« Marseille ne se gagne pas seul »
Le Ravi : Vous habituez-vous à votre nouveau métier de députée ?
Claire Pitollat : Ce n’est pas facile. La politique c’est encore pour moi un nouveau monde dont il faut que j’apprenne les codes. Mais c’est aussi une grande richesse et je souhaite à beaucoup d’autres personnes de la société civile de rejoindre cette aventure. Pour cela, on doit faciliter les passerelles et faire évoluer notre statut. Notamment pour concilier vie professionnelle et personnelle.
Macron a été élu grâce à un front républicain contre l’extrême droite. Les hauts scores du RN, comme aux européennes, sont-ils le meilleur faire valoir de LREM ?
Il doit y avoir des calculs de ce type, mais ce n’est pas du tout comme ça que je suis rentrée en politique. Je suis chagrinée par les résultats du RN. Je suis même doublement chagrinée car Marseille est la seule grande ville de France ayant mis le RN en tête aux européennes. J’essaye de me consoler en regardant les résultats sur ma circonscription où, à force de travail de terrain, j’ai réussi à conserver l’électorat d’En Marche et à l’amplifier.
Entendez-vous le message des électeurs qui ont voulu sanctionner votre majorité ?
On l’entend d’autant plus que nous avons plusieurs fois tiré des sonnettes d’alarme à l’Assemblée pour dire qu’il faudrait accélérer sur les mesures sociales. Cela passe également par le collectif social-démocrate que nous avons lancé après les européennes afin de mettre en avant un progressisme social. Il rassemble une trentaine de députés. Mais nous ne sommes pas des frondeurs !
Macron, le « président des riches », c’est terminé ?
C’est quelque chose qui va nous coller longtemps. Mais le plan pauvreté, par exemple, est un formidable outil. Une vraie dynamique commence à se mettre en place sur les territoires. Plus d’une cinquantaine de députés travaillent dans le groupe de travail que j’ai fondé à l’Assemblée sur ce sujet…
Une trentaine de « sociaux démocrates » dans un groupe de plus de 300 députés LREM : n’êtes-vous pas ultra-minoritaires ?
Je ne pense pas. Plusieurs députés veulent déjà nous rejoindre. Lors du vote des prochains budgets, il faut que nous arrivions à imposer l’idée que l’investissement dans la prévention est aussi important que de développer le capital ou les richesses.
Et « en même temps », vous n’excluez pas de conditionner l’accès à certaines prestations sociales…
Si on prend l’exemple du RSA, il y a déjà des conditions. De quoi les bénéficiaires se plaignent-ils ? De ne pas pouvoir voir assez les gens qui les soutiennent et qui les accompagnent sur leurs projets. Lorsque notre système de prestations fuit, cela se fait au détriment des personnes qui en ont besoin.
Votre prédécesseur, Dominique Tian (LR), s’était déjà spécialisé dans la lutte contre la fraude aux prestations sociales. Trouvez-vous normal qu’il reste premier adjoint de Jean-Claude Gaudin après sa condamnation pour blanchiment de fraude fiscale ?
Ce n’est pas à moi de commenter ça, c’est une décision de justice. Il a fait appel, il est élu, il peut garder son mandat. Mais les citoyens attendent d’avoir des élus irréprochables.
N’est-ce pas paradoxal pour une ancienne cadre d’EDF dans un centre d’ingénierie des centrales nucléaires de faire de l’écologie un sujet principal ?
Je suis pour le mix énergétique donc avec le nucléaire au milieu. C’est une industrie extrêmement surveillée. Des centres locaux d’information ont été créés pour accueillir les populations, expliquer comment on maintient la sûreté de cette énergie. Mais force est de constater que ces centres manquent un peu d’envergure et d’accessibilité…
Vous prônez les « îlots de fraîcheur » dans les villes. A Marseille où le béton fleurit, cela pourrait donner quoi ?
Les îlots sont avant tout des espaces de nature, une source de bien être pour les habitants. Ils absorbent le bruit, la pollution et permettent de se retrouver. C’est une volonté du gouvernement dans le plan biodiversité, mais ça doit aussi passer par des règles de préservation. A Marseille, on a l’exemple du boulevard urbain sud, dans les quartiers sud, qui va supprimer beaucoup d’espaces de nature. Ce projet doit être questionné. Il attend depuis 70 ans, il peut attendre encore quelques années !
Pourquoi avoir signé une tribune dans le JDD réclamant une consultation citoyenne afin d’investir les candidats LREM aux élections municipales ?
C’est la première fois qu’un parti au gouvernement n’a aucun allié politique sur les territoires et aucun groupe dans les collectivités locales. Il est légitime que le président donne son avis sur les grandes villes de France, ça ne peut pas être autrement, mais c’est important de lui apporter également des éléments de décision. Il faut que les candidats puissent exposer leur projet, c’est la base de ce qu’on défend à En Marche.
Vous soutenez Jean-Philippe Agresti, le doyen de l’université de droit d’Aix-Marseille…
Je travaille avec lui depuis un an. Il a ma préférence. Je ne le cache pas.
Même si personne ne le connaît ?
Ça dépend des milieux ! Moi-même, je ne faisais pas de politique avant les législatives. C’est ça le mouvement En Marche : partir de la société civile et pouvoir amener des personnes qui ont des compétences.
Dans vos rangs à Marseille, ni le candidat, ni les alliances, ne font consensus. Quelle est votre vision ?
S’il y a bien une chose sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est que Marseille ne se gagne pas seul. Il faut forcément appeler à un rassemblement. La question c’est comment on le fait. On va avancer petit à petit dans cette campagne, on va investir un candidat, on va avoir notre projet En Marche. Il faudra à un moment se rejoindre sur des valeurs, des objectifs communs, un projet.
Les comités locaux marseillais d’En Marche ont voté contre une alliance avec les Républicains de la majorité sortante. Partagez-vous ce choix ?
J’ai tendance à être plus mesurée. A part les extrêmes, le RN ou La France Insoumise (LFI), je n’exclue aucune famille politique.
Quels sont les dossiers urgents de la ville selon vous ?
Marseille est mal portante. Elle est fracturée et n’a pas les infrastructures qu’ont les autres grandes villes. Il faut vraiment rentrer dans une optique de grands chantiers permettant d’apporter des réponses solides. Concernant le mal logement et les arrêtés de péril, Julien de Normandie (le ministre de la Ville et du logement, Ndlr) vient régulièrement à Marseille, faire en sorte que les politiques s’accélèrent. L’Etat a apporté plusieurs centaines de millions. La situation est critique, dure depuis longtemps, et va mettre du temps à se résorber. Mais on ne peut plus tolérer d’avoir autant de mal logés, et de sans-abris dans la deuxième ville de France.
Défendez-vous aussi des grands travaux pour les transports ?
Il y a besoin d’une ville où tout soit plus fluide. J’ai beaucoup travaillé sur les hôpitaux. Le site de l’AP-HM Nord, par exemple, fait face à une vraie difficulté de cloisonnement alors qu’on pourrait y développer un vrai pôle universitaire, d’autres activités, tout en facilitant l’accès aux populations. Et aujourd’hui il n’y a qu’un seul bus qui mène à l’hôpital Nord