Candidats citoyens, le retour

Kevin Vacher, militant des quartiers populaires marseillais, veut « franchir un cap ». « Parrainé et marrainé » par le mouvement citoyen « Nos vies, nos voix », 200 adhérents fin mars, il se présentera en juin aux législatives. Certes le trentenaire avait déjà été candidat en 2012, pour le NPA, dans la même circonscription, la 4ème. Mais il est convaincu que les conditions sont désormais réunies pour ouvrir une « brèche » à l’Assemblée nationale. « Nous assistons à une crise de régime totale, à l’effondrement d’un monde, explique-t-il. Cela laisse de la place pour reconstruire des cadres collectifs. » Objectif ? Constituer un « bloc citoyen » à l’Assemblée, transpartisan, afin « d’agir pour la justice sociale et climatique ».
« Un bloc citoyen, cela changerait quoi ? » questionne, le 13 mars, une table ronde dans les locaux de Coco Velten. « Je n’aurais jamais pensé être élue un jour, témoigne Isabelle Bordet, adjointe (Printemps marseillais) déléguée au logement dans la mairie du secteur, celle des 1er et 7ème arrondissements. Ce n’était pas mon objectif. Ce qui me parle ce sont les combats qu’on a menés avant et les promesses qu’on a faites. Ce n’est pas possible de se dédire. Le Printemps marseillais n’est pas parfait mais des citoyens et des élus arrivent à travailler ensemble, quelque chose s’enclenche. »
A ses côtés, Bernard Borgialli, militant insoumis, candidat LFI aux départementales et aux européennes, faisait partie des membres du Pacte démocratique, peu convaincus, comme Kevin Vacher, par l’union ayant alors permis une alternance politique à Marseille : « Face à la verticalité et l’élitisme des institutions, il faut rompre avec la politique politicienne. Kevin, je souhaite la réussite de ton projet de devenir un élu citoyen ! » Une déclaration qui résonne dans une circonscription où le député sortant se nomme Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidentielle, soutenu… par Kevin Vacher et ses « marraines et parrains ». Et un indice de plus que Mélenchon ne se représentera pas à Marseille ?
« Le mot leader m’horrifie »
Le projet d’un « bloc citoyen » séduit aussi Zina Mebkhout, co-fondatrice de Mad Mars, le collectif citoyen associé au Printemps marseillais. « Nos expériences de vie impactent nos initiatives, les textes et les lois qu’on propose, souligne-t-elle. Ne sous-estimons pas l’avis des abstentionnistes, de celles et ceux qui ne se sentent pas représentés. Nous avons besoin de passer d’une échelle individuelle à une approche collective, du « je » au « nous », de pratiques verticales à d’autres horizontales. » Ce 13 mars, c’est aussi la présentation d’une première proposition citoyenne de loi « pour un renforcement et un financement du pouvoir citoyen ». Dans la salle, Théo Challande, adjoint (EELV) en charge de la démocratie locale, est venu lui aussi saluer la démarche…
« On a tous tiré un bilan des municipales, explique Kevin Vacher. Il ne s’agit pas de les rejouer, les lignes ne sont plus les mêmes. Il y a moyen de fédérer des gens qui ont choisi d’être avec le Printemps et d’autres pas. » Et concernant la question, clivante, de l’incarnation ? Le militant a été sélectionné pour intégrer à Paris une « académie des futurs leaders » afin de favoriser l’émergence d’un « arc progressiste » et de « créer un projet politique issu d’une expérience citoyenne ». Finalement, « faute de temps », Kevin Vacher n’y participera pas. « Le mot leader m’horrifie, m’horripile, insiste-t-il. Je suis un militant de l’éducation populaire. Un élu doit être avant tout un animateur. Son rôle ? Écouter, porter puis passer le relais. »
Venue de Rennes, où elle est adjointe au maire, Charlotte Marchandise, ex-candidate à la Primaire populaire, encourage la démarche des Marseillais : « Tant qu’on ne prend pas le pouvoir, on ne pourra pas changer la vie des gens », affirme-t-elle. Tout en lançant une alerte : « Aucun parti n’a intérêt de laisser sa place à un candidat citoyen à cause des mécanismes de financement de la vie politique. » Kevin Vacher, prenant l’exemple d’un François Ruffin, aimerait rassembler largement pour « éviter huit candidatures de l’écologie et de la gauche dans la circonscription ».
Le collectif « Nos vies, nos voix » espère des initiatives communes avec une trentaine d’autres candidatures en France, celle par exemple dans l’Ain de Lumir Lapray, militante climat, ou de Sanaa Saitouli, du mouvement citoyen Cergy Demain. Sur le plan national toujours, dans le groupe de bénévoles du mouvement, on trouve Sarah Durieux, ex-directrice de change.org, la plateforme de pétitions en ligne, ou encore Noé Champsaur-Girardot, de Point d’Aencrage, « laboratoire politique de jeunes issus de toute la gauche ». A Marseille, des discussions, encore informelles, ont lieu avec Sophia Hocini, militante des quartiers populaires. Mais pour les « citoyens » aussi, seule la fin de la présidentielle permettra de lancer véritablement la campagne…