Le Collectif jeunes relève toujours le challenge
Devant le stade Hamada Jambay de la Busserine, un candidat aux municipales discute avec trois jeunes : « Vous connaissez pas la politique, mais personne ne vous explique, aussi… » Mehdi, 23 ans, sourit en aparté : « C’est vrai, sauf au moment de voter. Là, tout le monde vient nous expliquer. » Il fait partie du Collectif jeunes de cette cité du 14e arrondissement de Marseille. 3000 habitants, plus de 50 % d’abstention dans un secteur tenu par l’extrême-droite (Rassemblement national) : à l’approche des élections, le quartier fait l’objet de nouvelles attentions. Quand des parents en colère se rassemblent à cause de l’infestation de l’école par des souris, le 7 février au matin, quatre têtes de liste sont là…
Dans cette ambiance, l’Agora, le centre social du quartier, a organisé une opération déminage : un Conseil des jeunes consacré aux élections. Ils sont une cinquantaine à être venus débattre sous forme de théâtre-forum. Tableaux grinçants : dans le premier, une élue balade un groupe de jeunes venus présenter un projet, à coups de « wesh la zone » et « appelez-moi quand vous faites quelque chose, on prend des selfies et je les mets sur Facebook ! » Coup de théâtre, lors du débat qui suit : l’histoire est vraiment arrivée au Collectif jeunes, avec une élue dont le nom n’est pas cité… « Là on parle de …, ou … ? » chuchote une jeune fille aux longues tresses à son voisin, dans le fond de la salle.
Campagne en sous-main
Dans ce secteur longtemps marqué par le clientélisme, la campagne en sous-main d’influence et de réseaux se perçoit assez vite à côté des classiques tractages, porte à porte, affichages. « L’ambiance est un peu hypocrite, tout le monde veut plaire, promet des choses. Et après rien ne change. C’est ça qui décourage les gens », décrit Océane, 20 ans. Elle a décidé pour cette élection de lire tous les programmes, « je ne voterai pas pour la personne à la mode, mais celle que je veux », et a des attentes sur la jeunesse, l’écologie, le travail. Les candidats ? « J’entends des noms, j’ai vu Martine Vassal affichée partout, ici on parle aussi de Samia Ghali. »
En 2017, le Collectif jeunes a organisé un Challenge citoyen, pour pousser les habitants à s’inscrire sur les listes électorales. Toujours convaincus par le vote, ils ont cette fois décidé de privilégier l’animation du quartier. Avant, « il y avait toujours quelque chose à faire, les gens des autres quartiers venaient », explique Saïd, 21 ans. Puis en 2013-2014, des travaux de rénovation urbaine et de construction de la rocade L2 ont rendu les espaces publics impraticables. Et il y a eu les règlements de compte et leur médiatisation. Dans ce contexte, c’est surtout par les difficultés de l’espace culturel du quartier, en conflit avec la mairie, qu’ils ont perçu l’élection du Rassemblement national. « Ravier, moi, je l’ai pas senti », résume Mohamed, 22 ans, cheville ouvrière du collectif.
L’urgence pour lui, comme pour les parents inquiets de l’état de l’école, les éducateurs de foot bénévoles dont il fait partie, jusqu’aux gérants de snack pro-Martine Vassal, c’est les plus jeunes, leur avenir et la façon de les faire échapper aux tentations. « Moi je parle aux plus jeunes comme à des égaux, poursuit Mohamed. Tu comprends très tôt à cet âge qui te veut du bien et qui te veut du mal. » Il y a des comportements qui ne trompent pas, développe-t-il, pour savoir qui respecte vraiment les jeunes, et qui les utilise. Une leçon, somme toute, très applicable aux politiques.