Le journal de Benoît P. (janvier 2021)
19 décembre. Ah les salauds. Tous ces coups de dague des anciens, dans les portraits de moi pour la presse. « C’est un militant du PS qui a été formaté pour être là où il est (1) », dixit Patrick Mennucci (2) ? Et « évidemment qu’il y a un problème de morale [dans la démission de Rubirola], mais ce n’est pas le plus important » ?? Jaloux !! Heureusement que tous mes adjoints, citoyens compris, reprennent le doigt sur la couture du pantalon l’argumentaire sur « le vote pour un collectif avant tout ». Ça c’est une com’ bien réglée !
21 décembre. Toute une vie pour ce moment. Tous ces combats pour ce fauteuil. J’y suis. Maire de la deuxième ville de France. Maire d’une ville endettée jusqu’aux sourcils, dotée d’un personnel pléthorique mais dont la gestion est à peine digne des années 60, d’une ville dont toutes les compétences structurelles sont quasi toutes parties à la métropole, gérée par la droite. Mais t’inquiète, gros : « Rien ne nous fera dévier de notre volonté de changer le destin de Marseille, et la façon de la gouverner (3). » Marseille ! Me voilâââââââ !!
23 décembre. Aaaaah, les écrivaillonnes gauchistes, ça va cinq minutes hein ! Valérie Manteau, prix Renaudot, démonte notre argumentaire sur la démission de Michèle ?? « Elle dit qu’elle est malade mais elle souhaite conserver le poste de première adjointe (4). » Mais qu’est-ce que tu crois Val’ ? Qu’on peut dire haut et fort que c’est juste pour empêcher Samia Ghali (5) de prendre la place ?! Et « si le poids du pouvoir n’est pas supportable pour une simple citoyenne, c’est un problème auquel nous devons ensemble chercher une solution, au lieu de désigner un supposé surhomme, “l’urgentiste” Benoît Payan comme vous l’appelez, espérant que, nous identifiant au malade sur son lit de mort, nous acceptions d’avaler cette couleuvre les yeux fermés. Ce faisant, vous renforcez l’imaginaire de l’homme providentiel comme jamais, tout en professant ne pas y croire. » Attends voir, à ta prochaine manif pour le logement, je vais t’envoyer mon ordonnance !
31 décembre. Mes vœux à la population, bientôt diffusés sur grand écran plasma sur la mairie du 1-7, donnant sur la Canebière. Prochaine étape : les écrans dans les stations de métro ? Big Benoît is watching you !
11 janvier. Calamitas ! Michèle fait sa deuxième interview officielle d’adjointe à la Santé (la première c’est dans le Ravi et c’est ici, Ndlr) et elle balance du « moi je pense qu’un couvre-feu n’apportera pas forcément quelque chose de plus : pourquoi pas un reconfinement pour protéger les Marseillaises et les Marseillais, mais un réel reconfinement pour que ce virus arrête de circuler (6) » ? Heureusement, ma mairie minimise en disant que ce n’est pas notre position officielle et que « Michèle a parlé en médecin (7) ». C’est vrai, quoi, laissez les professionnels de la politique gérer l’épidémie ! Les experts Marseille, c’est nous !
14 janvier. Moooon dieu. Mais ne laissez plus Michèle prendre la parole. Voilà qu’elle dévoile « qu’on ne pensait pas gagner (8) » au Printemps marseillais avant le premier tour… Mais dis aussi que les partis politiques ont joué à perdant placé en baladant les citoyens, tant que tu y es !! Et qu’elle s’essuie les crampons sur les élus : « Vous savez, le pouvoir, ça change les gens. Certains, très proches de moi pendant la campagne, ont surtout travaillé pour eux une fois élus. » Dis donc Michèle, tu parlerais pas de ton ex-binôme aux cantonales, des fois, hein ?? T’es pas cap, balance des noms !!
16 janvier. Que disait Maître Yoda, déjà ? « Contrôle-toi, contrôle-toi, apprendre à te contrôler tu dois… » C’était pas compliqué pourtant ! Je fais un tour d’interview dans les canards locaux, tous dans la même journée, emballez c’est pesé, au r’voir m’sieurs dames. Il a fallu que je craque devant ces roquets de Marsactu. Ils m’interrogent sur ma légitimité en tant que maire alors que les électeurs « ont voté pour une femme écolo ». J’ai le métier, j’aurais pu temporiser, la jouer « je pense que la plupart ont voté pour un collectif et un projet, mais s’il y en a qui se sentent floués, je leur demande de me juger, de nous juger sur les actes blablabla ». Mais non, il a fallu que je les envoie bouler : « Un journal qui a 500 ou 1 000 lecteurs est-il légitime à poser des questions (9) ? » Eh tant pis eh, j’assume, le prochain pisse-copie qui passe ma porte, s’il a pas ses chiffres de diffusion certifiés sous le bras, c’est ma main dans la tronche !