Dans le Vaucluse, un candidat d’une liste soutenue par le RN accusé de violence sur mineurs
« Traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale, érosion cornéenne de l’œil gauche et traumatisme thoracique d’un pneumothorax gauche complet. » Les conclusions du certificat médical délivré par le centre hospitalier d’Avignon le 11 septembre 2019 établissant une incapacité temporaire totale (ITT) d’un mois pour Ilyes, âgé alors de 15 ans, sont explicites. Une ITT qui sera ramené ensuite à 15 jours par un médecin légiste.
Le 10 septembre 2019, selon la version de Louardi Yousfi, le père d’Ilyes, une altercation a lieu entre deux jeunes à Carpentras (84). Suite à cela, l’un des deux jeunes appelle son père pour qu’il vienne à sa rescousse. Le père habite Mazan (1), une commune d’un peu plus de 5 000 habitants près de Carpentras. Il est aujourd’hui en bonne position sur la liste municipale menée par Louis Bonnet, un élu d’opposition Les Républicains (LR) sortant, exclu du parti le mois dernier. Et pour cause : cette liste « ensemble pour Mazan« , en théorie « divers droite » est soutenue très officiellement par le Rassemblement national (RN). Georges Michel, délégué départemental adjoint du RN dans le Vaucluse, en occupe la troisième place.
Procès en avril
L’autre adolescent impliqué dans l’altercation du lycée a retrouvé quatre copains pour aller manger dans un fast-food. En voiture avec son fils, toujours selon Louardi Yousfi, le père, candidat à Mazan, aurait tenté de renverser le groupe de jeunes : « Il en a percuté un très légèrement mais les a bloqués ensuite dans une ruelle. Il est sorti et a commencé à porter des coups à mon fils. Une fois à terre, il a encouragé son fils à faire de même et s’en est pris à un autre. » Ilyes parvient à s’échapper chez un voisin. Après une enquête de police préliminaire, le parquet du procureur de Carpentras édite le 7 novembre un « avis à victime » informant la famille Yousfi, qui s’est portée partie civile, que l’agresseur présumé sera entendu le 9 avril 2020 devant le tribunal correctionnel de Carpentras, estimant donc qu’assez de charges pèsent sur lui pour le juger. L’audience a été confirmée. De source judiciaire, les faits qui lui sont reprochés sont « violence par un majeur avec assistance de mineur suivi d’incapacité supérieure à huit jours » et « violence avec usage ou menace d’une arme sans incapacité ».
Selon l’avocat de la défense, maître Éric Geiger, la version des faits du prévenu n’est pas du tout la même, les parents du plaignant ayant « inventé une histoire ». Il indique que son client ne nie pas avoir été sur les lieux mais « conteste formellement avoir porté des coups à ce jeune homme ». Toujours selon son avocat, il a par ailleurs porté plainte contre l’un des jeunes au nom de son fils pour « harcèlement ». À trois jours des élections, l’information est embarrassante pour cette liste intitulée « Ensemble pour Mazan ». Mais ne déstabilise pas la tête de liste Louis Bonnet, joint par téléphone, qui met en avant la présomption d’innocence : « l’affaire n’est pas jugée, il n’est pas coupable. Deux versions s’affrontent, il affirme n’avoir agressé personne ». Pas de raisons donc de l’évincer de sa liste.
« Le procureur n’est pas un juge »
Même son de cloche au RN. Pour Georges Michel, le prévenu est « présumé innocent tant que l’affaire n’est pas jugée. Le procureur n’est pas un juge ». Avant d’affirmer que le père poursuivi « n’appartient pas au RN et il n’y a jamais appartenu. Le RN n’est en rien concerné par cette affaire ». Pourtant, le parti soutient bien officiellement cette liste, comme elle le fait sur des listes s’affichant « divers droite » à Carpentras et à Mazan. À Velleron, toujours en Vaucluse, un père de famille accusé d’avoir blessé son fils avec un couteau, est candidat sur la liste cette fois clairement estampillée RN… Il sera jugé en septembre.
Pour le père d’Ilyes, Louardi Yousfi, cette agression revêt un caractère raciste. Mais cette situation aggravante n’a pas été retenue par la justice. « Il a poursuivi et agressé un groupe de cinq jeunes maghrébins… Il évoque les migrants sur son compte Facebook et ses idées sont bien connues dans le village. Mon fils s’est fait agresser gratuitement, il faut dire les mots, par un facho. » Il a depuis saisi le MRAP (mouvement contre le racisme et l’amitié des peuples) de Vaucluse. L’avocat de la défense maintient, que ses « clients contestent formellement avoir eu un comportement de cet ordre ». En attendant, Ilyès est depuis décembre scolarisé à Marseille, a consulté un psychologue, a d’après son père « du mal à faire confiance aux adultes » et a tendance à « se replier sur lui-même ». Procès le 9 avril.
1. Afin de protéger l’identité de son fils mineur, nous avons choisi de ne pas révéler son nom.