« Aix n’est pas une principauté ! »
09:26
Depuis le début de la crise sanitaire, les conseils municipaux d’Aix-en-Provence ont été délocalisés à la Cité du livre. Ce qui vaut une petite suée matinale au reporter du Ravi, qui a pris ses distances avec les coutumes locales depuis quelques années.
09:43
Des applaudissements sortent de la grande halle où se tient le conseil. A l’arrivée du Ravi, avec à peine le quart d’heure marseillais de retard, Arlette Ollivier s’installe à la table réservée au maire, sous le regard satisfait d’Emmanuel Macron, dont le portrait officiel est posé sur un chevalet. Doyenne de l’assemblée, elle va présider la séance pendant le vote de l’élection du nouveau maire d’Aix. L’inénarrable Maryse, maire (UDF, UMP puis LR) depuis 2001 a démissionné le 1er septembre pour raisons de santé, et judiciaires selon les mauvaises langues. Le 29, la cour de cassation doit rendre sa décision sur sa condamnation en appel à huit mois de prison avec sursis et trois ans d’inéligibilité pour « abus de biens sociaux », en ayant notamment favorisé la promotion de son chauffeur personnel.
09:47
Stupeur ! Visiblement émue, Arlette Ollivier annonce qu’il n’y a « pas de candidat » pour l’élection du nouveau maire. Un peu en retrait sur sa gauche, Sophie Joissains lève timidement la main : « Si, moi. » La salle sourit. À 51 ans, l’ex-sénatrice (UDI), vice-présidente à la métropole et à la région, est la troisième Joissains à briguer le trône d’Aix-en-Provence. Avant sa mère, Alain, son père, y a siégé de 1978 à 1983. Aix n’est pas la ville d’un roi pour rien !
09:50
Campée dans un tailleur-pantalon blanc, l’opposante et députée LREM Anne-Laurence Petel (Aix au cœur, 9 élus) se lève et annonce sous les applaudissements : « Nous avons décidé de ne pas participer à ce que nous appelons une désignation ! » Dans la foulée, l’ex socialiste Marc Pena (Aix en partage, 6 élus) annonce que son groupe boude également « un processus inapproprié et illégitime. » Curieusement, lui est hué…
09:54
Les deux opposants tiennent conférence de presse à l’extérieur du bâtiment. Pendant qu’Anne-Laurence Petel fustige une élection « légale mais illégitime », les élus d’Aix en partage affichent des pancartes « Aix n’est pas une principauté ». Marc Pena s’étonne de son côté du timing : un tour de passe-passe selon l’ex doyen de la fac de droit d’Aix à quelques jours d’une décision judiciaire. Selon la mythologie familiale, la justice a une dent contre la famille Joissains : Alain a été condamné, en 1986, à deux ans de prison avec sursis pour abus de biens sociaux, et son contrat de directeur de cabinet de sa femme (2001-2008) a été annulé par la justice à cause d’une rémunération particulièrement généreuse…
09:56
A l’intérieur, le vote commence. Dans le public quelques amis de marque ont fait le déplacement : Jean-Christophe Lagarde, le président de l’UDI, la formation de Sophie, Renaud Muselier, le président LR du Conseil régional, Nicolas Isnard, le maire LR de Salon-de-Provence, et même le socialiste Michel Pezet, ancien président de la région et candidat malheureux aux municipales de 2008 face à maman.
10:14
Les résultats tombent : 39 votants, 38 voix pour, une abstention. Personne ne relève le vote blanc, mais tout le monde se lève pour ovationner la nouvelle maire d’Aix-en-Provence. Dans sa veste blanche et son pantalon noir, Sophie est visiblement emportée par l’émotion : droite comme un « I », les épaules tremblantes, au bord des larmes.
10:21
Écharpe tricolore en bandoulière, Sophie Joissains achève son discours d’intronisation la larme à l’œil. Elle a rendu un vibrant hommage à sa mère – « un maire immense, bâtisseur, qui n’a renoncé à aucun sacrifice pour Aix » – avant de conclure : « C’est un jour fort, profondément douloureux. » Le silence pesant est finalement balayé par une nouvelle ovation.
