La carpe, le lapin et l'électeur
Habitué des dérapages, le Vauclusien Thierry Mariani maîtrise moins la glissade. Et le député européen d’extrême droite, ex-LR, de se prendre une belle gamelle avenue du Prado où il est venu soutenir, au nom de la « Droite populaire », le sénateur frontiste marseillais Stéphane Ravier pour les municipales. Mais, pour le RN, il est des soutiens plus gênants.
Comme Olivier Bianciotto que l’on voit, sur le net, coller des affiches « le Parti de la France soutient Stéphane Ravier ». Grimace des collaborateurs du frontiste qui découvrent les photos sur la toile : Bianciotto est un ancien du Bastion social et a défrayé la chronique avec le Mouvement populaire nouvelle aurore et la profanation de la stèle de Manouchian. Il était pourtant proche de Karine Harouche, une ex du Front qui se présente face à Ravier ! Mais, dans le sud-est, le PdF n’est pas très regardant. S’il soutient en général les candidats du RN, il est derrière la dissidente Valérie Laupies (ex-FN) à Tarascon (13) ou aux côtés de la famille Bompard (Ligue du Sud, extrême droite) à Bollène et à Orange dans le Vaucluse.
D’aucuns se souviennent du ralliement de Vincent Vidal, représentant local du SIEL (un groupuscule très « catho tradi »), à un Bruno Gilles pas encore officiellement dissident de la droite marseillaise. Mais depuis, dans le camp de l’ex-patron de LR dans les Bouches-du-Rhône, c’est celui avec le sénateur de la « radicale » Lisette Narducci, maire des 2-3, flanquée du patron « anarchiste » du théâtre Toursky, Richard Martin, qui a fait tousser. Comme le fait que Martine Vassal, la candidate LR et patronne du CD13, retire la délégation « handicap » à Sandra Dalbin, cette dernière osant être candidate sur les listes de Gilles. Pourtant, les « amis de Martine Vassal » sont assez peu regardants sur le profil des élus. Mais, après avoir cherché le soutien de la macronie, la voilà à recruter chez Guérini. Jean-Noël et pas Stanislas…
« C’est le “En même temps” qui continue ! »
Les mariages de raison, ce n’est pas qu’au sein de cette droite où ça bastonne même entre colleurs d’affiches. C’est aussi dans l’ADN de cette gauche qui n’aime rien qu’à se diviser. Lors de la présentation des têtes de liste de « Debout Marseille », l’écolo Sébastien Barles a beau parler de « polyphonie » plutôt que de « cacophonie », il a du mal à faire oublier la cohabitation étonnante entre Insoumis et macronistes. Et ça grince en le voyant soutenir, face au candidat communiste du Printemps marseillais dans les quartiers nord, la liste « Unir » menée par l’insoumis Mohammed Bensaada.
Ces rapprochements étonnants ne sont pas une spécialité marseillaise. Prenez Istres (13) où, face au maire très divers François Bernardini – recalé par En Marche mais dont la majorité va du rouge au bleu horizon – il n’y a pas que l’ancien maire Michel Caillat, passé du PS à EELV. Il y a aussi le jeune Robin Prétot. Mais son investiture par LR vient de faire partir son collègue socialiste Lionel Jaréma : « On s’était entendu, au regard du travail que l’on a mené pendant six ans dans l’opposition, sur une alliance par-delà les étiquettes. Mais il m’est impossible de rester sur une liste officiellement à droite. » Toutefois, pour le socialiste, « vu la santé des partis, aujourd’hui, les étiquettes pèsent de moins en moins lourd. Et ça ne date pas d’hier. En 2014, certains trouvaient les propositions du candidat frontiste intéressantes… Jusqu’à ce qu’ils voient d’où elles émanaient ! »
Sans surprise, la macronie est l’équivalent politique du groupe sanguin « AB+ » : « receveur universel ». Mais ce n’est pas sans bug. En témoigne la bévue dans la presse du patron d’En Marche, Stanislas Guérini, de passage à Marseille évoquant le soutien à « des candidats mieux placés que nous » comme à… « Istres ». Alors que LREM y soutient un candidat, Thierry Blanc ! Soupir du référent des marcheurs dans le « 13 », Bertrand Mas-Fraissinet : « C’est une erreur. Mais il ne peut connaître la situation de toutes les communes. Il a depuis rectifié. »
Celui qui est candidat à Cassis (13) n’en reconnaît pas moins la valse des étiquettes : « Dans les petites villes, ça a toujours été le cas. Dans les communes plus importantes, les débats se veulent plus politisés. Mais c’est vrai qu’on voit de plus en plus des gens qui vont à gauche, à droite… Parce qu’ils n’ont pas eu ce qu’ils voulaient, ils vont voir ailleurs. Mais, au-delà des stratégies personnelles, ça doit aussi être le “en même temps” qui continue ! » Comme le disait Edgard Faure, « ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ». Et c’est vrai que ça souffle, en ce moment…