"Il faut redistribuer les cartes"
La tuerie de Toulouse peut-elle faire basculer la présidentielle en plaçant la sécurité au centre des débats ?
C’est un drame de la folie humaine. Des questions se posent mais n’instrumentalisons pas ces événements. On ne doit pas faire la campagne devant les cercueils, c’est pitoyable. La posture de Mélenchon est la plus juste. Il faut honorer les morts en reprenant la vie ordinaire. Nous devons parler d’emploi, de pouvoir d’achat, d’Europe, de la dette ou encore du logement. Et s’il faut débattre de sécurité, c’est d’une autre manière, avec tolérance et respect pour les individus quelles que soient leurs origines.
Le phénomène médiatique de Jean-Luc Mélenchon, sa gouaille à la Georges Marchais, ne créaient-ils pas trop de personnification ?
On a créé un programme partagé, qui est encore en évolution. Celui qui le porte, c’est Jean-Luc Mélenchon, et la comparaison avec Georges Marchais prouve qu’il a des qualités. La photographie donnée par les sondages traduit la dynamique d’une campagne qui porte la volonté d’un vrai changement en profondeur.
Il y a un an, près de 40 % des militants communistes, ainsi que le député Michel Vaxès dont vous briguez la circonscription, avaient préféré un autre candidat que Mélenchon. Redoutent-ils toujours une dissolution du PCF dans le Front de gauche ?
Mon premier choix était Mélenchon. La vie ne va pas s’arrêter après les législatives. Nous devons continuer sur la même dynamique. Aujourd’hui, nous n’assistons pas à l’évaporation des militants communistes. Au contraire, dans ma circonscription, il y a de nombreuses adhésions. Avec le Front de gauche, les citoyens peuvent croire, à nouveau, aux marqueurs fondamentaux de la société française, ceux issus du Conseil National de la Résistance, le droit du travail, le droit de la femme…
Comment allez-vous composer avec le PS pour faire gagner la gauche au second tour ? Entreriez-vous dans un gouvernement présidé par Hollande ?
Mélenchon ne veut pas y aller, le PCF ne sait pas encore. La priorité dans cette élection, c’est d’abord de réduire l’extrême droite à la portion congrue en convainquant qu’il y a mieux à faire. Ensuite, il s’agit de se débarrasser de l’UMP. En cas de victoire de la gauche, la question du gouvernement peut se poser selon moi. Il ne faut pas être fermé, mais si le candidat vainqueur ne respecte pas nos conditions, nous serons des observateurs dans la majorité. Plus on sera forts à l’élection présidentielle et aux législatives, plus on pourra se faire entendre. »
Le PS avait fait des écologistes, via un accord électoral, son premier partenaire. Faut-il redistribuer les cartes ?
Oui, il faut redistribuer les cartes. Pour autant, il faut remettre l’écologie au centre de la campagne. La planification écologique est dans tous nos sujets. Concernant le nucléaire, nous devons regarder ce que nous pouvons faire dans le temps. Il n’est pas sûr, certes, qu’on puisse faire quelque chose rapidement. Il faudra interroger les citoyens, peut-être réunir le Congrès.
Votre circonscription regroupe deux communautés d’agglomération, celle de Martigues et celle d’Istres et Fos-sur-Mer. Ne serait-il pas pertinent de les regrouper un jour ou l’autre ?
A terme, le rapprochement entre SAN Provence et la communauté du pays de Martigues est probable. On construira une nouvelle agglomération. Nous avons commencé à travailler ensemble sur les transports par exemple.
Que défendriez-vous en priorité à l’Assemblée nationale ?
Ma première proposition de loi sera la création d’un pôle public de l’eau. Les villes cèdent l’eau à des entreprises privées. Je veux porter au niveau national ce qu’on a fait depuis des années à Martigues avec une gestion de l’eau en régie, un budget équilibré, un prix imbattable, des réseaux de production et de distribution parfaitement entretenus…
L’industrie, très présente à Martigues, est en crise. Face à la raréfaction des ressources de pétrole par exemple, faut-il programmer une transition énergétique ?
Les candidats parlent beaucoup de ré-industrialisation. Je crois rêver ! Et si on défendait déjà l’industrie présente dans notre pays ? Demain, on aura peut-être besoin, en effet, dans le domaine de la production énergétique de développer la géothermie par exemple. Et pour cela, il faut de l’acier. Or, on sacrifie à Florange les entreprises qui en produisent. Il faut défendre nos atouts comme la sidérurgie autour de l’étang de Berre…
Si vous êtes élu député, allez-vous renoncer à d’autres mandats ?
Je resterai simplement maire. Ma suppléante prendra mon relais au Conseil général. A l’agglomération du pays de Martigues, un des vice-présidents pourra prendre la suite sans dommage…
Au Conseil général des Bouches-du-Rhône, les communistes ont tous voté en faveur du budget en mars…
Ce budget a été construit et travaillé par chacun des délégués. Celui pour les handicapés, dont je m’occupe, est de 210 millions d’euros et augmentera de près de 10 %. Ce vote s’est donc fait sans état d’âme.
Le fait que Jean-Noël Guérini préside cette institution tout en étant mis en examen pour « association de malfaiteurs » ne vous pose pas problème ?
Nous sommes dans cette majorité de gauche dont nous contribuons aux ordres du jour. L’immunité parlementaire de Jean-Noël Guérini a été levée et donc il peut répondre aux convocations du juge. La justice doit avancer. En attendant, je ne condamne personne. Nous sommes loyaux dans un contrat de majorité avec le PS et nous continuerons à l’être.
L’ancien maire de Martigues, votre mentor Paul Lombard se présente contre vous. Il a des mots durs sur votre gestion de la ville…
Je crois qu’il exprime la souffrance d’une personne privée de leviers d’action. Paul Lombard a construit la ville de Martigues de fond en comble. J’ai du respect pour ce qu’ils ont bâti lui et ses équipes. Mon message, il le connaît : s’il nous rejoignait, une très grande majorité des citoyens lui en serait reconnaissants. Je lui tends toujours la main.