10:25
C’est la ronde des félicitations, dans laquelle les accolades sont parfois très appuyées et plus tristes que joyeuses. Renaud Muselier est très tactile : avant d’entraîner la nouvelle maire d’Aix vers sa conférence de presse le bras autour de ses épaules, il a enlacé les anches d’une grande brune. La veille, le service de presse de la région annonçait pourtant qu’il limitait ses sorties publiques à cause d’un Covid particulièrement virulent.
10:34
Alors que Sophie Joissains est relancée sur les accusations en illégitimité de son opposition, Renaud Muselier se lève et coupe la parole à la nouvelle maire. Plus machiste que chevalier. « Je suis extrêmement surpris, s’emporte le médecin. Une élection n’est pas un meeting et personne n’a contesté celle de Marseille ! » Sophie ne bronche pas, mais pas sûr que l’ex dauphin de Jean-Claude Gaudin aurait apprécié une situation inverse…
10:50
Fin d’une conférence de presse fade, juste relevée par l’annonce de la nouvelle maire d’Aix de sa volonté de se représenter en 2026 et de son souhait de marcher dans les pas de sa mère, en particulier en ce qui concerne son opposition à toute réforme métropolitaine.
11:03
C’est le moment des selfies de la nouvelle maire avec les élus et le public. Dos droit et ventre en avant, foulard rouge autour du cou, Alain Joissains fend la foule pour rejoindre sa fille. Il n’obtiendra pas plus qu’un petit geste d’affection.
11:17
L’UDI tient un conciliabule. A l’image des troupes du groupuscule du centre, ils sont six autour de leur président.
11:36
La préfecture n’ayant toujours pas validé son élection, Sophie Joissains poursuit ses mondanités. Son opposition a elle finalement trouvé refuge au Café Méjanes, mais toujours sans se mélanger.
11:53
Les urbanités achevées, la « fille de » rejoint la place du maire et de sa mère. Une fonctionnaire la débarrasse rapidement du petit panneau annonçant « Maryse Joissains-Massiny ». Derrière, un trio de jeunes papote. Sur le sweat d’un des deux, un « UNI » en majuscules et en rouge, le sigle d’un syndicat étudiant de la droite de la droite. Comme l’a raconté le Ravi (Cf « exclu web » en juin 2020), leur responsable local figurait en 50e position sur la liste de Maryse !
12:12
Sophie prend le micro. « Vous voulez bien reprendre vos places », tance la nouvelle maire. Avant de s’inquiéter : « Nous avons le quorum ? » Si les rangs du public se sont bien vidés, ceux de la majorité sont encore largement garnis. L’opposition brille, elle, toujours pas son absence.
12:15
Les benjamins de l’assemblée – trois gars et une fille – rejoignent la table du vote pour l’élection des adjoints, au centre de la halle.
12:28
Résultats : à part une inversion des rôles avec sa mère, Sophie a gardé l’équipe de Maryse. Cette fois, pas une voix ne manque. Dans la foulée, la nouvelle maire attaque la distribution des écharpes des adjoints. Les accolades sont aussi appuyées et larmoyantes qu’après son élection. Au tour de sa mère, elle prend le temps de plier et embrasser le tissu avant de le poser à sa place.
12:47
Les troupes d’Anne-Laurence Petel font une entrée fracassante, sous les remarques outrées de la majorité. Cheveux courts, haut bleu, Sophie Meynet de Caqueray s’installe pour lire une intervention sur les frais de représentation que veut se faire voter Sophie Joissains : 15 000 euros par an. Son opposante pointe le montant, trois fois la moyenne des grandes villes selon elle, « sauf dans le Sud », et demande la mise en place d’un « remboursement sur justificatifs ». Réponse, droite dans ses bottes, de Sophie Joissains : « Je suis un peu surprise car il n’y a pas d’augmentation. » Et d’interpeller sa majorité : « Moi, je ne suis pas favorable. Est-ce que quelqu’un a une objection ? » Curieusement personne. Les frais sont adoptés à la majorité.
12:52
Malgré les protestations et demandes de parole de son opposition, la nouvelle maire d’Aix « lève la séance ». Il lui manque encore l’exubérance de sa mère et quelques « joissinades », mais Sophie apprend vite.
De haut en bas, dessinés par Trax, Sophie Joissains, la maire (UDI) d’Aix-en-Provence ; Anne-Laurence Petel, conseillère (LREM) d’opposition ; Maryse Joissains (LR), ex-maire démissionnaire et « mère de ».