De l'art de secouer les urnes...
Visiblement, La Provence aurait assez peu goûté que Mediapart évoque les liens – pour ne pas dire le « pacte » comme l’écrit Laurent Mauduit – entre le journal de Bernard Tapie et Martine Vassal. Au point de poursuivre le site d’info en justice ! Pourtant, les exemples de porosité entre médias locaux et élus sont légions. Prenez Lionel Modzryck. Ancien de La Provence (notamment à Vitrolles) passé par la com’ de la ville de Rognac, il est depuis collaborateur du député LR Éric Diard. « Deux heures par semaine » précise sa déclaration à la « haute autorité » pour la transparence… Pas simple de trouver la bonne distance. Ainsi, Agnès Freschel, la patronne du magazine culturel Zibeline, prendra, comme elle l’a fait lors des élections régionales en 2015, quelque distance avec sa publication, du fait de sa candidature aux municipales sur la liste du Printemps marseillais (1).
Une position que comprend parfaitement Éloïse Lebourg, de Médiacoop, à Clermont-Ferrand : « Au sein de notre équipe, on a un militant de la France Insoumise. Comme on couvre pas mal les mouvements sociaux, c’est compliqué d’avoir une double casquette. Et, avec les municipales, cela va l’être de plus en plus. » Et d’ajouter : « On ne va pas couvrir, en tant que telles, les municipales, car, au nom de l’équité, il faudrait qu’on donne la parole à tout le monde. Ce dont on n’a pas très envie. Mais ce qui tombe bien, c’est que, de LR au RN en passant par LREM, ils n’ont pas non plus envie de nous parler. » Les relations entre nos médias et les élus sont loin d’être un fleuve tranquille. En témoignent, fin 2019, les échanges peu amènes entre un élu écolo et le journaliste Olivier Bérardi de la TV Net Citoyenne. Ce qui n’empêche pas ce « média citoyen » basé à Chambéry de couvrir les municipales.
Dans la galaxie des médias « pas pareils », certains s’interdisent de traiter de la politique avec un petit « p ». Ce qui ne veut pas dire que leur contenu ne l’est pas, en atteste le pas de côté salvateur des Autres possibles à Nantes ou le contenu hautement corrosif de nos voisins de CQFD. Certains affichent, comme Anonymal TV, à Aix-en-Provence, une stricte neutralité : « Anonymal TV couvre l’actualité politique d’Aix. Cependant l’action publique ne s’arrête pas aux périodes de campagne, et nous nous attachons à couvrir également l’actualité politique locale tout au long de l’année. Résolument neutres, nous donnons la parole à tous les partis et à tous les points de vue. Notre seul objectif est de valoriser les initiatives locales et de développer la participation citoyenne. »
« La com’ est tellement verrouillée qu’on a parfois plus intérêt à se faire passer pour des militants… »
Il est en revanche des médias pour qui la politique, quelle que soit la taille du « p », est la matière première et qui s’en donnent à cœur joie. Comme Le Postillon, qui couvre l’actualité grenobloise avec mordant et inventivité. Début 2020, ils ont livré un « test comparatif » des livres des candidats avec, parmi les critères : « capacité soporifique », « potentialité de reconversion en éventail » ou « aptitude à caler une étagère »… Il faut dire que, du côté de la cuvette, la matière ne manque pas. Notamment avec l’émergence d’une liste satirique, celle du « parti Popolitique », des « libertaires ambigus » dont le slogan est « la blague, c’est les autres » et à qui le bimestriel offre une page d’interview clamant « Publi-reportage » ! Explication de Vincent Peyret : « Comme on est un bimestriel, on cherche à avoir des angles originaux. On n’est donc ni dans le commentaire ni forcément dans le dialogue. De fait, la com’ est tellement verrouillée qu’on a parfois plus intérêt à se faire passer pour des militants qu’à s’afficher comme journalistes… »
En Vendée, Le Sans-Culotte, après une grosse pause, signe son retour d’un tonitruant « Me revoilà ! » Et de clamer, dans son édito : « Le Sans-Culotte n’a pas baissé son pantalon ! » Nouvelle équipe, nouveaux locaux, nouveau prix et même un procès de Philippe de Villiers. Ce cousin germain du Ravi, non content d’avoir embauché une plume passée par le mensuel qui ne baisse jamais les bras, se permet même de se livrer comme nous à un « contrôle technique de la démocratie » en passant au crible chaque mois un conseil municipal. Une rubrique intitulée : « La démocratie à poil ». Le dessin pour l’illustrer ? Le conseil vu de sous la table ! Pile-poil la bonne hauteur, la bonne distance. On en rougirait presque !
1. Au Ravi où officie Frédéric Legrand, du fait de son implication au sein du collectif Mad Mars, notre confrère ne couvre pas les municipales.