La démocratie confinée
La veille, à l’heure du goûter, sur la Plaine, au cœur de Marseille, la police rappelle aux familles qui osent sortir leurs enfants comme d’autres leur chien qu’on est en « période de confinement », qu’ils « comprennent » mais qu’on ne « se rend pas compte ». Le lendemain, une chorale vient rappeler, avec la distance nécessaire, qu’aurait dû se tenir le carnaval. La Bac surgit. La police a troqué ses arguments pour la lacrymo. Et hurle : « Rentrez chez vous ! » Depuis, des drones avec haut-parleur viennent compléter les patrouilles.
L’après-midi est adopté l’état d’urgence sanitaire. Qui prévoit, pour les rétifs au confinement jusqu’à six mois de prison. De quoi faire hurler l’Insoumis marseillais Jean-Luc Mélenchon. Alors que le Syndicat de la magistrature vient d’analyser en profondeur ce texte, le défenseur des droits comme le contrôleur des prisons ont publié une tribune : « Sauvegardons les droits fondamentaux pendant la crise sanitaire », insistant sur la situation dans les prisons, les centres de rétention et pour les plus vulnérables.
C’est sur leur sort qu’a été interpellé le maire LR de Nice, Christian Estrosi, premier à dégainer le couvre-feu. De quoi ulcérer la militante Teresa Maffeis. Comme David Nakache, de la liste citoyenne Viva ! : « Nice, c’est la ville du tout sécuritaire. Les caméras, les drones, la plus grosse police municipale de France… Alors, face à une crise, même sanitaire, le réflexe, il est sécuritaire. » Et de déplorer : « Pour modifier le calendrier électoral, tout le monde est consulté. Mais pour confiner le pays, ça passe par ordonnance ! »
Protection solidaire
Même méfiance d’Henri Rossi, le responsable Paca de la Ligue des Droits de l’Homme, inquiet de voir « le Conseil d’État dire à l’exécutif d’aller plus loin alors qu’il est là pour garantir les libertés ! » Et de promettre la mise en place d’un « observatoire citoyen », la LDH pointant un « état d’urgence » qui donne au gouvernement « des pouvoirs extrêmement larges et donc dangereux ».
A Marseille, collectifs, syndicats et associations ont lancé une pétition en faveur d’une « protection solidaire » en prévenant : « Nous resterons vigilants et solidaires afin qu’aucune mesure liberticide ne soit prise et que l’information, le dialogue et la prévention soient privilégiés plutôt que la coercition. »
Pas gagné quand certains rêvent de croiser données sanitaires et déplacements individuels. Mais, comme nous l’explique une gamine haute comme trois pommes : « Quand les policiers vont manger, on peut aller se promener ! » Sur les façades fleurissent des banderoles. Et désormais, à 20 heures, les applaudissements s’accompagnent de plus en plus de slogans.