« Une voix qui porte, plutôt qui parle trop fort »
Bernard Tapie en garde à vue prolongée ! Quelle est votre réaction, vous qui avez dîné avec lui avec sa casquette de patron de presse ?
La conversation portait sur La Provence, rien d’autre. Nous n’avons jamais eu aucune relation politique, puisque je n’étais pas un leader à l’époque où il faisait de la politique à Marseille. Un arbitrage soumis à suspicion a été rendu en faveur de Bernard Tapie. La justice investigue. On verra ce qu’il en ressort. Cette affaire semble remonter vers les plus hautes sphères de l’État…
Comment expliquer qu’un personnage comme Tapie reçoive toujours un si bon accueil à Marseille ?
La culture politique est différente ici, dans une ville rebelle, de passion, héritière d’une culture politique « dure ». Des habitudes perpétuées par « les enfants de Gaston Defferre », qui ont débuté en politique sous son règne. Les conflits où les grandes gueules font partie du paysage. Je n’ai pas ce caractère, moi qui suis plutôt réservé, avec une image de sérieux, je l’espère. Je préfère avoir une voix qui porte plutôt que de parler trop fort.
Mais ne craignez-vous pas d’avoir du mal à vous faire entendre parmi les « grandes gueules » de la primaire socialiste ?
J’ai choisi quatre adjectifs pour slogans : « Marseille rassemblée, apaisée, gouvernée et pilotée ». Il faut un maire capable d’apaiser les tensions, sans en créer lui-même et cliver excessivement les débats. Parce que Marseille, dans le fond, n’est ni à droite, ni à gauche, mais une ville populaire.
Ce portrait-robot du maire idéal vous correspond mais cadre aussi avec celui de Jean-Claude Gaudin… Vous revendiquez une forme de continuité politique ?
On aurait tort de faire semblant de croire qu’il n’y a eu aucune réalisation en dix-huit ans. C’est bien le moins qu’il y en ait eu ! Mais Jean-Claude Gaudin ne s’est occupé que d’une partie de la ville, laissant l’autre en déshérence. Tant et si bien qu’aujourd’hui, Marseille se retrouve coupée en deux, économiquement, culturellement, socialement, et autant sur le plan de la sécurité.
Vous prônez la fermeté sans aller jusqu’à envoyer l’armée dans les cités…
Il faut des moyens mais rester raisonnables : l’heure n’est pas à l’insurrection urbaine. 11 décès de mort violente depuis début 2013, ce sont des bandes de dealers qui s’auto-éliminent. La guerre des gangs est loin d’être résolue. Le mal est tellement profond qu’il faudra laisser du temps à la police pour qu’elle fasse son travail – et des effectifs encore supplémentaires. Je mettrai du bleu dans les rues. Il faut un policier pour 1 000 habitants. Ni plus ni moins qu’ailleurs.
Avez-vous la même ambition pour les politiques sociales ?
Nous connaissons par cœur les insuffisances, reste à s’y attaquer et pas juste à gérer la crise. Il faudra par exemple des plans pluriannuels pour remettre au niveau les écoles et les installations sportives qui doivent l’être. Même chose pour l’aide au tissu associatif dans les quartiers. Mais avant, il faudra bien distinguer les associations utiles de celles que l’on aide sans qu’elles fassent le boulot attendu.
Vous engagez-vous à réaliser un audit du tissu associatif dans les quartiers ?
Absolument. Le rôle du maire consiste à voir où va l’argent de la collectivité et surtout, s’il est utile à tous.
La mise sous tutelle de la fédération du PS 13 doit permettre l’organisation des primaires dans un climat apaisé et assurer leur bon déroulement. Vous y croyez vraiment ?
La fédération n’est pas apaisée mais quasiment endormie : en vérité, la tutelle ne s’occupe que des primaires, en rien de la vie du parti. Sans doute les primaires seront-elles organisées dans la sérénité ! Mais pendant ce temps-là, la vie fédérale n’existe plus. Il risque d’en être de même jusqu’aux municipales.
Guérini, Andrieux, Ciot, les mises en examen s’enchaînent au PS. Auront-elles un impact sur les candidats dans la course ?
Il n’y a qu’une bonne solution pour tout le monde : les élus mis en examen doivent se retirer complètement, tant du débat des primaires que de toute action en lien avec ces primaires, que par la suite, de la campagne municipale. Si les choses se passent ainsi, je ne crois pas que ce climat puisse avoir un impact sur nous, candidats. Marseille a un vrai besoin de changement, qui doit s’exprimer en 2014, et qui le pourra d’autant mieux si les mis en examen se retirent…
Vous dites vouloir mettre fin au clientélisme. Est-ce compatible avec votre cogestion de MPM avec le syndicat FO des territoriaux ?
Il n’y a pas de cogestion. Le syndicat FO fait 60 % des voix à la Communauté urbaine et les faisait avant que je n’arrive. Je ne fais que gérer la situation d’un président de MPM face à un syndicat ultra-majoritaire. Je suis obligé de discuter avec FO. Mais discuter ne veut pas dire passer sous ses fourches caudines. Le « fini-parti », c’est fini, par exemple. Les tournées sont devenues plus longues, les agents travaillent plus. Le GPS a été imposé dans les camions. Le fini-parti a été complètement supprimé pour les agents de maîtrise, un vrai contrôle du travail des éboueurs a été mis en place.
Unique président de collectivité à être favorable à une métropole, vous ne vous sentez pas très isolé ?
Pas du tout. Marseille doit travailler avec un territoire beaucoup plus large qui a tout à gagner à travailler avec Marseille. Si l’on ne fonctionnait pas de façon complètement balkanisée, notre ville deviendrait peut-être l’égale de Barcelone, Gênes ou Lyon… Mais si l’on rate le train du développement, nous nous enfoncerons dans une phase de déclin. Et si l’on ne va pas au bout du projet métropolitain, nous n’aurons pas d’argent de l’État. Beaucoup devraient s’en souvenir…
Admettriez-vous que la future métropole soit présidée par un « non-Marseillais » ?
Cela ne me dérangerait pas. Je l’ai dit, je le répète : candidat à la mairie, je n’occuperai que le poste de maire. Car le maire de Marseille reste celui de la deuxième ville de France, pas un poste honorifique. Le futur maire aura un poids moral important pour peser sur les décisions. Personne ne pourra balayer d’un revers de main l’avis du maire de Marseille élu au suffrage universel par 47 % de la population de la future métropole…
Propos recueillis par Michel Gairaud et Rafi Hamal, mis en forme par Cédric Torrès