Les mauvaises ondes de la 5G
En 2008, Sébastien Barles, pas encore adjoint à la « transition écologique » faisait la retape pour le forum « Rayonnements électromagnétiques : attention danger ! ». Avec Michèle Rivasi (alors présidente du Criirem, le Centre de recherches et d’informations indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques) et une élue de secteur, une certaine Michèle Rubirola.
L’« éphé-maire » de Marseille (EELV) a été des édiles à réclamer fin 2020 un « moratoire » contre la 5G. Depuis, Rubirola n’est plus là et la cité phocéenne est la ville la plus couverte par la 5G derrière Paris. Soupir de Mathilde Chaboche, élue à l’urbanisme : « Une ville ne peut pas faire grand-chose. Si on s’y oppose, on finit par se faire retoquer par la justice. Le seul levier, c’est pour raison esthétique, quand l’antenne fait tache. » Alors elles se déguisent. En arbre ou en cheminée.
Comme à la Plaine où l’école primaire du quartier s’est mobilisée contre l’installation d’une nouvelle antenne qui, à en croire le dossier de Bouygues n’est pas encore 5G. Et, d’après le « chargé des relations extérieures », loin de tout établissement de la petite enfance. Perdu : à 10 mètres, il y a une crèche.
Coup d’épée dans l’eau
Hasard du calendrier, à la rentrée, l’adjoint aux écoles Pierre-Marie Ganozzi a annoncé une « campagne de mesures d’exposition aux ondes électromagnétiques ». Des « mesures réalisées par un laboratoire accrédité par l’ANFR, autorité normative et réglementaire sur les sujets GSM » – Exem – et qui vise à « donner des informations claires, compréhensibles et certifiées ».
Méfiance d’une directrice d’école : « J’espère que la société qui s’en chargera sera neutre et indépendante. » Pour Catherine Gouhier, présidente du Criirem, cette « démarche est totalement insuffisante. C’est un coup d’épée dans l’eau. Car la société désignée va se contenter d’examiner si les normes sont respectées – et elles le sont toujours… – mais en aucun cas analyser les risques que les ondes représentent ». D’ailleurs, ce sont les « opérateurs de téléphonie eux-mêmes qui financent en payant une taxe pour que ces mesures soient réalisées par des organismes désignés par l’ANFR, l’agence étatique, et certifiés par la Cofrac. Or, la réglementation est sans ambiguïté : on ne s’intéresse qu’aux risques à court terme et pas ceux à long terme ».
Sur le site d’Exem, au chapitre « nos références », on trouve tous les opérateurs : Bouygues, Free, Orange, SFR… « Oui, on travaille pour eux. Mais il n’y a aucune faveur. Ils ont droit au même traitement et on utilise les mêmes méthodes », rétorque Fabien Périsse, un des responsables. L’entreprise vient de remporter à nouveau le « marché national qui, dans le cadre du dispositif de surveillance de l’ANFR, permet aux collectivités de demander que soit mesurée l’exposition aux ondes ».
Exem a bientôt fini sa mission : « On a commencé en novembre. C’est un peu compliqué car il faut tenir compte des disponibilités. Mais tout sera terminé pour février. Les résultats sont transmis à l’ANFR et à la ville qui communiquera. » Pas de surprise à attendre : « L’an dernier, à la demande du secrétaire d’État au numérique Cédric O, il y a eu une campagne sur 1500 sites et aucun problème n’a été détecté. Notre travail est essentiellement technique : on mesure si le niveau d’exposition est conforme à la réglementation. On ne fait aucune analyse de risque. Ce n’est pas notre métier. »
New deal numérique étatique
Pas question de s’exprimer sur l’implantation des antennes. Tout en se permettant ce commentaire : « Au-delà des écoles et des crèches, il y a les collèges, les lycées… Si les antennes ne pouvaient être implantées à proximité, il resterait peu d’endroits. » Il reconnaît toutefois que « l’exposition aux ondes pose question. Voilà pourquoi il y a à Marseille des capteurs pour mesurer l’exposition en permanence. Et réaliser des campagnes régulières permet d’avoir un historique ».
C’est Christophe Hugon, l’élu à l’open-data, qui suit le dossier. Et pour lui, les résultats sont bons : « On exige que ne soit pas dépassé 4 V/m, soit 10 fois moins que la réglementation européenne. Or, là, l’exposition maximum est de 3,8 et, bien souvent pas plus de 1,5. » Ajoutant : « Vu l’implantation des écoles, cela permet d’avoir un maillage presque complet de la ville. »
Et d’annoncer la mise en place d’un « observatoire qui associera la ville, les opérateurs mais aussi les associations, les citoyens ». L’idée, dixit celui qui vient du Parti Pirate, c’est de s’inscrire dans un « plan plus global pour lutter contre la fracture numérique. Ce qui peut se faire par le déploiement de la 5G mais aussi la fibre ». Car, reconnaît-il, « un moratoire, il n’y a que l’État qui pourrait le faire. Une ville ne peut être décisionnaire. Mais elle peut être facilitatrice. Voilà pourquoi on a décidé de travailler avec les opérateurs ».
Pas simple : « Pour l’heure, ils trouvent que les contraintes que l’on voudrait imposer sont trop fortes. » Et c’est peu dire qu’une ville ne peut pas faire grand-chose puisque le gouvernement, non content de vouloir éradiquer toutes les « zones blanches » avec son « New Deal » numérique, a profité de l’état d’urgence sanitaire pour faire sauter tout ce qui encadrait jusque-là l’implantation des antennes-relais. Non mais, allô quoi ?!