Le FO-lklore continue
La lune de miel n’aura pas duré longtemps entre le Printemps marseillais (PM) et les organisations syndicales de la ville de Marseille. Si toutes ont dans un premier temps apprécié les bonnes manières de la nouvelle majorité, dès décembre l’entente s’est fissurée avec la mise en place d’un protocole sur le droit de grève dans les écoles et dans les crèches, contesté jusque dans la majorité. « Expliquer aux agents qu’ils ont besoin d’eux, c’est juste et ça fait gagner du temps. Mais avec ce protocole, ils se sont fragilisés », juge le retraité Pierre Godard, figure historique du syndicalisme marseillais (CGT, CFDT puis FSU).
Rejeté par la FSU et la CGT parce qu’attentatoire au droit de grève, le protocole a été paraphé par Force ouvrière, l’éternel « syndicat majoritaire », la CFTC / CFE-CGC et l’Unsa. Mais depuis le vote du texte le 8 février, assorti de quelques cadeaux aux agents et de promesses d’embauches, chez certains signataires ça grince. « Même si je pense que les élus n’arrivent pas à fermer le robinet entre l’administration et FO, pour nous la cogestion continue », tranche Ludovic Bédrossian, le président de la section CFTC de la ville, faisant référence au lien étroit qui liait la majorité Gaudin et les dirigeants FO. « On teste, en étant vigilant et en mettant la pression, car ils essaient de maintenir le système », explique désormais Yanis Darieux, son homologue de la FSU. On a connu accueil plus enthousiaste…
FO semblants
Il faut dire que Patrick Rué, le secrétaire général des territoriaux FO, a ressorti ses vieilles méthodes. Comme la publication en primeur sur les réseaux sociaux des contre-parties au protocole ou d’une photo de lui en compagnie de Benoît Payan la veille du conseil municipal de février. De quoi faire hurler Ludovic Bédrossian, qui a demandé un rendez-vous – resté sans réponse fin février – au chef de cabinet du nouveau maire PS de Marseille et interpellé la DRH de la ville. « On nous reçoit, on nous sourit mais il y a toujours des contacts privilégiés entre FO et la mairie », peste le responsable CFTC. Réponse agacée de Patrick Rué : « Il y a peut-être de la cogestion, mais il y a aussi du travail. Sur le travail de nuit de la police municipale ou sur les crèches, on est seul. Alors, on nous répond et on avance. » Et de s’amuser : « La photo était vieille, c’était de la provocation. »
Un « folklore« , pour reprendre le mot du patron des territoriaux FO, qui questionne plus largement la gestion même des relations sociales par le PM. « La nouvelle majorité refuse de recevoir tous les syndicats ensemble, ce qui sème le doute sur le niveau d’information des uns et des autres », dénonce Pascale Beaulieu, responsable CGT de la ville. Et d’interroger : « Nous répéter que FO est le syndicat majoritaire, qu’est-ce que ça sous-entend alors ? » Pour Patrick Rué c’est clair : « Que tous les syndicats ne sont pas sur un même pied ». Pourtant, la large majorité de son syndicat – 44 % aux élections professionnelles de 2018, loin devant la CFTC/CFE-CGC (15%) – est justement représentée dans les instances paritaires : elle dispose de huit sièges sur quinze au comité technique et d’une majorité quasi absolue au comité d’action sociale de la ville.
FO départ
L’affaire de la prolongation d’activité du secrétaire général de FO est donc devenue symbolique de la situation. Voire caricaturale. Comme nous l’avons raconté sur leravi.org, ce dernier a demandé de différer son départ à la retraite pour achever ses mandats syndicaux locaux et nationaux. Une dérogation déposée alors que la justice s’intéresse de près à « la vieille garde » de Gaudin. La majorité présidée par Payan aurait accordé cette prolongation, ce que la mairie n’avait toujours ni confirmé ni infirmé au moment du bouclage de cet article. Si certains agents envisagent de contester la décision devant la justice, l’histoire a fait d’autant plus de bruit que Patrick Rué a en plus eu les honneurs de la Chambre régionale des comptes en 2019. Dans son rapport sur la gestion du personnel de la ville, celle-ci s’interrogeait sur les conditions de sa promotion au grade d’ingénieur en 2017 (révélée par le Ravi, Cf n°156).
La campagne de promotion actuellement en cours va être un indicateur des relations entre la nouvelle majorité et FO. Benoît Payan aurait donné des gages. « Il a assuré qu’il ne s’en occuperait pas et qu’il n’y aurait plus ni passe-droits ni de promotion de dernière minute », explique Pascale Beaulieu de la CGT. Mais la responsable syndicale reste prudente. Les nouveaux critères votés en novembre en comité technique, dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique, qui a aussi accouché du protocole sur la grève, n’ont pas convaincu. « Des critères objectifs comme l’âge, l’ancienneté, la formation ont été instaurés, mais sans obligation de les prendre en compte. C’est toujours l’évaluation par le N+1 (le supérieur hiérarchique direct, Ndlr), par essence subjective, qui prime », résume Yanis Darrieux de la FSU.
« L’application pleine et entière de la loi sur les promotions aurait dû être la première réforme de la nouvelle majorité », insiste Pierre Godard. Pour lui, un autre dossier va servir de test : la réorganisation annoncée de l’administration, que FO a refusé de voter. Et de prévenir : « Il faut s’intéresser à tout le management. S’il n’y a qu’un changement à la tête des directions générales, FO aura les dossiers en même temps que le cabinet. » Malgré nos multiples relances anticipées, auprès des élus, du service presse et du cabinet du maire, la ville de Marseille n’a pas répondu à nos sollicitations.