Le rassemblement... à la Le Pen
Quand c’est flou, y a un loup ! Et quand le sénateur RN marseillais Stéphane Ravier découvre dans La Provence son visage flouté pour la messe du 15 août, il voit rouge. Mais pour les municipales, malgré le beau score des européennes, c’est aussi le brouillard dans les rangs de l’extrême droite en Paca. Le « rassemblement » aurait-il du mal à… rassembler ?
Grandes et petites manœuvres ont pourtant commencé. Comme le remplacement à la tête de la fédération du RN 13 d’Emmanuel Fouquart : « Bien sûr, ça m’a surpris, c’est arrivé d’un coup. Mais je vais pouvoir me concentrer sur Martigues. Gérer ma campagne et la fédération, ça aurait été compliqué. » C’est pourtant ce que va faire son successeur, Laurent Jacobelli, patron de la « fédé », tête de liste à Allauch et, en sus, « porte-parole du RN » !
Difficultés pour les listes
Ancien de Debout la France passé par TF1 et TV5, il voudrait incarner « renouvellement, rassemblement et implantation ». Mais, si son prédécesseur, comme la fondation Jean-Jaurès (1), cite une dizaine de villes – notamment autour de l’étang de Berre – que le RN a dans le viseur, prudence : « On n’a pour l’heure qu’une trentaine de candidats. On s’appuie sur nos élus, nos militants sans s’interdire d’autres profils. Car on ne pourra gagner qu’en étant ouvert. » Pas facile, concède-t-il, de « constituer les listes. Mais ce n’est pas propre au RN. La fonction politique est dévalorisée. On a les mêmes difficultés que les autres ».
La volonté ? Ratisser large même si les « discussions d’appareils » sont écartées. Prenez Emmy Font, collaboratrice de Ravier sur les dossiers municipaux et… porte-parole de Racines d’Avenir dont le but est l’union des droites : « Un engagement personnel, métapolitique. A Marseille, faire le lien LR-RN n’aurait aucun sens », corrige celle qui a contribué à monter le débat avec Zemmour qu’elle a, d’ailleurs, animé (Cf le Ravi n°173).
En revanche, dans Nice-Matin, l’ex-frontiste Olivier Bettati clame : « LR doit parler au RN. » Pendant ce temps, l’ex-identitaire niçois Philippe Vardon se délecte de la guéguerre Ciotti/Estrosi sur fond de rapprochement du « motodidacte » avec LREM. Mais, si le « 04 » et le « 05 » ne sont toujours pas des terres d’élection pour le Front, même dans le « 06 », ce n’est pas flamboyant.
Dans le Var, en revanche, Frédéric Bocaletti revendique déjà « une trentaine de candidats » et des discussions avec « des élus de droite. Pas besoin d’aller au-delà. De toute manière, ici, la gauche est morte depuis longtemps », s’esclaffe celui qui, à LFI, a assuré – sans rire – que « le Var, ce n’est pas Facholand ». Même s’il mettrait bien la main sur la dernière ville gérée par la gauche, La Seyne-sur-Mer.
L’étiquette de suffit pas
Mais, comme dans le « 13 », il renâcle à lister les villes ciblées, préférant mettre en avant ce candidat non encarté soutenu par le RN à Hyères. Et, sans surprise, c’est encore à Fréjus qu’aura lieu l’université d’été, les 14 et 15 septembre : « Quoi de mieux pour lancer la campagne des municipales que nos villes ? Le bilan est excellent et notre ambition est de les garder. Voire d’en conquérir. »
Pas question en revanche de faire de l’ombre à l’ex-frontiste Marc-Étienne Lansade à Cogolin : « Il y a chez lui des gens de chez nous. Nos électeurs ne comprendraient pas. » On sentirait presque une lassitude chez Bocaletti qui avoue avoir délégué certaines tâches : « Faire la campagne des autres, c’est bien mais j’aimerais bien pouvoir faire la mienne à Six-Fours », soupire celui qui gère depuis près de 10 ans la fédération du « 83 ».
Mais, à en croire les anciens, c’est tout sauf simple. Comme le pointe l’ex-figure de Brignoles, Laurent Lopez, « en 2014, le FN a présenté 36 listes dans le Var. Sur les 36, 28 ont claqué la porte. Certes le RN fait de bons scores. Mais les municipales, ce ne sont pas les européennes. L’étiquette ne suffit pas ». Même constat dans le « 13 », un ancien cadre pointant notamment la désorganisation sur le pourtour de l’étang de Berre, une des zones pourtant ciblées par le RN.
Et que dire de Tarascon où, en 2014, Valérie Laupies a failli l’emporter à quelques centaines de voix près et qui, depuis, n’a toujours pas digéré son exclusion ? « Je ne vois pas qui le RN pourrait présenter car, jusqu’à peu, le RN, ici, c’était moi, explique-t-elle. Je vais donc lancer ma propre liste. Avec, d’ailleurs, des gens qui sont encore au RN. Mais je ne revendique aucune étiquette. Aux municipales, ce qui compte, c’est travailler pour sa ville, pas pour un parti. » Revenant de l’université de Civitas – intitulée « pour la reconquête de nos communes au Christ-Roi » – elle lancera sa campagne le week-end de l’université du RN.
Et, comme au Luc, l’association de lutte contre l’extrême-droite Place Publique va monter sa liste de « rassemblement » à Cogolin. À Fréjus, vu le nombre de candidats qui s’annoncent, le Forum Républicain, lui, ne peut que « rêver » d’unité. Tout en souriant en voyant l’ex-élue à la culture – une proche du 1er adjoint – tracter pour… Debout la France. Dans une ville frontiste, il n’y a pas de petit plaisir !
1. L’étude disponible en ligne « Municipales : quelles perspectives de victoire pour le RN ? »