A l’école de la désobéissance… civile
Si vous cherchiez un endroit où apprendre à ne plus obéir, il fallait être à la salle polyvalente de La Base, ce jeudi matin, pour un atelier dans le cadre d’un « camp climat et luttes sociales » qui se déroule du 13 au 18 juillet à Marseille. A l’initiative d’Action non-violente Cop 21 (ANV Cop 21) et d’Extinction Rébellion Marseille, une poignée d’apprentis activistes s’y est initiée à la lutte non-violente… Dans ce lieu dédié « à la transition vers une société plus juste et plus durable », les murs ont la parole et donnent le ton avec de multiples slogans – « L’utopie, c’est croire qu’on peut continuer comme avant ! » – ou bien les quatre portraits des derniers présidents chantant en chœur « 20 ans de climat Bla-Bla-Bla ya Basta ! »
Actions illégales mais légitimes
Tout le monde connaît la formule « nul n’est censé ignorer la loi ». Mais si elle donne la responsabilité à chacun de connaître les règles pour pouvoir les faire appliquer et les respecter, quelle serait la bonne maxime pour ceux qui décident de « résister et de proposer des alternatives au manquement de la volonté politique » ? Seront-ils perçus et réprimés comme de dangereux révolutionnaires ? Dans la salle de La Base, les profils sont tout aussi pacifiques que déterminés. Tous ont décidé de se former à ce que Gandhi et Martin Luther-King ont pu faire par le passé : au changement de la société par des actions non-violentes de désobéissance civile.
Ici, les accords de Paris sur le climat de 2015 (Cop 21) sont au centre des préoccupations. « Le taux de CO2 a doublé depuis des années, il n’y a pas de sanctions contre les pays pollueurs et nous allons faire face à la 6ème extinction de masse », expose Mathieu Leroy, formateur du collectif Extinction Rébellion Marseille. La planète se réchauffe jour après jour alors « il est temps d’agir par des actions qui ne sont pas forcément légales, mais qu’on considère légitimes », ajoute Julia (1), formatrice d’ANV Cop 21.
C’est à cause de l’inactivité des dirigeants que ces Marseillais, qui n’ont pas tous d’expérience dans le militantisme, disent vouloir passer à l’action. « L’enjeu climatique, c’est aujourd’hui que ça se passe. Et pour réagir il faut que ça vienne du bas de l’échelle, c’est la seule chose qui nous reste », lance Chantal (1), ancienne enseignante qui a décidé de se consacrer pendant un an à la cause du climat.
Surmonter la peur
Les sit-ins, les blocus, les occupations, les banderoles… La recette pour une bonne action non-violente est complexe, mais les ingrédients restent les mêmes. Il n’y a pas de place pour l’improvisation. « On ne fait pas une action sans objectif précis », scande Julia. Qu’elles soient symboliques ou politiques, les manifestations climatiques non-violentes ont lieu en bande… organisée. Chacun a son rôle défini selon ses envies et ses capacités comme le « média-activiste », qui s’occupe de la médiatisation de l’action, les porte-paroles, les « bloqueurs », pour entraver par exemple l’accès à un bâtiment, et aussi les « street-médics » pour venir en aide aux victimes en cas d’une réponse musclée des forces de l’ordre.
« J’aimerais agir, mais j’ai peur de la violence en face », reconnaît Edwige (1), novice en la matière. Aujourd’hui, rares sont les policiers qui s’émerveillent à l’arrivée d’activistes. Mais dans ce genre d’actions, expliquent les formateurs, il ne faut pas avoir le sang chaud. Il faut savoir encaisser et garder en tête le plan de base : faire passer un message. S’ils avaient séché les cours de droit à l’école, les apprentis militants ont donc eu droit à un petit rattrapage accéléré. Que faire quand on se fait arrêter ? Que dire ? Qu’est-ce qu’on peut demander ? Comment se passe une garde à vue ? La règle d’or, c’est de ne jamais donner d’informations sur les copains. « Quand un policier vous parle, répondez-lui : “Je n’ai rien à déclarer!” », prévient Mathieu Leroy.
Après trois heures d’intense apprentissage et grâce aux nouvelles compétences théoriques acquises individuellement, les futurs activistes pourront se mettre à l’action – ce qui a été très difficile à cause du Covid depuis plus d’un an – dès la rentrée de septembre. L’installation d’un très grand entrepôt d’Amazon dans le Gard, le recours au tribunal administratif concernant l’extension de l’aéroport Marseille-Provence de Marignane, le dossier de l’usine Altéo et de ses rejets dans les calanques… Autant d’occasions de mobilisation où le climat sera impacté ! Renaud Muselier, fraîchement réélu président de Paca, s’est fièrement félicité de l’accueil du congrès mondial de la nature à Marseille du 3 au 11 septembre prochain. Ce qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd !
1. Les prénoms ont été changés