de Carolis, à fond à droite
« Je suis chaud, venez me chercher ! » Le 6 avril, Patrick de Carolis se gargarise et provoque l’opposition en plein conseil municipal. L’ancien animateur télé fait le show et attire les applaudissements de sa majorité en liesse. A 67 ans, l’ancien président de France Télévision continue sa carrière désormais confortablement installé dans son fauteuil de maire d’Arles. Dans les joutes verbales, il nargue l’opposition en évoquant « un deuxième ou un troisième mandat » à venir.
Côté politique, l’ancien journaliste du Figaro ne fait pas dans la dentelle. Il utilise les ressorts classique de la droite sécuritaire. Ses premières délibérations concernent la construction d’un hôtel de police, l’amplification du réseau de vidéo-surveillance, la baisse des subventions aux associations et un budget d’investissement important pour refaire les routes et tailler les arbres. Son slogan répété à l’envie depuis la campagne « remettre la maison Arles en ordre » après une gestion « communiste ». Un mot qu’il susurre comme s’il était une insulte.
Pour l’aider dans son grand œuvre de transformation de la ville, le nouveau maire peut compter sur une alliée de poids : Martine Vassal, la présidente LR du département des Bouches-du-Rhône et de la métropole. Lors de la présentation du budget, il revendique un « contrat historique avec le département » de 16 millions d’euros sur trois ans. En cette période pré-électorale, Martine Vassal est en effet généreuse avec le nouvel arrivé sur le paysage politique départemental. Ce n’est plus un robinet, c’est la cascade des Aygalades qui coule sur la ville d’Arles ! En plus du contrat de développement à 16 millions, le nouvel hôtel de police municipale à 1,2 millions d’euros sera financé à hauteur de 80% par le conseil départemental. « Le département avec cet effort sans précédent est le signe d’un partenariat retrouvé », se gargarise le maire.
La métropole dans le flou
La politique de Martine Vassal, c’est « Je suis bien avec untel je l’aide, il est contre moi, je l’aide pas », rebondit en séance Mohammed Rafaï, conseiller municipal d’opposition (PS). Et de rappeler : « Ça reste l’impôt des contribuables. » Ces dernières années, les subventions pleuvaient en fonction des positions pro ou anti-métropole des élus du Pays d’Arles. Martine Vassal souhaite voir fusionner le Pays d’Arles avec la métropole Aix-Marseille Provence. Parmi ses meilleurs arguments : les contrats départementaux, les aides aux communes du conseil départemental. Qu’en sera-t-il de la position du nouveau maire d’Arles, si la question de la métropole revenait à l’agenda politique ? En campagne en tous cas, il n’a pas promu cette idée impopulaire sur le territoire. Pour l’instant, le maire temporise et louvoie en parlant de sa volonté de construire un « Pays d’Arles fort » tout en évitant de s’opposer frontalement à une intégration à la métropole Aix-Marseille. Tactique.
Surtout, Patrick De Carolis se met dans la roue sécuritaire de Martine Vassal. Les élections approchant, la présidente du département a lancé une campagne de communication sur son thème favori. Sur les vitrines des commerces du centre-ville d’Arles, les affichettes du département ont remplacé les annonces des expos. Le message : « Votre sécurité, notre priorité », un texte ajouté via Photoshop sur un capot de voiture de police ou dans le globe d’une caméra de vidéo-surveillance. Vulgaire.
Mais si la vidéo peut payer dans les urnes, elle coûte surtout très cher aux collectivités. A Arles, la mairie a décidé d’investir massivement dans les installations vidéo et de mettre un agent derrière la tour de contrôle 24h/24h. Qu’importe l’opposition qui dénonce les coûts pour le peu d’efficacité, Patrick trace sa route. Pour l’appuyer, de nouvelles figures apparaissent et pourraient l’aider à s’implanter au conseil départemental. Notamment l’ambitieuse Mandy Graillon.
Candidats Camargue et tradition
Mandy Graillon est pressentie pour représenter la liste LR de Martine Vassal lors des élections départementales de fin juin. Si elle n’est pas jugée trop encombrante par la présidente (lire ci-dessous), Mandy Graillon se présenterait pour le canton d’Arles aux côtés de Martial Alvarez, le maire de Port-Saint-Louis et Vice-président de Martine Vassal à la Métropole Aix-Marseille. Mandy Graillon aurait comme suppléant Emmanuel Lescot, conseiller municipal d’Arles dans la majorité De Carolis et adjoint spécial à la Camargue. Fils d’une lignée de manadiers, il formerait avec Mandy, un duo aux accents du cru.
