Départementales : gare aux sorties de route !
« J’y vais jamais ! C’est plein de boue, ça sent mauvais ! », disait Jean Yanne à propos des départementales. Jean-Noël Guérini, lui, se frotte les mains : « Je ne suis jamais aussi bon qu’en campagne. » Le président multi-mis en examen du CG 13 est, sans surprise, « candidat à [sa] propre succession ». Assurant que son parti, « la Force du 13 », sera « partout », l’ancien socialiste fanfaronne : « Il y aura bien des binômes PS/Force du 13. Et je discute aussi avec le PC et des personnalités qui ne sont pas de gauche. »
Denis Barthélémy boit du petit lait. S’il est réélu, le conseiller général PS (Marseille-Saint Marcel) votera « sans état d’âme » pour Guérini. Quand sont évoquées ses casseroles judicaires, il sourit : « Carlotti, elle ne vient pas d’être mise en examen ? » (1) Et de confier : « En politique, il y a des valeurs. Mais aussi des compromis. » C’est ce que n’a pas supporté Sofiane Zemmouchi. Cet ancien du staff de Patrick Mennucci, vient de quitter le PS et affrontera Barthélémy en « candidat libre ». Non sans avoir écrit à Solférino pour dénoncer une « mascarade » : « On a tout fait pour me dissuader d’être candidat. Et après avoir fait mine de se retirer, Barthélémy a été désigné sans passer par le vote des militants ! »
Pas d’états d’âme
Dans le prolongement de l’appel d’une vingtaine de conseillers généraux PS à faire alliance avec Force du 13 et malgré les injonctions au national du PS, les prises de position pro-Guérini se sont multipliées. Hervé Chérubini, à Saint-Rémy-de-Provence, comme Jean-Louis Canal, au Rousset, ont expliqué qu’ils rouleraient pour lui. Lors de ses vœux, Canal a mis en avant « l’aide aux communes » et les « 14 millions d’euros » du CG. Et un responsable du PS de noter, malicieux : « Quelques jours plus tard, il était en photo dans La Provence pour la signature avec Guérini du contrat départemental d’aménagement… » Jean-Louis Canal, droit dans ses bottes : « Ceux qui contestent la politique du CG ne sont pas nombreux. Il n’y a pas de gestion clanique. Mon adversaire UMP, le maire de Trets, a signé un contrat d’objectif qui fait le double du mien. Je n’ai donc pas d’états d’âme. »
A Aix-en-Provence aussi, c’est le bazar depuis qu’André Guinde a décidé de partir en campagne, sans le soutien ni l’étiquette du PS, en ne faisant guère mystère de son soutien à Guérini. De quoi faire hurler les jeunes socialistes. Et soupirer Edouard Baldo, tête de liste socialiste aux municipales : « J’aurais aimé qu’on présente un candidat PS face à lui. Mais on s’achemine vers un soutien à la liste EELV-Front de gauche. »
Jean-David Ciot, le patron du PS 13, déplore ces désaffections. « Mais je ne peux forcer personne à rester, explique-t-il. Il n’y a pas d’accord au niveau départemental avec Force du 13. On ne va pas pour autant soutenir la droite ! » Et celui qui vient d’être relaxé aux côtés du président du CG (2), d’avouer : « Je ne vais pas me servir de Guérini pour faire le ménage au PS ni faire partir tout le monde. S’il est réélu à la tête du CG, en 2017, il faudra bien qu’il lâche, pour cause de cumul, un mandat. Et ça m’étonnerait qu’il abandonne le Sénat… »
« On va se décrédibiliser »
De quoi faire bondir Pierre Orsatelli, de Renouveau PS 13 : « Pas besoin d’accord au niveau départemental quand il y en a un canton par canton puisqu’ont été investis des candidats ayant ouvertement appelé à faire alliance avec Force du 13. D’ailleurs, quand j’ai voulu me présenter face à Guérini, ma candidature n’a même pas été retenue. » Il a toutefois renoncé à porter l’affaire en justice : « La judiciarisation de la vie politique, ce n’est pas forcément une bonne chose. »
Au Front de gauche, aussi, ça tiraille. Si, pour le parti de gauche, « Guérini, vu son alliance avec l’UMP, ne peut être considéré comme un partenaire », au PC, c’est beaucoup moins clair. « Notre volonté, ce n’est pas de laisser aux électeurs pour seul choix que le FN et l’UMP mais de conserver à gauche une collectivité dont la politique a été, jusque-là, plutôt favorable à la population, explique Jean-Marc Charrier, le patron du groupe communiste au CG. Après, qui sera président, on verra. Il n’y a, pour l’heure, ni accord avec le PS, ni avec Force du 13. N’anticipons pas des questions qui ne se posent pas. Et, pour le reste, laissons la justice faire son travail. »
Reste que pour David Grzyb, du PS à Arles, « si on attend le soir du 2ème tour pour savoir quoi faire, on va se décrédibiliser. Ma crainte, c’est la « varoïsation » des Bouches-du-Rhône avec une gauche ne dépassant pas les 10 %. Qu’on ne trouve pas dans le 13 un candidat digne de ce nom pour succéder à Michel Vauzelle à la Région en dit long… » Et tandis que Martine Vassal, chef de file de l’UMP pour les départementales, estime que « le PS et Force du 13, c’est bonnet blanc et blanc bonnet », un vieux socialiste soupire : « Ce n’est pas un boulevard qu’a le FN, c’est une avenue. » Guérini, lui, vient d’inaugurer son local juste à côté d’un rond-point. Et le PS, à force de slalomer, est déjà dans le fossé.
1. La députée PS de Marseille a été mise en examen, le 11 décembre, pour « injure publique à caractère racial ».
2. Ciot et Guérini étaient poursuivis pour le licenciement du premier par le second.