« J'évite de mettre des talons aiguille »
18:06
Il ne fallait pas arriver en retard au conseil municipal de Draguignan ce lundi 21 octobre : le coup de théâtre s’est déroulé avant le début de la séance ! A peine installé, Alain Macke, conseiller municipal d’opposition élu en 2014 sur la liste FN mais qui siège depuis 2017 en indépendant, est ressorti de la salle. Sans donner aucune explication. C’est quand même mieux que Valeria Vecchio (RN) et l’ancien député LR Olivier Audibert-Troin qui, comme ce soir, font le plus souvent l’école buissonnière…
18:08
« Passons aux choses sérieuses », lance finalement de derrière son écran 24 pouces Richard Strambio, le maire divers droite de Draguignan depuis 2014. Visage allongé, nez tombant, on ne voit que sa tête bien qu’il siège en hauteur, entouré de ses deux premières adjointes, Christine Premoselli (affaires générales) et Sylvie Francin (urbanisme). Moulée dans une robe orange, grand décolleté, cette dernière a visiblement d’autres projets pour la soirée.
18:12
La presse locale a une curieuse place : son bureau est installé au milieu de la salle du conseil, entre les élus et le public, une belle brochette de retraités. Un symbole ?
18:17
Ancien adjoint à la culture (2008-2014), Richard Strambio se félicite d’un aménagement de balade proche de La Clape, la rivière dracénoise, et de la bonne entente de tous les acteurs sur ce projet voté à l’unanimité. Visiblement, la campagne des municipales de mars prochain est bien lancée. Le maire a d’ailleurs déjà trois adversaires de droite déclarés. Mais aucun de gauche ! Est-elle portée disparue depuis son élimination au premier tour il y a cinq ans ?
18:20
C’est au tour de Grégory Loew de vanter le bilan de la majorité. A l’occasion d’une délibération sur l’achat de locaux commerciaux par la commune, le jeune adjoint à la politique de la ville revient sur son action pour la redynamisation commerciale du centre ville. « C’est l’humain avant tout ! On nous critique quand on loue 1 euro le m2, mais en maintenant de l’humain, on fait bouger les choses », insiste l’enseignant. On dirait du Mélenchon version 2012…
18:23
En l’absence de leur leader, l’opposition LR a décidé d’être constructive. Pour sa première intervention, Jean-Jacques Lion et sa barbe grise s’inquiètent de… « la surface du local » acheté.
18:25
Arrivées de Alain Hainaut, adjoint à la petite enfance, et d’une nouvelle retraitée. Malgré la présence de jeunes trentenaires, la moyenne d’âge du public ne s’arrange pas.
18:30
Fin des délibérations, place aux bilans d’activité des délégations de service public de la ville. C’est François Gibaud, l’adjoint aux finances -« qu’on ne présente plus »– sourit le maire, qui s’y colle. Il attaque par la Délégation de service public (DSP) de distribution d’eau potable.
18:32
Yeux plissés et polo rose à manches longues, Jean-Daniel Santoni prend la parole pour l’opposition LR, inquiet : au premier janvier la compétence est transférée à la communauté d’agglo et craint un manque de réactivité des nouveaux services. Richard Strambio se veut rassurant : « Comment ils font à Paris, à Lyon ou à Marseille pour être réactifs ? » Pas sûr que la deuxième ville de France soit le bon exemple en matière de gestion de l’eau…
18:37
Dans le même mouvement et à propos de « marchés obsolètes », le maire lâche un très énigmatique : « J’ai peut-être des choses à dire, mais je me tais… » Et d’enchaîner théâtral : « Merci monsieur Santoni pour ce compliment indirect ! » Le public apprécie, Strambio se désaltère. Le petit buste de Marianne ceint d’une petite écharpe tricolore planqué sur un côté de la salle du conseil reste, lui, de marbre.
18:40
Excuse du maire : « Dans ma fougue, je vous ai fait voter alors qu’il s’agit simplement pour le conseil de prendre acte de ces rapports de gestion. » Alain Hainaut classe très consciencieusement ses délibérations en un très joli tas.
