Moi, Cyril Hanouna, le salle gosse de la télé
Au Ravi, une sonnette retentit. « Oui ? », soupire-t-on dans l’interphone. « C’est Baba ! » (1) Machinalement, on déverrouille la porte. Brouhaha dans l’escalier. Entre musique, rires forcés, en sueur et en survêt’, accompagné de ses « fanzouzes » (2), de quelques chroniqueurs – dont Karim Zéribi (3) – et bien sûr de caméras, Cyril Hanouna, l’animateur de Touche pas à mon poste sur C8, la chaîne de Vincent Bolloré, débarque dans les locaux du journal satirique, un chèque à la main !
« Coucou, c’est nous ! (4) Euh, on est où, là ? Vous avez confié la déco et le ménage à Ray Charles ? Et le type en pyjama, c’est le capitaine Kirk ? C’est Michel, le rédacteur en chef ? Bonjour, c’est pour un abonnement ! (rires) Déconnez pas, il doit pas manger à sa faim tous les jours. Comme moi au début : « On vivait avec 200 euros par semaine. On n’avait pas de table de salon, on mangeait nos pizzas sur une table de ping-pong. Après avoir mangé, on jouait ! » (5)
Maintenant, ma société fait « 50 millions d’euros par an. Si une année, il n’y a que 48, je ne vais pas aller taper à la porte pour dire : « Eh ! Il me manque 2 millions » ! » Et « aujourd’hui, je souhaite mettre l’argent au profit d’une grande cause » (6). Comme le foot ? (rires) Quelle grande gueule, ce Karim Zéribi ! Oui, j’ai décidé d’aider l’Athlético Marseille : « Je suis un amoureux du foot et c’est un club des quartiers qui m’a demandé de les aider. J’ai envie qu’ils jouent dans la darka. Je me fais engueuler parce que j’aime Marseille et Paris. Mais bon, l’Athlético Marseille face à Paris, c’est pas pour tout de suite. » (7)
Oui, j’suis pas très regardant… T’as vu, Karim, les photos avec Samia Ghali et le PDG de La Provence ? (8) Mon modèle, c’est Tapie ! « Je suis très fan de lui. Ça aurait été le meilleur chroniqueur dans Touche pas à mon poste » (9) La télé, le foot… Alors pourquoi pas la presse ? « Moi, quand on me demande, à chaque fois, je dis oui ! » (7) Tu vois, là, Michel, sur le chèque, c’est pas la date, c’est la fin de vos ennuis. Ou le commencement ! (rires)
« J’ai failli abandonner pour reprendre mes études d’expertise-comptable »
C’est quoi, votre dossier ? La prostitution ? Vous voulez qu’on parle de ma « sex-tape » ou de Depardieu qui avait la gaule quand il était goal ? (10) Non ? C’est quoi, les articles ? Pas très bandant (rires gras) ! Pour « J’ai testé pour vous », je peux vous faire « Jean-José, 1,85 m, très sportif et super bien monté » (11)… Ah oui, on avait dit pas d’homophobie. « Tout ce qui m’est intrinsèquement lié va à l’encontre de l’homophobie : mon éducation, la diversité de mes potes, ce que je transmets à mes enfants, mon soutien à des associations… » Moi, « je suis un militant de l’inclusion par le rire ». Mais, même si j’aime pas Zemmour, comme lui, « je m’insurge contre la bien-pensance, le conformisme » (6)
T’inquiète, Michel ! J’suis pas « Kim Jong-Il » (12). Bon, « je suis un peu soupe au lait. ». Mais on peut, comme chez Bolloré, former « une direction collégiale et familiale » (13) Et puis, ici, ça me rappelle mes débuts sur Comédie ! « J’avais 26 ans, je faisais tout, écrire des bandes-annonces, travailler aux costumes… Je gagnais 1200 francs par mois ! » (6) Je suis un vrai « enfant de la télé » (14). J’ai tout fait ! Des émissions sur la pub, le tennis, des bêtisiers, des jeux… De la radio ! « J’ai toujours voulu être animateur. En colo, je préparais des animations pour les petits jusqu’à 4 ou 5 heures du matin. » La faute à « Mémé Georgette. Elle était passionnée par le foot et la télé. J’ai fait mes universités télé avec elle » (6). On peut pas dire que ça a marché tout de suite. « J’ai failli abandonner pour reprendre mes études d’expertise-comptable » ! (5)
Aujourd’hui, je compte mes « fanzouzes » par millions. Je peux tout me permettre ! Traiter les « dirigeants de TF1 » de « connards ». Et « si à un moment, on me dit de jouer un rôle à la télé, j’arrêterai. Je préfère faire une chaîne sur Youtube où on pourra s’amuser plutôt que de m’emmerder avec des gens qui vont me dire faut faire ça ou pas ça ». (15)
J’ai pas tenu deux jours ! Parce que j’ai une mission : « Le gros du public de TPMP ne regarde plus la télé, il est sur le net, Youtube ou les réseaux sociaux. Chaque soir nous le ramenons dans le giron télévisuel » (6) Et puis ça m’a permis de faire monter la sauce pour ma nouvelle émission, Balance ton post ! « C’est un dîner de cons à l’envers » (16). Parce qu’à un moment, la télé qui regarde la télé, ça tourne en rond : TPMP, « si j’enlève la vanne, ça devient Mediamag » (6).
Là, le concept, c’est « info, talk, darka » (17) Avec un face-à-face « boucher vs vegan », un débat sur le naturisme… « Nos plaisanteries ont parfois un second degré difficile à saisir » (6) Quoi ? « La démocratie, c’est d’accorder 15 minutes de temps de parole aux juifs et 15 minutes à Hitler » ? (18). Attention, je suis « juif traditionnaliste » ! Mais, t’as raison, Michel, faut arrêter avec la « police de la pensée ». Et puis « les gens en ont marre des donneurs de leçon, ceux qui nous disent quoi dire, quoi penser, quoi aimer ».
Moi, « dans les collèges, les cités, les prisons, ce qui remonte, c’est « On comprend ce que tu dis et on sait que tu nous comprends. Dans les autres émissions, personne ne parle comme nous, on se sent exclu ». Je suis privilégié d’être écouté, compris » (6). Autant dire qu’ici, y a du boulot. C’est quoi, votre slogan ? « On n’achète pas un journal libre, on finance son indépendance. » Prenez celui de mon one-man show : « Plus trash que Voici, plus glamour que Le Monde Diplo » ! Et pourquoi pas vous appeler CQFD, « ce qu’il faut détourner », une vieille émission à moi ? Ah, c’est déjà pris ? Bon, Michel, t’as l’air d’aimer la politique. Moi aussi : Karim Zéribi, Samia Ghali, Bernard Laporte. Je viens même de relayer un tweet de Valérie Boyer sur l’appel de Muriel Robin sur les « violences conjugales ». Alors, pour tes interviews, ça, c’est le « 06 » de Manu. L’an dernier, je lui ai fêté son anniversaire en direct et « je rêve d’avoir Brigitte Macron comme invitée » (19). Quoi ? Y a p’t-être la place pour un article sur la gérontophilie ? La quoi ? Ah, les cougars ! Là Michel, tu m’fais plaisir…
Portrait publié dans le Ravi n°166, daté octobre 2018