Intercommunalités : à tous les coups, la droite gagne

L’équivalent politique du réalisme à l’allemande ? Loin d’avoir été balayée par la « vague verte » des municipales qui n’a finalement que peu submergé la Provence (cf le Ravi 186), la droite a consolidé ses positions aux élections intercommunales, là où se situent les plus importantes compétences en matière d’urbanisme, d’environnement et de transports. Revue de détail.
Un calendrier favorable
Les sénatoriales en septembre, les départementales et régionales en mars, puis la présidentielle l’année suivante, le tout en période de plan de relance et risque de rebond de l’épidémie de Covid-19… Les élus locaux ont vu avec soulagement s’éloigner les perspectives de réforme territoriale, principalement le serpent de mer des fusions métropoles-département, mais aussi l’absorption d’intercommunalités plus petites par leurs métropoles voisines. Un double répit idéal pour négocier des accords de gouvernance sur mesure.
Un pacte de raison qui a eu raison
C’était la ligne de Renaud Muselier, président (LR) de la région : faire taire les divergences à droite et s’allier le plus largement possible dès le premier tour. Marseille mis à part, le conseil a été entendu et mis en œuvre partout en Paca. A l’arrivée, la droite l’emporte sans surprise dans ses places fortes comme Toulon ou Nice. Mais elle réussit aussi à conquérir ou se maintenir dans d’anciens bastions de gauche comme Arles, La Seyne-sur-Mer, Forcalquier ou Aubagne. Et même à déloger des maires RN comme au Luc (Var). Avec, à chaque fois, autant d’élus décisifs dans les assemblées intercommunales.
Des villes-centres pauvres quand elles sont de gauche
Incroyable : il existe des agglomérations où la ville-centre est plus pauvre que sa périphérie. Alors quand la droite fait carton plein sur ces communes dortoir et autres lieux de villégiature, il devient possible de mettre en minorité les élus de gauche de la ville-centre. C’est ce qui s’est produit à Marseille mais aussi à Avignon.
Dans la cité phocéenne, la présidente LR sortante de la métropole, Martine Vassal, battue aux municipales, a réussi à se maintenir à l’échelon de la métropole, notamment avec le soutien de la maire d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains. Un soutien qui a son prix : l’engagement d’aller vers une « métropole des maires », où chaque édile serait quasiment maître chez lui, alors que la métropole Aix-Marseille est déjà celle qui délègue le plus de pouvoir et de subventions à ses communes membres. Une évolution qui, si elle vide peu à peu la métropole de tout son sens et de son (début) de cohérence, pourrait à terme, paradoxalement, aider la ville de Marseille. En effet, une part décisive du programme sur lequel Michèle Rubirola (Printemps marseillais) s’est faite élire dépend totalement de la métropole, notamment en matière de logement et de transports ! Pour l’heure, les deux institutions se regardent en chiens de faïence : alors que la ville réclamait cet été des bus supplémentaires pour désengorger les lignes des plages en période de Covid, il a fallu un coup de gueule de la préfecture pour que la métropole reconnaisse le problème.
Un cordon sanitaire qui rompt son fil
La droite de 2020, c’est définitivement plus la cuvée des « accords techniques » avec le FN pour gérer la région en 1986, plutôt que celle du « plutôt mort qu’alliés avec Le Pen » des régionales de 1998. A l’agglomération d’Avignon, un candidat divers-droite a été élu avec des voix du Rassemblement national, quasiment sans aucun remous (voir encadré).
La situation est tout aussi emblématique dans l’agglomération Var Estérel Méditerranée. Alors que David Rachline (RN) a été réélu au premier tour maire de Fréjus, l’extrême-droite a été battue dans toutes les autres communes du Var. Le maire LR de Saint-Raphaël Frédéric Masquelier aurait pu être élu président de l’agglomération sans les voix du RN. Et pourtant, il a fait le plein de voix – moins deux abstentions – et a désigné dans la foulée Rachline et plusieurs des ses colistiers RN comme vice-présidents (1). Un calcul à courte vue selon Julien Poussin, conseiller communautaire divers-gauche et tête de liste à Fréjus : « LR et RN se sont entendus mutuellement pour ne pas se gêner aux municipales à Fréjus et Saint-Raphaël, avec à la clé une gouvernance partagée [à Var Esterel Méditerranée]. Mais cela va finir par se retourner contre la droite. Rachline ne fait pas de vagues, il cultive une image de bon gestionnaire. Il va encore plus occuper le terrain sur l’agglomération. Et l’électorat LR va finir par basculer vers le RN. » Face au péril « pastèque » rouge-vert, une future droite plurielle ?
1. Contactés, David Rachline et Frédéric Masquelier n’ont pas souhaité s’exprimer.