Le Zendarme de Saint-Tropez
Paca, terre de « reconquête » pour l’extrême droite ? Si la région se révèle à chaque scrutin très « bleu marine », difficile de s’appuyer sur le bilan des sortants. En 2017, seule la Ligue du Sud avait envoyé un candidat au palais Bourbon : le futur-ex maire d’Orange Jacques Bompard avant de céder son siège à sa suppléante Marie-France Lorho. Qui s’est distinguée avec un colloque sur le « transhumanisme » et une proposition de loi sur le « génocide » des Chouans !
Alors qu’entre Reconquête et le RN, c’est la « nuit des longs couteaux », chez Lorho, il y a comme un « pacte de non-agression ». Elle qui a parrainé Zemmour a pour suppléant le maire RN de Camaret-sur-Aigues, Philippe de Beauregard, et le soutien de Bompard. Qui, dans la 2e « circo », soutient le patron de Génération Z, Stanislas Rigault, parachuté avec pour suppléante Marion Maréchal. Un duo qui aura en face un candidat frontiste.
Le patron de Reconquête en Paca Patrick Isnard ne trouve rien à redire : « Bompard estime que sa suppléante est la meilleure candidate pour cette circo. Et fait le même raisonnement pour Rigault. Qui, ne l’oublions pas, est un soutien de la première heure. » L’absence d’accord avec le RN reste toutefois pour lui « ubuesque. Les électeurs veulent un rapprochement. Localement, les élus se parlent. Mais, à Paris, pour Marine Le Pen, c’est niet. On va donc présenter des gens partout. La campagne va être plus dure qu’elle ne devrait l’être ».
Emblématique de cette guerre « fratricide » ? Les Alpes-Maritimes. Au grand dam de Marine Le Pen, l’ancien identitaire et conseiller régional RN niçois Philippe Vardon a osé suggérer que la question d’une entente avec Reconquête fasse l’objet d’un vote. Résultat ? « Vous savez qui le RN présente dans sa circonscription ? Benoît Kandel ! L’ancien responsable pour le 06 de Reconquête qui l’a quitté parce qu’il craignait l’arrivée de Vardon et ne voulait pas d’un rapprochement avec le RN, s’étrangle Isnard. Alors on va soutenir… Vardon ! » Qui a porté plainte contre Kandel pour avoir diffusé « l’adresse personnelle » de l’ancien du « Bloc ». A Menton aussi, Reconquête présente un ancien identitaire, Damien Rieu. Mais pas question d’opposer quelqu’un face au très droitier Eric Ciotti (LR)…
« Ce sont toujours les mêmes »
Dans le Var, après avoir hésité, Zemmour se lance en se présentant à… Saint-Tropez ! Face à lui, un frontiste de poids, Philippe Lottiaux. « Tout le monde lui conseillait de ne pas le faire. Mais, c’est son côté bonapartiste. Comment être le chef si on n’est pas à la tête des troupes au combat ? », s’enthousiasme Isnard. Tout en restant prudent : « Si on fait plus de 10 % pour une formation aussi jeune que la nôtre, ce serait déjà formidable ! »
Au RN aussi, on la joue « modeste ». Au soir du 2ème tour de la présidentielle, devant le local marseillais, ça fait grise mine. Le patron de la « fédé » Franck Allisio n’est pas là, l’historique Bernard Marandat renâcle à répondre aux journalistes. Seul le martégal Emmanuel Fouquart se plie à l’exercice. Ou le tout-terrain Maximilien Fusone espérant être investi. Perdu ! C’est l’ancien maire de Cabriès et transfuge Hervé Fabre-Aubrespy qui sera désigné : « Oui, j’étais candidat, soupire Fusone. Mais il y a quelqu’un de plus expérimenté et la commission a tranché. »
Conséquence du départ du RN du sénateur marseillais Stéphane Ravier, hormis quelques historiques, on oscille entre casting renouvelé et « seconds couteaux ». Fouquart (qui devra affronter celle aux côtés de laquelle il siège au conseil municipal) relativise : « On a voulu présenter des gens implantés, des élus. On n’a qu’un parachuté, léger, à Arles, Emmanuel Tache de la Pagery qui vient du Gard. » Un proche de Sébastien Chenu et ancien de GayLib. Et quand on pointe l’absence d’un « ancien » comme Marandat, Fouquart élude : « C’est l’évolution des élus… » S’il y en a un qui s’est étranglé, c’est Allisio. Qui se présente dans une circonscription plutôt favorable, celle de Marignane. Mais il fulmine. En Marche ne présente personne face au député sortant LR Eric Diard. Allisio doit aussi faire face au zemmouriste Jacques Clostermann, ancien aviateur qui, en 2017, avait empêché le parachutage du frontiste Jean-Lin Lacapelle.
Si Jordan Bardella a pu railler les hésitations de Zemmour, chez le polémiste, on fustige le peu d’ambition du RN : « Ensemble, on aurait été plus fort. Là, Marine ne vise qu’une chose, 15 députés et donc un groupe pour sauver sa boutique », fulmine le responsable régional. Même si certains évoquent à mots couverts, entre extrême droite et droite extrême, de possibles désistements au 2e tour au profit du candidat le mieux placé. Avant de se raviser : « Même si on sait que ça n’arrivera pas… »
Une situation qui ne surprend pas la chercheuse spécialiste de l’extrême droite Christèle Lagier : « Ils sont tout simplement conscients de leurs limites. Certes, ils font de très bons scores et quand ils s’installent, en appliquant la méthode « Bompard », c’est très difficile de les déloger. Mais leur faiblesse, c’est qu’ils n’ont que peu de capacité d’encadrement. Regardez les candidats, ce sont toujours les mêmes ! D’ailleurs, au-delà de l’erreur stratégique de Marion Maréchal ou le risque que prend Zemmour, quand on voit Vardon soutenu par Reconquête et que le RN présente face à lui l’ancien responsable local du parti d’Eric Zemmour, c’est l’illustration de l’expression « bonnet blanc et blanc bonnet » ! »