Au festival des élections locales
Le grand silence
C’est le fait majeur des scrutins des 20 et 27 juin : une abstention spectaculaire rendant les résultats quasiment illisibles et le flot de commentaires, les nôtres inclus, presque absurde. 66,7 % des électeurs inscrits ne se sont pas exprimés lors des élections régionales au premier tour en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Et malgré une couverture médiatique nationale du duel entre Renaud Muselier, le président LR sortant, et Thierry Mariani, tête de liste de l’extrême droite (RN), les abstentionnistes étaient encore 63,2 % au second tour. Les Bouches-du-Rhône ont battu en Paca, le 27 juin, le record d’abstention avec 64,69 % de pêcheurs à la ligne. On vote ? Silence !
Pour une poignée de dollars
Rarement les sondeurs ont autant vendu d’études pour pronostiquer les résultats d’une élection régionale avant un premier tour en Paca. Sans exception, ils ont tous totalement échoué à estimer les résultats. Ils annonçaient systématiquement au premier tour l’extrême droite en pôle position avec une avance d’une dizaine de points, là où elle a été « seulement » à l’arrivée de 4,5 points. Ils calculaient une victoire du RN ou un match serré, dans tous les scénarios, au second tour. In fine, le front républicain, bien aidé par l’abstention, a permis à Renaud Muselier, comme il y a six ans à Estrosi, une belle remontada. Nous sommes donc prévenus avant la présidentielle : arrêtons une fois pour toute de prendre au sérieux les Cassandre des instituts de sondage !
L’homme qui rit
Renaud Muselier sauve sa peau. L’éternel second, longtemps dans le sillage de Jean-Claude Gaudin auquel il rêvait de succéder comme maire de Marseille, héritier de Christian Estrosi à la tête de Paca, avait tout à perdre en cas de défaite. Le voilà cette fois-ci bel et bien adoubé par les électeurs à la tête de l’exécutif régional. Il est arrivé en pôle position dans les six départements de Paca, y compris dans le Vaucluse. Une première pour la droite ! Et en apparence avec le style : il obtient plus de treize points d’avance sur Thierry Mariani et un confortable 57,43 %. Mais en raison de l’abstention, seuls 704 426 électeurs l’ont élu, 20 % des inscrits, sur près de 3 600 000 personnes inscrites. Soit presque 200 000 voix de moins que celles obtenues, en 2015, pour le FN par Marion Maréchal (nous voilà) Le Pen et 400 000 de moins que celles rassemblées par Christian Estrosi. A noter : près de 3 % des électeurs inscrits (environ 90 000 bulletins) ont opté au second tour pour un vote nul ou blanc.
Massacre au grand canyon
A l’échelle nationale, jamais le parti d’un président en exercice n’avait pris une veste pareille lors d’une élection intermédiaire sous la cinquième République : 7 % des suffrages. En Paca, LREM après un long psychodrame orchestré depuis Paris a sabordé avant le premier tour la candidature de Sophie Cluzel, sa tête de liste, pour soutenir Renaud Muselier : « un exemple de recomposition politique » selon Jean Castex, le Premier ministre. A l’arrivée, le macronisme semble surtout s’être dissous dans la droite traditionnelle. Les marcheurs se contenteront en Paca de quelques strapontins. Les LR, un temps au bord de l’éclatement, sortent des élections renforcés. Mais Renaud Muselier restera marqué comme l’homme prêt à s’allier avec Emmanuel Macron. Premier test : parviendra-t-il à se faire réélire, en septembre, président des régions de France ?
El mercenario
Le profil « dédiabolisé », après la sulfureuse Marion Maréchal (nous voilà) Le Pen en 2015, de Thierry Mariani, transfuge de LR, de l’UMP et du RPR, n’a pas permis au FN, rebaptisé RN, de conquérir le pouvoir en Paca. L’abstention, touchant plus l’électorat populaire, a défavorisé l’extrême-droite. Et l’implantation locale n’y a rien changé : à Fréjus par exemple, ville dirigée par David Rachline (RN) où Marine Le Pen est venue soutenir Mariani, 63,1 % des électeurs n’ont pas jugé utile de se rendre aux urnes. A l’extrême droite, la concurrence de la liste « Zou » de Valérie Laupies, pro Zemmour, soutenue par Jacques Bompard à Orange, n’a pas eu grand effet avec 1,66 %. A noter : comme en 2015, le Ravi, dont les journalistes sont pourtant titulaires d’une carte de presse, a été interdit d’accéder au quartier général du RN lors des soirées électorales le 20 juin, au Pontet, et le 27 juin, à Marseille. Au RN, tout change, rien ne bouge !
