A l’assemblée, un palais très « Bourbon »
Baromètre du travail des députés, le site Nosdéputés.com serait presque élogieux avec la nouvelle génération. Selon sa comptabilité, si les élus LREM de 2017 de Paca ne font pas partie des parlementaires les plus actifs de la dernière mandature, ils ont bien bossé. Rédaction de rapports et/ou de propositions de lois, intervention en commission ou en séance, présence soutenue dans l’hémicycle, ils ont été de bons élèves. Même largement plus travailleurs que certains vieux routiers du Palais Bourbon – les LR Geneviève Levy (83), Bernard Reynes (13) et Bernard Brochand (06) par exemple – qui semblent avoir oublié l’adresse de l’Assemblée nationale !
« C’est H24, le soir, le week-end. Je n’ai jamais autant travaillé et je ne m’y attendais pas », raconte Saïd Ahamada, député des 14e et 15e arrondissements de Marseille et ancien directeur général adjoint à la ville d’Avignon. Même discours de la juriste Valérie Gomez-Bassac (Brignoles) ou de Jean-Marc Zulesi (Salon-de-Provence) qui avouent avoir mis « leur vie sociale entre parenthèses ». Mais sans regret. « La mission m’a plu, explique par exemple la députée du Var. Pour la juriste que je suis, ça m’a permis de voir toutes les facettes du droit. J’ai aussi beaucoup apprécié le lien entre le local et le national, la défense de nos territoires, comme quand j’ai fait fermer la décharge illégale du Castellet. »
Sportifs de haut niveau
Toutes et tous se réjouissent surtout d’avoir pu porter ou accompagner des dossiers et des lois. Le plan Marseille en grand pour Saïd Ahamada, le volet Mobilité de la loi climat pour Jean-Marc Zulesi, la loi de modernisation de la Recherche et de l’Enseignement supérieur pour Valérie Gomez-Bassac, le prolongement du Congé parental pour la députée de Digne (04) Delphine Bagarry, l’élargissement de la Procréation médicalement assistée pour Cécile Muschotti, députée de Toulon.
Par contre, toutes et tous ont vécu un mandat « sportif », pour reprendre l’euphémisme de Saïd Ahamada. Absence d’accompagnement du groupe, crises à répétition – mouvement des gilets jaunes, Covid, guerre en Ukraine -, et même de la violence, du procès en amateurisme et en illégitimité en passant par le harcèlement sur les réseaux sociaux. « On n’est pas préparé à autant d’agressivité », reconnaît Valérie Gomez-Bassac qui a eu, comme quelques autres, sa permanence taguée. « Quelque chose s’est dégradé, il y a un rejet de la fonction », acquiesce Delphine Bagarry.
« LREM m’a quitté ! »
Médecin de campagne et ancienne conseillère départementale, cette dernière a quitté la majorité en 2020 pour rejoindre Ecologie démocratie solidarités, un groupuscule du pole écolo piloté par EELV (1). Elle est d’ailleurs désormais la candidate de la Nupes dans la deuxième circonscription des Alpes-de-Haute-Provence. « Avec l’afflux de personnalités et d’élus de droite, un gouvernement et un électorat qui penchent aussi de ce côté, c’est plutôt LREM qui m’a quitté », corrige en souriant Delphine Bagarry. Une décision qui trouve son origine avec la très droitière loi Asile et immigration de 2018 : « La politique sécuritaire et migratoire est le symbole des raisons de mon départ : ce n’était pas la politique pour laquelle je m’étais engagée, elle n’était pas dans le programme d’En Marche. »
Une politique qui a penché à droite, et parfois très à droite, que ses anciens camarades sont loin de remettre en question. Pour eux, le contrat du « en même temps » a été parfaitement rempli. Avec comme mesures emblématiques le « quoi qu’il en coûte » sanitaire et le dédoublement des classes de primaire. « Une des grandes décisions du mandat, même si on n’en verra les bénéfices pour les jeunes que plus tard », se réjouit Jean-Marc Zulesi. Et même si la mise en place est toujours chaotique à cause du manque de locaux et d’instits ?
Quoi qu’il en coûte
« On a fait ce qui était dans le programme, assure Valérie Gomez-Bassac. Je n’ai pas l’impression d’être allée à l’encontre de mes convictions, j’assume assez bien ce qui a été voté. » Saïd Ahamada d’insister encore : « Je suis de gauche et les arbitrages, on ne peut les faire bouger que quand on est dans la majorité. Si on veut le « quoi qu’il en coûte », l’État providence, le plein emploi, l’amendement sur la construction de logements sociaux à Marseille à l’échelle des arrondissements et plus de la ville, il faut quelqu’un pour le faire. »
Alors que la présidentialisation du pouvoir n’a jamais semblé aussi forte, faisant passer l’Assemblée nationale pour un palais de Bourbons et Emmanuel macron pour le Roi Soleil, les Marcheurs réfutent autant avoir dû avaler des couleuvres que porter des godillots. « On a pu déposer des amendements, en réunion de groupe on pouvait faire remonter ce qu’on voulait », assure Jean-Marc Zulesi, le député de Salon-de-Provence. « Certains ont eu du mal, mais c’est la différence entre les néo. et ceux qui ont la culture des partis », balaie de son côté Cécile Muschotti. Et la députée de Toulon de résumer : « C’est le fonctionnement de notre République. »
Une manière aussi de rappeler que, finalement, les Marcheurs n’ont rien révolutionné à l’Assemblée nationale ? Pour preuve, ils ont même reproduit les mauvaises manières de leurs illustres prédécesseurs (2) : harcèlement de leurs collaborateurs comme utilisation toute personnelle des deniers publics.
1. Député de Gardanne, François-Michel Lambert a lui aussi quitté la majorité en cours de mandat.
2. Il y a un exemple en Paca, avec la députée de Marseille Claire Pitollat (Marsactu, 19/05).