Coïncidence ? Un des premiers travaux de la mandature de Carolis a été la « modernisation du centre de tri du Sambuc », village de la commune d’Arles située en pleine Camargue. Pour valoriser l’action de la collectivité ACCM dont il est président : une inauguration qui claque et un post sur les réseaux sociaux le 19 février dernier. Sur la photo : Patrick de Carolis, Mandy Graillon et Emmanuel Lescot posent derrière le ruban et devant le panneau. Des travaux qui s’élèvent à 184 247 €. Bizarre, aucune trace d’un quelconque appel d’offres pourtant obligatoire au dessus de 25 000 € au moment des travaux. Le chantier aurait-il été saucissonné en plusieurs parties pour passer sous ce seuil ?
Seule l’indication de la réalisation des travaux par « des entreprises locales » est indiqué sur la page Facebook de l’ACCM, la communauté d’agglomération d’Arles. Mais ni la mairie d’Arles ni la communauté ACCM n’ont répondu à nos questions. Pourtant Patrick de Carolis devrait être rencardé sur les règles des appels d’offres. Ne pas les avoir respectées lui a valu une condamnation pour favoritisme au profit de l’entreprise Bygmalion alors qu’il était président de France Télévision. Sa peine de 25 000 euros d’amende et cinq mois de prison avec sursis devrait attiser la curiosité sur la question. Arrivé à Arles comme un roi nu, Patrick de Carolis avance ses pions, construit son fief. Les symboles sont nombreux. Par mimétisme des collectivités de droite et droiture républicaine, il fait imposer aux associations qui reçoivent une subvention d’afficher dans leurs locaux une charte des valeurs de la République. Un copier-coller de la charte de la région Paca mise en place par Christian Estrosi (LR) dès son élection en 2015. Un coup à droite, un coup à droite.
L'ex-reine d'Arles Graillon indispose la présidente Vassal
Tout serait prêt pour que Mandy Graillon soit candidate sur le canton d’Arles pour la liste de Martine Vassal (LR) aux élections départementales des 20 et 27 juin. Mais Martine Vassal ne l’entendrait pas de cette oreille. Pour plusieurs raisons. Peut-être par méfiance de la jeunesse de la nouvelle et son caractère ambitieux : elle envisagerait la députation en 2022. Mais certainement aussi parce qu’elle était et reste proche de son ancien patron à la région Paca : Renaud Muselier (LR). Martine Vassal (LR) se souvient de la lutte fratricide des élections municipales de Marseille. Et peut-être rebelote pour la lutte pour Marseille en 2026. Une petite nouvelle qui marche sur ses plates bandes départementales, c’est pas le moment !
Salaire « exorbitant »
Mandy Graillon est arrivé en politique grâce aux traditions provençales. Tout commence avec l’élection de Christian Estrosi en 2015 à la région Paca. Le 29 octobre 2015, le futur président alors en campagne remarque la reine d’Arles qui monte à la tribune d’une manifestation de défense des traditions. Elle rentre au cabinet du président puis grappille vite les échelons jusqu’à une rémunération de 7 200 € net. Salaire qualifié d’ « exorbitant » par la chambre régionale des comptes dans un rapport de gestion présenté fin 2020. Conseillère culture, puis directrice adjointe de cabinet de Renaud Muselier, Mandy a dû quitter son poste fin 2019 pour entrer en campagne à Arles : c’est la loi. Elle est donc gentiment remerciée pour « divergence d’objectif », note l’arrêté de licenciement.
L’ancienne reine d’Arles et directrice adjointe du cabinet du président de région Renaud Muselier est maintenant installée en tant que deuxième adjointe de la ville d’Arles. D’ailleurs, elle n’a pas oublié ses anciens collègues de la région Paca. Pour remplacer « Drôles de Noël », un festival de spectacles de rue, la ville a préféré externaliser la conception de la programmation des festivités auparavant préparé en interne par le service culture. Surprise ! La ville a confié la programmation de Noël à Overneed consulting, dont le numéro Siret est attribué à Ludovic Arnault, un ancien collègue de Mandy Graillon au cabinet du président de la région. Une facture de 12 500 € pour un programme qui s’annonçait autour d’illuminations, d’une patinoire et des crèches provençales.
Au vu de sa proximité avec Renaud Muselier et son équipe, Martine Vassal pourrait préférer à Mandy Graillon l’élue à la culture d’Arles, Claire de Causans. Une dame issue de l’aristocratie locale et catholique pratiquante qui ne ferait pas de vague. Elle a déjà rendu service sur la liste Les Républicains pour les élections sénatoriales.
E. B.