fait déjà.
La priorité pour la FNAUT est de régler le problème de la liaison Aix-Marseille, aujourd’hui largement effectuée en bus et ouvrir un « tram train » qui partirait d’Aix jusqu’à Rognac pour un débranchement en épi vers l’aéroport de Marignane, la gare TGV et les Milles pour ses bureaux. Une métropole où une station de métro – Capitaine Gèze, qui prolonge le réseau vers le nord – a ouvert ses portes avec cinq ans de retard. Le temps de voir venir, donc.