18:44
Jean-Daniel Santoni remonte au front, avec la même pugnacité. « Vous avez un point d’étape sur la nouvelle convention de lutte contre la précarité énergétique ? », interroge le conseil municipal. Réponse du maire : « Non « . Dont acte.
18:48
C’est autour de Jean-Jacques Lion de monter au front, à propos de couverture réseau dans son quartier. « Vous allez me renvoyer dans les cordes », attaque méchamment l’élu d’opposition. Heureusement pour lui, Grégory Loew et sa barbe de trois jours volent à son secours : eux aussi habitent le quartier. En tout cas, le réseau fonctionne parfaitement dans la salle de conseil, François Gibaud ne lâche pas son portable.
18:52
La lecture des bilans des DSP commence à lasser. Les élus comme le public, commencent à se dissiper.
18:57
Nouvelle attaque au bazooka de Jean-Jacques Lion et de son collier de barbe à la fin du rapport de DSP sur la restauration. « Je ne sais pas si c’est le délégataire ou la mairie, mais merci pour ces bouteilles d’eau de Thonon, une région d’où je viens« , mitraille le conseiller d’opposition. Manque de bol, le maire connaît très bien aussi Thonon et sa région…
18:58
Sophie Dufour, adjointe à l’économie et voix pour l’occasion de l’élue à l’éducation aphone, conclut : « Madame Dubouis voulait aussi nous annoncer que pour la nouvelle délégation, la qualité sera supérieure et les tarifs plus bas. Elle a été particulièrement bien négociée. » Il faut certainement la croire sur parole…
19:09
« Autour de l’excellent bilan de madame Dufour », annonce dans une nouvelle gestuelle très appuyée Richard Strambio. Et d’insister : « Vous avez les félicitations de tout le conseil municipal. » Il s’agit du bilan du contrat de revitalisation artisanale et commerciale du centre ville (CRAC), très cher au maire. Qui assure qu’il est devenu un exemple national. Rien de moins.
19:18
Le projet est en tout cas porté avec ferveur par l’élue. Pendant que le maire papote avec sa première adjointe, Sophie Dufour égrène les chiffres avec enthousiasme. Avant de conclure, rayonnante : « En 2016, le taux de vacance des locaux commerciaux de la place du Marché était de 15 %, aujourd’hui il est de 7 %. Je suis très heureuse, je remercie les services, parce que sans eux ça n’aurait pas été possible. » Ça n’est pas des vivats, mais le public applaudit.
19:20
Jean-Daniel Santoni remet une pièce dans la machine et Sophie Dufour repart pour un tour.
19:26
« Les gens me disent « là, j’ycrois » », se félicite à son tour le maire à propos de ce CRAC. Et du bilan de la communauté d’agglo qu’il est en train de commenter. «Tout ce que dit madame Dufour est en cours. J’évite d’ailleurs de mettre des talons aiguille, poursuit Richard Strambio à propos des travaux. On n’est pas là pour se lancer des fleurs mais pour redonner à Draguignan sa place sur le territoire. Et toutes les subventions pour le cœur de ville vont profiter au fin fond de notre territoire. » Il y a quand même quelques grincheux : c’est l’heure des premiers départs dans le public.
19:31
La vague de départs s’intensifie et commence à toucher les services de la mairie. François Gibaud reste, lui, scotché à son siège et son portable. Pire que les ados.
19:37
Petite leçon de multiplication, suite à une dernière saillie de Jean-Daniel Santoni sur le nombre d’agents qui bénéficieront d’une formation de bureautique. « Il y en aura 15 pour chacune des 15 sessions », annonce une fonctionnaire. « 25 ! », calcule l’opposition. « 225 ! », corrige-t-on de derrière le maire.
19:38
« Autre question ou remarque », interroge Richard Strambio, avant de remercier avec grandiloquence les élus « pour ce conseil voté à l’unanimité » et le public « pour sa présence régulière ». Un public sur lequel il se précipite pour claquer quelques bises. Un électorat, ça se cajole.
Dessins de Trax : en ouverture, Richard Strambio, le maire divers droite, suivi de Jean-Jacques Lion puis de Jean-Daniel Santoni, conseillers d’oppositions (LR)