A Aix-Marseille, la métropole en dindon de la farce
On a beau s’en douter un peu, ça fait drôle de le voir écrit noir sur blanc. «Une démarche de captation de ressources », « au détriment de projets pensés à l’échelle métropolitaine » : la métropole Aix-Marseille Provence (AMP) a tout juste quatre ans, et déjà la chambre des régionales des comptes (CRC) la dézingue au bazooka. Il faut dire qu’il y avait de quoi : née d’une union non désirée entre six intercommunalités de droite ou de gauche (Marseille, Aix, étang de Berre, Aubagne, Ouest-Provence et Martigues), la métropole a, pour faire passer la pilule, adopté un fonctionnement semblable à celui de l’ex-communauté urbaine de Marseille. A savoir un club de maires, où chacun reste maître chez soi et où l’on s’arrange pour se partager les ressources financières supplémentaires que l’État est sensé apporter au nouveau-né. Sauf que, forcés par la loi à intégrer la métropole, les maires s’en sont donnés encore plus à coeur joie pour charger la mule.
Dette express
A l’approche du couperet, chacune des intercommunalités a ainsi révisé à la hausse les attributions de compensations, que la métropole allait devoir reverser aux communes au titre des transferts d’impôts et de charge. Facture pour la métropole en l’espace de quatre ans : plus de 220 millions d’euros supplémentaires. Or « près de 80 % de cette augmentation ne correspond à aucun transfert de charge », s’estomaque la CRC. 176 millions, le prix d’une ligne du tramway marseillais ou de deux fois le contournement routier de Miramas, reversés aux communes… pour rien. Dans la même période, les élus en profitent pour lancer plusieurs projets d’équipements indûment fléchés « d’intérêt métropolitain », et financés à crédit. « La dette du Pays d’Aix a été multipliée par 2,5 entre 2013 et 2015, celle de l’Agglopole a augmenté de plus de 62 % en un an (2014-2015) et celle du Pays d’Aubagne de 45 % entre 2013 et 2015 », pointe la chambre. Une dette transférée à la métropole, et qui a réduit d’autant ses capacités d’autofinancement pour investir.
Aucune économie d’échelle
Et après l’avènement de la métropole ? La rigolade continue. « Chaque territoire [ancienne intercommunalité] est libre d’utiliser ses dotations comme bon lui semble, sans que la métropole ait un droit de regard sur son utilisation », enfonce la CRC. Pire : de larges compétences métropolitaines ayant été rétrocédées aux territoires, ceux-ci bénéficient d’un budget autonome, révisé chaque année. Et s’ils dépensent moins que prévu, leur budget est amputé d’autant l’année suivante. Un système qui, euphémise la chambre « incite faiblement les territoires à gérer de manière économe leurs dotations ». A l’arrivée, « aucune économie d’échelle ne se dessine » entre les communes, les six anciennes intercommunalités devenues « territoires ». La métropole aurait de facto entraîné un surcoût de gestion, « ce qu’elle nomme elle-même ironiquement le coût du septième territoire », déplore la chambre régionale des comptes.
Comment sortir de cette « logique de guichet » ? En développant une définition claire de ce qu’est l’intérêt métropolitain, et en triant les projets selon ce filtre. Problème : après sa défaite aux municipales à Marseille, Martine Vassal présidente (LR) sortante de la métropole, n’a sauvé son siège qu’en s’alliant aux élus du pays d’Aix et de Ouest-Provence, qui réclament une réforme d’AMP pour donner encore plus de pouvoir aux territoires. Le « septième territoire » de la métropole n’est près de devenir le premier.