Mon nom est personne
Jean-Laurent Félizia avait été choisi par les militants EELV de Paca, lors d’une élection interne mouvementée, sur deux promesses : fédérer tous les écologistes de la région avant de rassembler la gauche, se maintenir au second tour. Son pôle écologique a explosé avec le départ et la candidature, sur sa droite, de Jean-Marc Governatori (5,28 %, « Écologie au centre »). Le rassemblement écologique et social a bien fédéré de très nombreux partis (EELV, PS, PCF…) mais en laissant sur le bord les Insoumis, des écologistes, des collectifs (Mad Mars…) et toute dynamique citoyenne. Autant d’électeurs qui se sont abstenus ou ont parfois voté Isabelle Bonnet (2,76 %, Lutte ouvrière) ou Hervé Guerrera (2,18 %, « Oui la Provence »). A l’arrivée, Jean-Laurent Félizia avec 16,89 % (195 224 voix) rassemble moins que les 23 % (410 523) obtenus en 2015 par Christophe Castaner (PS, 16,57 %) et Sophie Camard (EELV, PCF, citoyens, 6,54 %). Et Félizia s’est résigné à se faire hara-kiri au second tour en appelant à voter Muselier pour faire barrage à l’extrême droite… Comme depuis 2015, la gauche disparaît du Conseil régional jusqu’en 2027.
Saludos hombre
En arrière-plan des régionales, marquées aussi par le même niveau astronomique d’abstention, les élections départementales : la prime aux « pros », aux sortants, aux notables, aux appareils politiques, y a joué à plein régime. LR conforte son hégémonie en réalisant un grand chelem en Paca : la droite dirige officiellement les six départements en Paca. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, le président sortant socialiste de la région, René Massette, avait préparé le terrain car la droite était une composante de sa majorité. C’est elle, désormais, qui dirige le département, ce qui n’était pas arrivé depuis 23 ans, avec l’élection de la première femme élue à ce poste dans le « 04 » : Eliane Bareille. Quant aux « marcheurs » de LREM, dans cet ancien fief de Christophe Castaner, ils sont, ici comme ailleurs, inexistants.
Ringo au pistolet d’or
La gauche a gagné le Vaucluse mais reste à droite ! Depuis 2015, LR ne dirigeait le département que parce que Maurice Chabert était le doyen d’âge faute de majorité. LE 27 juin dernier, la gauche a emporté sept cantons contre six pour la droite. Mais Anthony Zilio le maire de Bollène, élu avec le soutien de l’union de la gauche, a rallié Dominique Santoni, la maire LR d’Apt, qui devient donc présidente. Jean-François Lovisolo, maire PS de la Tour d’Aigues, devra se contenter de siéger dans l’opposition. L’extrême droite, battue à Bollène par Zilio, conserve pour la Ligue du Sud son fief à Orange et pour le RN, celui du Pontet où le lanceur d’alerte Philippe Pascal n’est pas parvenu à réveiller les abstentionnistes.
Zum zum zum
Dans les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, les Hautes-Alpes et le Var, on prend les mêmes et on recommence ! Les quatre présidents LR sont mal réélus en nombre de voix, avec l’effondrement de la participation, mais triomphent en pourcentages exprimés et en sièges obtenus. Martine Vassal, dans les Bouches-du-Rhône, est plébiscitée par 43 élus, en fédérant droite, LREM, centre et même apparentés à gauche, comme à Istres, Grans et Saint Cannat. Gauche et écolos, représentés par Anthony Krehmeier (PS) doivent se contenter de treize élus, et le FN de deux. Le PCF conserve les siens à Martigues. A Marseille, où le maire Benoit Payan (PS) est confortablement élu en binôme avec Sophie Camard (GRS), il n’y a pas eu de véritable effet « Printemps » dans le sillage des élections municipales. Sur les sommets des Hautes-Alpes, la gauche n’ayant conservé que deux cantons laisse à Jean-Marie Bernard une confortable réélection. Dans les Alpes-Maritimes et le Var, le psychodrame chez LR, avec la démission de Christian Estrosi et Hubert Falco, n’a pas favorisé le RN qui ne conserve que deux élus dans le 83 au lieu de six, et aucun dans le 06. Le Varois Marc Giraud, l’ombre de Falco, rempile également. Du côté des Alpes-Maritimes, Charles-Ange Ginésy récidive aussi. Son principal souci sera de réguler la guerre entre les partisans des deux frères ennemis niçois : Christian Estrosi, le maire, et Eric Ciotti, le député…
Tous les titres sont empruntés aux « trois Sergio », les maîtres du western italien : Sergio Leone, Sergio Corbucci, Sergio Sollima.