LR de famille
Salon-de-Provence et Aubagne dans les Bouches-du-Rhône, Brignoles dans le Var, Apt et Vaison-la-Romaine dans le Vaucluse. Si les municipales de 2014, avec ces cinq villes basculant à droite, ont été un cru exceptionnel pour Les Républicains (LR, ex UMP), ils restent plus prudents sur la possibilité de nouvelles conquêtes cette année. La faute aux gueules de bois électorales de 2017 (présidentielle et législatives) et de 2019 (européennes). « Il y a peu de villes qui risquent de tomber, mais je ne dis pas que l’on va en gagner », résume Christian Kert, ancien député LR d’Aix-en-Provence, en bon Normand qu’il n’est pas.
Sauf accident industriel, LR devrait en effet être le grand vainqueur des municipales des 15 et 22 mars dans la région. Aux manettes des principales collectivités locales (Région et Départements), de nombreuses villes moyennes et des métropoles, l’ex UMP devrait ainsi bénéficier à plein de la fameuse « prime au sortant ». C’est cette tradition électorale qui veut qu’un maire qui se représente part avec un sérieux avantage. « Les bilans sont importants, notamment en terme de crédibilité. Si les promesses sont tenues, en général ça ne fait pas débat », explique Jean-Pierre Giran, maire LR de Hyères (Var) et candidat à sa succession. Difficile d’ailleurs d’imaginer les barons locaux se faire éjecter : Hubert Falco à Toulon, Maryse Joissains à Aix-en-Provence pourtant condamnée pour « détournement de fonds public » (lire pages 4 et 21) et Christian Estrosi à Nice.
L’ancien sous-ministre aux rond-points de Nicolas Sarkozy a d’ailleurs pris ses précautions. Après avoir fait plier son camarade Eric Ciotti, les mauvaises langues rapportent qu’il a exfiltré à Menton un autre « bébé Médecin », Olivier Bettati, son ancien adjoint qui l’avait obligé à un second tour en 2014 (1). Une ville détenue par le RPR, puis UMP et enfin LR Jean-Claude Guibal depuis 1989. Encore plus folklorique, alors que Bettati siège aux côtés du RN à la Région, avec qui il s’est fait élire en 2015, Renaud Muselier, le président LR de la collectivité, lui a assuré dans un courrier qu’il « accompagner(ait) la commune dans ses efforts de développement », en cas de victoire (France3régions.fr – 29/11/2019). Une sollicitude qui surprend de la part de ce grand pourfendeur de l’extrême-droite…
« On n’adhère pas, on combat »
A moins que lui aussi ne se soit converti au projet de réunir la droite et son extrême. Relancée par le député européen RN Thierry Mariani, ex député UMP d’Orange et fondateur de la très droitière Droite populaire, qu’il vient de ressusciter, cette stratégie semble être cette année la principale épine dans le pied de LR. Plus que l’étau entre LREM et le RN dans lequel elle est coincée au niveau national depuis l’élection d’Emmanuel Macron. « LREM n’a pas de socle électoral sur le territoire et même si le climat n’est pas bon parce que les gens sont mécontents, je ne sens pas le RN organisé pour nous prendre des villes », estime toutefois Christian Kert.
Le rapprochement local de certains élus LR ou affiliés avec le RN menace aujourd’hui aussi des intercommunalités. Dans le nord Vaucluse ou dans l’est varois, autour de Fréjus, où le RN David Rachline semble placé pour emporter un nouveau mandat. « A Saint-Raphaël, les LR sont divisés depuis que Ginesta a laissé la mairie à Frédéric Masquellier, son ancien premier adjoint, en devenant sénateur », raconte Marie-José De Avezedo, du Forum républicain, une association qui lutte contre Rachline. Le premier soutient un dissident du maire et la candidate LREM, et le second qui n’a pas reçu l’investiture LR semble se rapprocher de l’ancien porte-parole de Marine Le Pen, qui se présente aussi sans étiquette. Une proximité qui se retrouve également dans des bourgs du territoire, comme Puget-sur-Argens. Avec, pour l’ancien porte-parole de Marine Le Pen, la Cavem (Communauté d’agglomération Var Estérel Méditerranée) dans le viseur.
« Je ne suis pas sûr que ça marche, juge cependant le député d’Apt Julien Aubert. On n’adhère pas, on combat. Le fait de ne pas avoir d’étiquette ne passe pas forcément bien, comme à Carpentras, et beaucoup de gens de droite préfèrent quitter le bateau quand il y a le FN. » Mais d’avouer : « On exclut les gens qui disent rejoindre l’union des droites. Il y en a eu 8 ou 9 sur le Vaucluse pour l’instant, ce qui est pas mal. »
L’autre caillou dans la chaussure des municipales pour Les Républicains, c’est Marseille, où l’ancienne majorité de Jean-Claude Gaudin part divisée. Avec, dotée du label LR, Martine Vassal, présidente du Département et de la Métropole, et à droite le sénateur Bruno Gilles, qui a rendu sa carte après 43 ans de bons et loyaux services. « Je vois ça de loin, mais je pense qu’elle va gagner, juge Julien Aubert. Muselier s’est rallié, même si c’est de façade, elle fait de meilleurs scores en moyenne et est mieux identifiée. » Prudent, le député d’Apt de craindre quand même « un troisième tour mosaïque ». C’est-à-dire que les huit secteurs soient très partagés et que tout se joue, in fine, dans l’hémicycle, au moment de l’élection du maire. « C’est une ville emblématique, Jean-Claude Gaudin y a passé sa vie, se désespère de son côté Christian Kert. Tout le monde rêvait d’une succession en douceur et pas d’un cataclysme. »
Rue de Vaugirard, le siège national des LR à Paris, on se prépare d’ailleurs au pire, comme l’ont raconté au Monde des membres du parti (lemonde.fr, 23/01) : « Nous avons là-bas tous les ingrédients pour perdre. [Et] on aura beau garder nos villes, si on perd [à Marseille], toute la presse titrera sur un échec pour Les Républicains aux municipales. » Merci qui ?
1. Olivier Bettati n’a pas répondu à nos sollicitations.